Une telle vision nous renvoie donc, inexorablement, aux expositions coloniales dont le but était d’étaler, d’exhiber la grandeur et l’immensité de l’empire colonial français mais surtout de montrer au monde et tout particulièrement aux Français « cette mission civilisatrice » qu’un pouvoir quasi divin aurait donné à la France afin d’éduquer les sauvages, cultiver les indigènes, en faire des hommes suivant les principes et valeurs républicaines, catholiques, apostoliques et romaines dixit le code noir. Mais, visiblement, le travail est difficile et quelque peu incompris par beaucoup qui voient en NOU, une bande de sauvages qui vivent aux raccrocs de la république et heureusement qu’il y a eu l’esclavage sinon nous serions entrain de mourir de faim quelque part en Afrique ; traduction vulgarisée du discours de Nicolas Sarkozy !
Bien évidemment, l’histoire de la France coloniale n’est pas enseignée. Une grande majorité de Français ne savent rien de la barbarie du code noir qui définissait le statut de l’esclave. Ils ne savent pas que Napoléon était un négrier qui a rétabli l’esclavage en Guadeloupe en 1802 ou que Pierre Messmer au nom de l’état français organisa l’élimination de plus de 300 000 nègres au Cameroun. Ils n’ont jamais entendu parler du code de l’indigénat qui déterminait plusieurs catégories de Français (français français et français moins français). Ils ne savent rien des massacres de Sétif (45 000 morts) ou de Madagascar (89 000 morts) ni ceux plus récents des 26, 27 et 28 mai 1967 en Guadeloupe où les militaires français ont tué plus de 100 travailleurs Guadeloupéens lors d’une grève des ouvriers du bâtiment. Rien non plus de l’empoisonnement « légal » du Peuple Guadeloupéen à la chlordécone. Ils n’en savent pas plus sur le rôle moteur joué par la France dans la destruction de la nation Haïtienne et de nombre d’états Africains. C’est ça aussi l’histoire de « la France universelle patrie des droits de l’homme ».
Pour mieux comprendre, rappelons-nous certains propos du candidat Sarkozy : Caen, Montpellier, … mars – mai 2007 : « Alors, c’est vrai, il y a dans notre histoire des erreurs, des fautes, des crimes, comme dans toutes les histoires de tous les pays. Mais nous n’avons pas à rougir de l’histoire de France. La France n’a pas commis de génocide, elle n’a pas inventé la solution finale. Elle est le pays qui a le plus fait pour la liberté du monde. Elle est le pays qui a le plus fait rayonner les valeurs de liberté, de tolérance, d’humanisme. Nous pouvons être fiers de notre pays, de ce qu’il a apporté à la civilisation universelle, à l’idée d’humanité. Nous pouvons être fiers d’être les enfants d’un pays de liberté et de démocratie. Nous pouvons être fiers d’être les enfants de la patrie des Droits de l’Homme. »
Toulon 7 février 2007 : « A tous ceux d’entre vous qui sont revenus des colonies en ayant tout abandonné, n’emportant avec eux que leurs souvenirs de jeunesse et cette nostalgie qui ne les quittera plus jamais, je veux dire que si la France a une dette morale, c’est d’abord envers eux. Aux enfants des harkis qui ont servi la France, qui ont dû fuir leur pays et que la France a si mal accueillis, je veux dire que si la France doit des excuses et des réparations, c’est à eux qu’elle les doit. A tous les anciens combattants de nos anciennes colonies, je veux dire la reconnaissance de la France et je veux rendre hommage à Jacques Chirac de leur avoir rendu justice.
Paris 6 mai 2OO7 : « Je veux remettre à l’honneur la nation et l’identité nationale. Je veux rendre aux Français la fierté d’être Français. Je veux en finir avec la repentance qui est une forme de haine de soi, et la concurrence des mémoires qui nourrit la haine des autres. »
OUI, n’en déplaise à Mme Penchard, à Brice Hortefeux, à Nicolas Sarkozy, à Daniel Maximin (régisseur de plantation pour l’occasion), la colonisation, la traite négrière, l’esclavage et tous leurs corollaires (pillage, vol, viol, massacre, épuration ethnique, génocide, aliénation culturelle, domination économique, répression et éradication de toute contestation, racisme, soumission de la classe politique locale, …) ont assuré et assurent encore aujourd’hui à la France ses richesses, sa puissance et son autorité.
