Portraits des enfants des révolutionnaires afro-caribéens partis en URSS par Liz Johnson Artur.
MARIE-THERESE (Guadeloupe / Russie)
« Je suis née à St Petersbourg. Mes deux parents travaillaient pour les Nations Unies. Ma mère est Russe et la famille de mon père est de la Guadeloupe et de la Bretagne. La famille du coté de ma mère a fui la Russie après la Révolution. Grace au métier de mes parents j’ai vécu 10 ans en Afrique. Je suis retournée en France pour Bac et mon diplome de Droit. J’ai eu alors le choix : le Bangladesh ou la Russie ? J’ai choisi de revenir à St Petersbourg en 1995. Je vis dans un petit appartement, avec mes 11 chats, ce n’est pas luxueux, mais j’aime ma vie ici. Et je trouve beaucoup plus d’opportunité de travail ici qu’en France. »
GERA (Cuba / Russie)
Je suis né à Moscou en 1961. Mon père était un révolutionnaire cubain venu à Moscou étudier la philosophie. Il a combattu avec Fidel Castro et Che Guevara, quand je suis arrivé il est parti combattre avec le Che en Colombie, je ne l’ai vu qu’une seule fois.
Mon enfance n’a pas été facile, mais j’ai toujours été fier d’être Noir. En grandissant j’ai beaucoup attiré les regards, et beaucoup n’étaient pas amicaux. La Russie est un pays très chauvin, ils n’aiment pas trop les Noirs par ici.
AMINA (Tuva / Russie / Nigéria)
Je suis née à Moscou. Ma mère est Russe, mais asiatique – de la république de Tuva. Mon père du Nigéria. Ils se sont rencontrés à l’université de Moscou. Juste après mes 5 ans mon père est parti, il n’est jamais revenu pour plein de raisons.
Après mes études, je voudrais quitter Moscou. Là où j’étudie c’est très mélangé, beaucoup d’étrangers. Je m’y sens bien et libre. Comme dans le centre de Moscou. Mais je ne sors pas vraiment en dehors de la ville, c’est une atmosphère très différente… je suis habituée à être le centre de l’attention, mais je ne m’y sens pas en sécurité.
VLADA
J’ai vécu à Moscou plus de 6 ans. La plupart du temps je me sens bien ici, mais je voudrais vivre ailleurs. J’ai voyagé au Brésil et en Esagne, les gens sont différents, plus ouverts et amicaux. Moscou est une très belle ville, mais les Moscovites sont assez durs et très bruyants. Et je n’aime vraiment pas quand ils tentent de toucher mes cheveux…
ELENA et PETER
Je m’appelle Elena. J’ai 55 ans. Je suis la mère de Peter. Nous vivons dans la banlieue de Moscou. J’étais une cuisinière à l’ambassade du Nigéria, le père de Peter y était un diplomate. J’ai toujours su qu’il avait une famille là-bas. Quand il est parti, mes ennuis ont commencé. Je trouvais souvent des carte postales pornographiques dans ma boite. Quand je sortais avec Peter, les gens regardaient dans le couffin pour voir sa couleur. J’ai perdu des amis, des voisins.
Quand je l’ai envoyé à la garderie, les parents se sont plains à la direction. L’équipe là-bas a été très compréhensive, mais cela n’arrêtait pas les enfants : » si je le touche, mes mains vont être sales ? ». C’est plus simple maintenant qu’il peut se défendre seul.
Il y a deux ans j’ai gagné deux billets d’avion pour le Nigéria. Nous avons été reçus chez le père de Peter, avec sa femme et ses enfants. C’était magnifique. Nous étions bienvenus. Nous avons beaucoup de très chaleureux souvenirs, c’était merveilleux pour Peter de rencontrer ses frères et soeurs.
IVAN
Ma mère est Russe et mon père du Mali. J’ai vécu avec ma mère, mais cela n’a pas fonctionné. Elle ne me comprenait pas. Je fuguais beaucoup, mais je me faisais rattraper et ils me ramenaient chez elle. A la fin je suis allé vivre avec ma grand-mère, mais ça n’a pas été beaucoup mieux.
J’ai beaucoup appris dans la rue. Les enfants voulaient toujours se battre avec moi, je répliquais. A l’Armée, je me suis assuré que personne ne s’embrouille avec moi. J’ai quitté l’Armée avec une addiction à la drogue, et au retour à Moscou j’ai vécu dans la rue. C’était dur mais je suis déterminé. Je me suis bougé, j’ai commencé le Beat Box. J’ai même un show sur MTV Russie.
Je pense beaucoup à partir, mais j’ai beaucoup travaillé ici pour être là où je suis maintenant. Je ne veux pas tout abandonner.
(Black in the USSR. source Calvert Journal)