Bondamanjak

Allons enfants de la patrie !

Une crise sociale ébranle la Guadeloupe et se répand comme une traînée de poudre en 

Martinique et bientôt en Guyane  et en réunion . Les outre-mer s’enflamment et se 

mobilisent avec un mot d’ordre partagé, une exigence clamée, « l’augmentation du 

pouvoir d ‘achat » , le pouvoir de vivre, de se nourrir, de s’éduquer, de se soigner, de 

se loger, de travailler… 

 

Face à ces exigences et aux désordres qu’ils entraînent le gouvernement représenté par 

le Secrétaire d’Etat à l’Outre-Mer Yves JEGO explique lors d’une interview (le 

12/02/2009 sur Europe 1) que cette crise est « « une crise de société, de remise en 

cause du modèle de fonctionnement des Antilles. » Nous voilà face à un Président qui 

intervenant sur la crise sociale en France (Emission « Face à la crise »)  ne dit pas un 

mot des mouvements qui immobilisent depuis des semaines les Antilles ; et un 

Ministre qui nous dévoile lors de cette interview du 12 la stratégie du gouvernement :  

enfermer cette mobilisation sociale dans le contexte créole, et présenter l’Etat comme 

un pouvoir neutre plein de bonne volonté. 

 

Pourtant le citoyen Nicolas SARKOZY voulant devenir le Président Nicolas 

SARKOZY avait fait de « l’augmentation du pouvoir d’achat » le grand enjeu de sa 

campagne électorale. Il semblait alors qu’à ses yeux la première préoccupation des 

Français était de pouvoir vivre dignement. Et aujourd’hui son gouvernement voudrait 

convaincre un seul citoyen français que finalement ce n’est qu’un « soucis créole » ?L’ 

appauvrissement des français n’aurait-il été qu’un tremplin pour que certains accèdent  

au pouvoir, et que d’autres, récupérant ces slogans politiques nous arrosent de 

campagnes publicitaires. Le cynisme des pouvoirs est manifeste. 

  

La question du pouvoir d’achat qui est soulevée en Guadeloupe et en Martinique n’est 

pas une question régionale, communautaire ou raciale, elle est nationale et mondiale. 

Les revendications Antillaises sont légales et légitimes et chacun de nous, dans chaque 

région de France devrait les relayer, afin qu’elles parviennent au cerveau de notre 

Président élu démocratiquement. 

 

Certains ne verront dans cette analyse que les humeurs de personnes de culture créole 

que « le cartésianisme métropolitain » a bien du mal à comprendre 1. Alors rappelons 

que ces régions, départements français depuis 1946, et françaises depuis 4 siècles sont 

administrées par l’Etat ; et que donc il est inacceptable que l’Etat se décharge de ses 

responsabilités en disant que la crise est dû aux disfonctionnements locaux. Rappelons 

donc, puisque les représentants de l‘Etat semblent l‘oublier, que l’Etat n’est pas l’Etat 

d’un ailleurs mais bien l’Etat de la Guadeloupe et de la Martinique. Et que s’il y a 

 

encore au XXI° siècle des problèmes propres au tissus sociaux économiques des 

Antilles, de la Réunion et de la Guyane il faut que chaque force en présence ait, à 

commencer par l’Etat, le courage d’assumer sa part de responsabilité. Si « les lois 

contre les monopoles qui existent »2 ne sont pas appliquées, c’est la faute à qui ? Si 

« le code du travail qui est le même ici et ailleurs »3 n’est pas respecté, c’est la faute à 

qui ? Qui est le garant de l’autorité publique et de l’intérêt général ? Qui ? 

 

Tous nous avons vu le reportage sur Canal +,  « les derniers maîtres de la Martinique » 

; et à cette occasion nous avons pu constater que les détenteurs des monopoles, taxés 

de hors-la-loi par le secrétaire d‘Etat à l‘outremer, peuvent entrer à l’Elysée sans 

même présenter leur pièces d’identités, et que par exemple, 50 millions de prêt 

accordé par l’Etat se transforme en subvention, pour eux, ceux qui ont déjà de 

l’argent. 