Deuxième puissance maritime au monde, la France possède un empire sur lequel soleil ne se couche jamais. Et nous ne dirons rien de la biodiversité ni des richesses minières, marines, sous marines. Nous ne dirons rien des richesses du sol et du sous-sol. Nous ne dirons rien non plus des espaces géostratégiques ni de la promotion et de la vulgarisation de la langue française véhiculée par tous ses colonisés. Nous ne dirons rien non plus sur la musique et le sport, l’un des rares espaces « réservés » car selon la même vision décrite plus haut, NOU sommes nés pour ça mais surtout pas pour diriger et occuper des postes à responsabilité. Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas déclaré à Dakar le 26 juillet 2007 que : « l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire ? » Tout comme sur la plantation, la société Guadeloupéenne demeure aujourd’hui encore organisée sur la base d’intérêts de classe où la discrimination du fait de la couleur perdure.
En réalité, le tour de magie de l’année des outre mer est une opération visant à surfer sur notre révolte, notre contestation de l’ordre colonial pour consolider l’empire colonial autour de sa « Métropole ». Rappelez-vous, après avoir élevé au rang de Ministre, de Conseils ou d’Experts, quelques « ultramarins », Nicolas Sarkozy rassemblait tout ce beau monde dans les « Etats Généraux » avant de leur donner mandat pour exécuter tels les anciens administrateurs coloniaux, la politique coloniale de l’Etat Français, version Guadeloupe de la Françafrique.
Mais c’est aussi une vaste opération de séduction en direction de la diaspora des colonisés, véritable réserve de voix pour les prochaines présidentielles. Et Nicolas Sarkozy de conclure ses vœux par : « Et j’aimerais que vous compreniez que ma façon de vous aimer, c’est de vous respecter. » La bataille sera rude, il faut puiser partout et ratisser large.
2011, année des outre mer confirme bien la vision colonialiste de la France vis-à-vis des pays en sa possession. Nous sommes dans le droit fil de la loi du 23 février 2005 reconnaissant les bienfaits de la colonisation, de la domination et de l’asservissement des peuples. Jules Ferry, le père de l’école publique, laïque et obligatoire n’a-t-il pas déclaré devant les députés le 28 juillet 1885 : « les races supérieures ont un droit sur les races inférieures ». Rappelons-nous de cette citation du général Charles de Gaulle, père de la nation, du 05 mars 1959 : «C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon la France ne serait plus la France. Nous sommes quand même avant tout un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion chrétienne. »
Un Etat colonial dispose de quatre points d’encrage : l’aliénation, la dépendance économique, la soumission de la classe politique locale et la répression des opposants politiques, des avocats, des journalistes et des syndicalistes pour asseoir sa domination. Ainsi, c’est plus d’une vingtaine de syndicalistes qui sont poursuivis du fait de leur engagement dans la lutte de 2009 visant ainsi à annihiler l’expression de toute contestation de la rue. Dans le même temps, les accords du 26 février et du 04 mars ne sont pas respectés et l’Etat refuse de rencontrer le LKP, désormais personae non grata.
Après la formidable mobilisation de 2009, voilà les réponses de l’Etat Français aux revendications des Travailleurs et du Peuple de Guadeloupe : aliénation, exploitation, soumission – mépris et répression.
Nous avons commencé à entrevoir, à penser, à élaborer notre vision de notre Guadeloupe, aujourd’hui et pour demain. Nous avons, réussi à nous rassembler et avons fait triompher l’idée d’un pays possible, d’une société débarrassée de la Pwofitasyon kolonyalis é kapitalis, riche de sa culture et de ses origines, ancré dans son espace naturel et son environnement caribéen. Un pays, une société pouvant disposer désormais de tous ses atouts pour nourrir, éduquer, soigner et élever tous ses enfants.
Répondre au Peuple, aux Travailleurs et au LKP par des vraies décisions consisterait à l’évidence à remettre en cause le système colonial, à s’opposer aux privilèges et à la toute puissance du lobby béké et des importateurs distributeurs, fabricants de Pwofitasyon. Nicolas Sarkozy a donc fait le choix de continuer à servir la Pwofitasyon. C’est le sens de l’opération « 2011 année des outre mer ».
Chers compatriotes, chers camarades, chers amis ne nous laissons pas berner par ces paillettes. ANNOU LIYANNÉ POU DECHOUKÉ TOUT PWOFITASYON.
Ansanm ansanm, nou kÉ dÉchoukÉ pwofitasyon.
Gwadloupéyen doubout ! Gwadloup sÉ tan nou, a pa ta yo !
LKP – Lapwent – 05 Févriyé 2011