Bondamanjak

Abolition de l’esclavage à Saint-Martin : un 28 mai…

Le sujet est connu ; dans sa thèse « Vrije slaven » [Esclaves libres] publiée en 1993, le Dr A. F. Paula évoque la situation des esclaves de la partie hollandaise après l’abolition proclamée en partie française. Il cite notamment une lettre datée du 30 mai 1848, conservée dans le fonds Ministerie van Kolonien » des Nationaal Archief de La Haye, où le gouverneur de la partie hollandaise demande au commandant de la partie française de rendre les esclaves hollandais ayant fui « de l’autre côté » pour une meilleure destinée ; ce à quoi ce dernier répondra négativement. Mais Mr Paula évoque le 27 mai pour date de l’abolition en partie française, sans plus de précision… se référant ainsi à l’arrêt signé par le gouverneur Layrle en Guadeloupe.

Ces deux extraits rapportés par Mme Jeffry sont plus précis :

Extrait d’une lettre adressée par le Commandant de la partie hollandaise de St. Martin à Monsieur le Commandant Particulier de la partie française :

« N° 11/31   Philipsburg, le 31 Mai 1848

Monsieur le Commandant !

Mr Percival propriétaire de la partie hollandaise est venu m’informer que le 29 de ce mois, le lendemain du jour où l’abolition de l’esclavage a été proclamée dans la partie française, Vingt-Six nègres, ont quitté son habitation et se sont réfugiés, principalement sur l’habitation mont fortune appartenant à Mr de Durat, limitrophe de la partie hollandaise. (…) »

Extrait d’une lettre, datée du  30 mai 1848, adressée en partie hollandaise par le Commandant à l’Officier Commandant [traduction de l’hollandais] :

« J’ai l’honneur de vous informer que le Commandant de la partie française nous a informé de l’émancipation de la population esclave par proclamation du Gouverneur de la Guadeloupe et dépendances en date du 27 mai 1848 dans la partie française dimanche dernier, et voyant que cette proclamation s’est faite sans compensation aux propriétaires pour la perte de leur propriété, nous craignons que les esclaves de la partie hollandaise essaient de s’évader à la partie française et là-bas ils seront traités comme libres.(…)

Cela mettrait la partie hollandaise dans une situation précaire (…) »

Et Mme Jeffry de conclure :  « nous pouvons affirmer avec certitude au vu de ces courriers que la date officielle de proclamation  de l’émancipation des esclaves à Saint-Martin est le dimanche 28 mai 1848. Toutefois, d’après notre histoire orale, je pressens que cette abolition n’a pas été effective immédiatement, en raison de la cueillette de sel dans la Grande saline de Philipsbourg qui devait avoir lieu dans les 10 à 12 jours après cette proclamation. Des raisons économiques ont pu retarder l’application de cette abolition… »

Rappelons que depuis le 15 juillet 2007, les collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ne sont plus des communes du département Guadeloupe ; et à ce titre, elles ne sont donc plus prises en compte nominativement par la loi n° 83-550 du 30 juin 1983 (modifiée par l’ article 4 de la loi n°2001-434 du 21 mai 2001) et son décret n° 83-1003 rattaché du 23 novembre 1983, instituant une journée fériée de commémoration de l’abolition de l’esclavage dans les collectivités territoriales d’outre-mer.

Rappelons aussi que le Conseil Territorial de la Collectivité de Saint-Barthélemy a adopté il y a plus de trois mois, et à l’unanimité, une délibération visant à « solliciter du Gouvernement la fixation de la date du 09 octobre (au lieu du 27 mai) pour date officielle de commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage dans la Collectivité Territoriale de Saint-Barthélemy et à y instaurer dès 2009 une journée de reconnaissance sur l’île » ; cette délibération 2009-044 CT ayant été transmise au Représentant de l’Etat le 26 juin 2009… sans, pour l’heure, réponse de l’Etat.

Le 6 mai 2009, par décret n° 2009-506, le gouvernement prolongeait la mission du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage non sans avoir rajouté un H pour « Histoire » à son intitulé ; une autre nouveauté consistait à nommer, en plus des membres, un secrétaire général ; et pour la toute première fois une adresse courriel de contact est même communiquée :

Pour contacter le CPMHE, vous pouvez écrire à l’adresse suivante :

Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage

Secrétariat d’Etat à l’Outre-Mer

27 rue Oudinot 75007 Paris

Vous pouvez également contacter le secrétaire général du comité à l’adresse électronique suivante :

frederic.lazorthes@outre-mer.gouv.fr

Notons néanmoins que le Rapport pour l’année 2008 n’aura jamais été rendu public : en totale contravention avec l’article 7 du précédent décret… devenu article 6 depuis. Par contre, autre nouveauté : le devoir de confidentialité est désormais de rigueur ! au même titre que le devoir de Mémoire… et d’Histoire ?

L’agenda de notre Secrétaire d’Etat chargée de l’Outre-Mer, Mme Marie-Luce Penchard, laisse entrevoir ce Jeudi 10 septembre, à 17h00, un « Entretien avec Mme Françoise Vergès, Présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage » : gageons qu’il sera là, et entre autres, question de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy : le 28 mai approche et le 9 octobre… aussi.