L’Elysée : La maison de la République ! La maison de notre République. Là ce n’est 

pas « un blanc » qui entre comme il veut où il veut, c’est Monsieur 119ème fortune de 

France qui entre comme il veut dans la maison du peuple, alors que le peuple lui- 

même quel que soit sa couleur de peau n’a pas le droit de passer sur le trottoir d’en 

face sans montrer « patte blanche ». Ce n’est pas un problème de race qui se joue là, 

c’est bien un problème de classe. 

 

Le lieu d’où part la grogne n’est pas qu’un accident. Elle part des seuls endroits de 

France où est demeurée la même oligarchie4  financière depuis 4 siècles ; Les seuls 

endroits où des familles visibles par leur singulière politique de reproduction raciste,  

jamais inquiétées par un Etat bienveillant, ont pu continuer à se répandre et à répandre 

leur venin. De quel venin parlons-nous ? «… De la coalition de toutes les volontés de 

la toute-puissance, de ce désir humain sans limite d’accroître son pouvoir…« qui 

continue à imposer sa logique au  monde.  »5   

 

Non, les Antillais ne sont pas enfermés dans une réalité du XIXème siècle Monsieur le 

secrétaire d‘Etat. Même si « L’histoire semble comme un fardeau pesant, bien trop 

pesant. Nous avons bien du mal à la mettre à distance, à nous défaire quelque peu 

d’elle pour retrouver le pouvoir de faire ; elle semble avoir pris le pouvoir sur nous. 

Mais malgré la prétention  du «  a été », nous savons, dans notre for intérieur, que 

notre être ne se confond pas avec lui, et que ce qui nous fait, c’est ce que nous portons 

comme potentialité, notre projet, notre  « ouvertude ». Dès lors  il nous faut ressaisir 

en nous même ce que nous avons amené à l’existence. Nous devons prendre 

conscience, et tenter de trouver le sens. »6 

 

Trouver le sens doit être notre exigence, celle de tous les Français car la société et la 

pensée moderne ne peuvent faire  « l’impasse sur les conditions de leur naissance, et 

les matériaux qui les ont faites. Il est peut être venu le temps où l’Homme moderne 

quelque soit son continent prenne conscience que son être résulte d’une histoire 

 

 

commune, l’histoire coloniale. Oui la période coloniale fait partie de ces grandes 

périodes historiques fondatrices de  l’humanité. L’Homme livré à lui-même ne peut 

continuer à se fuir lui-même. Il a à être les possibilités qu’il a ouvertes ; penser et 

vivre le monde auquel il a donné naissance. »7 Car oui comme le souligne le 

secrétaire d’Etat lors du grand journal de Canal+ le 13 février « l’histoire nous 

remonte à la figure ». 

 

Alors nous savons au fond de nous-mêmes que nous devons refuser  toutes formes 

anciennes ou récentes  de la volonté de la toute puissance financière. Et si la clameur 

se fait entendre d’abord aux Antilles, c’est parce que oui il y a une crise de société, oui 

il y a crise d’un « modèle de fonctionnement » ; mais Monsieur le Secrétaire d’Etat ce 

n’est pas que celui des Antilles, c’est celui  qui s’est répandu  dans toute la France et 

dans le Monde, et qui aux Antilles, en Guyane et à la Réunion a connu une situation 

confortable grâce à la compromission  du pouvoir politique.  Si cette revendication 

vient d’abord des français d’Amérique, c’est parce que notre particularisme 

géographique nous obligeait à nous serrer la ceinture depuis longtemps déjà (minima 

sociaux inférieurs à la métropole, alors que le prix des marchandises, des 

médicaments, des transports y est supérieur de 30 à 400 % voir au-delà), mais depuis 

la crise on nous demande de nous étrangler avec cette ceinture ; nous disons alors : 

non. Non à l’ultralibéralisme, pour que disparaissent les odieux privilèges que 

s’octroie le monde de la finance, et pour que par la suite disparaissent les travailleurs 

pauvres. De la même façon que le monarque de droit divin Louis XVI se transforme 

après la révolution de 1789 en citoyen Louis Capet, il va falloir que le Président 

Sarkozy après la grève des Antilles, après la grève générale se rappelle qu’il est avant 

tout le citoyen Nicolas Sarkozy au service du peuple français. 

