Intervention d’Alfred Marie-Jeanne,
Président de la Collectivité Territoriale de #Martinique
Président de la Commission Outre-mer de Régions de France
Conférence de presse – présentation des propositions des Régions et Collectivités d’Outre-Mer en matière de fiscalité
Mercredi 29 mars 2017, Siège Régions de France
Chers collègues,
Membres de la presse ici présents,
Mesdames et Messieurs.
Au nom des Outre-Mer, je tiens tout d’abord à remercier sincèrement le Président Philippe Richert pour son implication et son écoute attentive.
Je tiens aussi à saluer l’initiative de Régions de France d’intégrer dans la plateforme de propositions aux candidats à la présidentielle, celles des Outre-Mer.
C’est une première.
Je remercie les Présidents de Guadeloupe, de Guyane, de Mayotte et de la Réunion pour la mobilisation de leurs équipes et la qualité de leurs contributions.
Je signale que Saint-Martin a également participé à nos travaux.
Dois-je rappeler la situation financière difficile actuelle des Régions et Collectivités uniques d’outre-mer, due pour partie à une gestion périlleuse héritée, mais aussi à la défection de l’Etat.
Face à cette situation, l’urgent est de donner à nos territoires un vrai pouvoir fiscal et financier pour relever les défis auxquels ils sont confrontés, à savoir :
• Les défis financiers :
En effet, les Régions d’Outre-Mer et les collectivités territoriales sont appelées à accompagner l’ensemble des autres collectivités (Communes, Etablissements Publics de Coopération Intercommunale) dans leurs investissements pour faire face tant au désengagement constaté qu’à la faiblesse de leurs ressources.
• Les Défis socio-économiques :
Quand on sait que le taux de chômage atteint en moyenne 25 % et celui des jeunes dépasse la barre des 50 % (chiffres du chômage en outre-mer de janvier 2016)
• Les Défis démographiques :
Explosion démographique en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, aggravation de la courbe du vieillissement en Guadeloupe et en Martinique.
• Les Défis écologiques et environnementaux :
Préservation et valorisation de notre riche biodiversité.
Lutte contre les effets néfastes du changement climatique.
Mise en place des plans de prévention et de protection contre les aléas industriels ou naturels qu’ils soient sismiques, cycloniques ou autres.
C’est en ce sens que la Commission Outre-Mer a œuvré et a présenté à l’Assemblée Générale des Régions de France en Janvier dernier des propositions qui ont toutes été adoptées à l’unanimité.
Permettez que je vous les décline :
Proposition 1 : Créer et mettre en place les conditions d’une relation partenariale entre nos régions, nos collectivités d’outre-mer et l’Etat
De façon SYSTEMATIQUE nous devons être associés à toute définition et élaboration de dispositifs et de projets concernant le développement et l’organisation de nos territoires.
Proposition 2 : Les Régions et Collectivités d’Outre-Mer doivent disposer d’un véritable pouvoir fiscal et financier pour améliorer leurs ressources propres.
Un exemple patent : les dépenses obligatoires qui ne cessent d’augmenter. Quand on les prend en charge les marges de manœuvre financières disparaissent complètement. Le seuil critique est déjà atteint.
C’est ainsi que, la substitution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) par un pourcentage de la TVA collectée à reverser aux collectivités, constitue une proposition à retenir afin d’apporter des ressources financières complémentaires à nos territoires.
Proposition 3 : Favoriser la capacité des régions et collectivités d’outre-mer à nouer des relations durables au sein de leurs bassins géographiques respectifs
C’est un impératif incontournable.
L’Etat doit soutenir les initiatives et projets de conventions, quand il est question de négociations, d’accords ou de normes susceptibles d’impacter négativement nos économies.
Chaque territoire ayant ses propres particularités et un contexte géopolitique différent, il apparait souhaitable que leurs stratégies et initiatives fassent l’objet de cadres d’approches spécifiques.
Proposition 4 : Définir et mettre en œuvre les voies et moyens permettant de désenclaver et d’améliorer l’accessibilité et l’attractivité de nos territoires
Nos territoires sont soumis à des contraintes diverses, spécifiques et pérennes rendant difficiles la mobilité des personnes et des biens. D’où l’impérieuse nécessité du désenclavement en améliorant l’accessibilité tant en termes de transport aérien que maritime, sachant que nos territoires forment déjà un espace économique doté de potentialités non négligeables.
L’activation d’espaces de circulation adaptés aux bassins d’implantation de nos collectivités, sur le modèle des corridors européens, est une autre priorité qui doit être prise en considération par l’Etat et l’Union Européenne. Il s’agit d’asseoir le transport inter-iles, essentiel pour favoriser le développement touristique et permettre à nos populations de circuler de manière plus aisée.
Il est en outre proposé de revoir les politiques tarifaires pratiquées de manière à obtenir des coûts satisfaisants pour les différents usagers.
Proposition 5 : Les Régions et Collectivités d’Outre-Mer doivent disposer de moyens pour favoriser l’émergence d’une politique maritime ainsi que d’une véritable bio-économie
Nos territoires disposent de par leur positionnement géographique, leur climat et leur espace maritime, de véritables richesses naturelles sous-valorisées. Ils détiennent 97 % du territoire maritime français et 84 % de sa biodiversité. Ils ont en outre un potentiel exceptionnel en matière d’énergies renouvelables et d’économie circulaire.
Ces atouts constituent une opportunité économique unique encore insuffisamment évaluée qui pourrait alimenter la transition vers l’économie bleue et la bio-économie, tous deux vecteurs de croissance et d’emplois.
Dans cette perspective, l’Etat doit envisager l’extension de nos compétences dans la Zone Economique Exclusive (ZEE).
Par ailleurs, dans le cadre des travaux de la Commission Outre-Mer, un groupe de travail composé des directeurs financiers des collectivités et régions d’outre-mer a planché sur des propositions en matière de fiscalité.
Ces propositions ont été validées le 16 février 2017 à l’unanimité.
J’en profite pour féliciter nos collaborateurs qui ont su parler d’une même voix sur un sujet d’intérêt majeur.
Permettez-moi de vous résumer ces propositions en matière de fiscalité stricto-sensu.
1ère proposition : Renforcer l’autonomie fiscale des Régions et collectivités d’Outre-mer, en incluant la dotation générale de décentralisation (DGD) dans l’échange dotations/TVA
La Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) des Régions va être transformée en TVA en 2018. Or, nos collectivités ont peu de DGF et plus de DGD (dotation de décentralisation). C’est d’ailleurs cette dernière qui deviendra de la TVA pour la Corse.
Nous voulons être alignés sur ce régime.
2ème proposition : Laisser aux Régions et Collectivités qui le souhaitent la possibilité de moduler le taux de l’octroi de mer régional jusqu’à 5%, pour financer les projets de territoire
Les Régions et Collectivités Uniques d’Outre-Mer peuvent voter un octroi de mer régional plafonné à ce jour à un taux de 2,5%. Sauf pour la Guyane qui vient d’obtenir un taux plafond de 5% depuis 2017. Cette faculté d’utilisation est laissée à la discrétion de chaque Collectivité.
3ème proposition : Etendre l’octroi de mer au champ des services
C’est notre proposition phare. Sachez que l’octroi de mer et l’octroi de mer régional ne frappent que les biens meubles. A ce jour, les services ne supportent aucune taxation. La TVA est réduite dans nos territoires, voire inexistante. Or, le tertiaire représente 80% du PIB et 90% des entreprises.
Dans un souci de justice fiscale, il est donc proposé l’extension de l’octroi de mer régional aux activités de services.
4ème proposition : Pouvoir bénéficier d’une partie du produit de la taxe carbone.
La taxe carbone ne revient pas sur nos territoires, qui sont pourtant des acteurs de la préservation environnementale. La forêt de Guyane est un grand puits à carbone.
Nous demandons à bénéficier d’une part de la hausse annuelle du produit de la taxe carbone afin de constituer un fonds environnemental de 250M€ d’ici à 5 ans.
5ème proposition : améliorer le retour fiscal de l’activité touristique.
Ce sont deux mesures à faible rendement mais symboliques et utiles. Tout d’abord aligner le régime de la taxe d’embarquement sur celui de la Corse. Deuxièmement, instaurer une part régionale de taxe de séjour, sachant que nos collectivités sont les soutiens économiques des hôteliers dans nos territoires.
6ème proposition : Faire la transparence sur les prix des carburants, pour répondre aux préoccupations majeures des populations en matière de pouvoir d’achat.
Dans cette perspective les Collectivités régionales réclament une meilleure connaissance de la chaine des valeurs.
Comme vous le constatez, la Commission Outre-Mer que je préside depuis l’an dernier n’a pas chômé, et je remercie à nouveau tous les Présidents pour leur engagement.
A ce stade, je tiens à porter à votre connaissance les demandes récentes de modifications introduites par le Président du Conseil Départemental de Mayotte, qui visent à mieux prendre en compte : le statut juridique de ce territoire en tant que Collectivité unique, ainsi que sa situation économique.
Ces demandes ne dénaturent aucunement nos propositions, bien au contraire elles précisent nos particularités.
Merci à tous pour la confiance qui m’a été faite pour piloter les travaux.
Mèsi an pil
Mèsi an chay
Maintenant je passe la parole aux Présidents de Régions et Collectivités d’outre-mer qui voudraient s’exprimer.
Et ensuite mesdames et messieurs les journalistes vous pourrez nous interroger.