 

D’ici nous proclamons l’unité de la souffrance et de la révolte de tous les travailleurs 

de toutes les régions de France, sur toute la surface de la Terre. Oui comme en 1789 

les habitants de Champagney  proclamaient  l‘unité de la souffrance en disant « ne 

pouvoir penser aux maux que souffrent les nègres dans les colonies, sans avoir le cœur 

pénétré de la plus vive douleur, en se représentant leurs semblables … être traités plus 

durement que ne le sont les bêtes de somme. », nous proclamons que l’urgence 

guadeloupéenne est une urgence française , celle de soigner, de loger, de nourrir et 

d’éduquer nos enfants. Nos revendications  au final sont les mêmes : à savoir que 

l’ultralibéralisme a trouvé ses limites et qu’il nous faut passer à autre chose, car il 

gangrène notre pays et la planète toute entière. 

 

Il nous faut nous français, arrêter absolument ce tourbillon oligarchique dans lequel ce 

président nous entraine ; il est impératif que les citoyens français tous ensembles 

réhabilitent la démocratie et la république telle qu’elles nous sont enseignées. 

 

Pour cela il est primordial que les caissières de carrefour de Guadeloupe et de 

Sarcelle, les profs de ZEP de la Réunion et de Lille…, les ouvriers agricoles de 

Martinique et de Bourgogne…., les marins-pécheurs de Guadeloupe et de Brest…., les 

postiers de Cayenne et de Bergues…, les artisans de l’île d’Oléron et de la Creuse, les 

employés de mairie de Paris et de Trifouillis les Oies…, les étudiants de Montpellier 

 

et de Nice…, les gardiens de prison de Marseille et de Fresnes, les universitaires se 

dressent épaules contre épaules pour renier l’antique maléfice des tabous du sang. Car 

ce qui nous sépare, le climat, l’étendue, l’espace, les mers crée t-il une dissemblance 

inexorable ? Il faut que les citoyens rassemblent leurs forces écartelées par la ruse de 

nos politiques, pour former une seule masse de citoyens mécontents. Nous voulons 

que chaque français, de la façon la plus pacifique, protège le bien commun que 

l’ultralibéralisme met en péril chaque jour. 

 

De quoi nous nous réclamons ? Et quelle est notre patrie ? 

 

La France à laquelle nous aspirons n’est pas la nation française ethnocentriste, pensée 

selon le modèle hégémonique de l’Etat-nation et conduite pas la volonté de la toute 

puissance. Non notre France est une république transcontinentale, qui certes, de la 

première à la cinquième république avança en trébuchant, mais qui est  le seul horizon 

dégagé  pour notre monde moderne à l’identité transversale.  

 

Il s’agit de lancer un appel au patriotisme constitutionnel, à un engagement  au -delà 

des cultures, des ethnies, des classes, qui consiste à vouloir ce qu’il y a de meilleur 

pour le plus grand nombre et l’application de la même loi pour tous.  Nous voudrions 

faire en sorte que nous les citoyens de France dépassant nos particularismes régionaux 

érigions les lois de notre constitution qui protège les personnes. Car face à la 

mondialisation de la bourse et des finances, seule une société civile mobilisée à 

l’échelle mondiale changera ces données politiques et  établira un véritable 

cosmopolitisme.  

 

Où que nous soyons, nous savons (car nous l’avons appris) que le soleil ne se couche 

jamais sur la France : quand il est minuit à Paris il est midi en Nouvelle Calédonie, 

quand il est treize heure en région Pacca il est huit heures en Guadeloupe, quand il fait 

déjà nuit à la Réunion et Ajaccio le soleil brille encore à Fort de France et à 

Maripasoula. Autrement dit le soleil ne se couche jamais sur la république française et 

donc sur la conscience citoyenne et démocratique des français. 

 

Cependant les peuples de France, les peuples de cette nation sur laquelle le soleil ne se 

couche jamais, seront-ils assez sensibles à la démocratie ? Le peuple des Frances aura- 

t-il envie de réellement changer les choses ? Ou bien va-t-il laisser les Antilles 

s’enliser seules dans un conflit dont la teneur est en réalité mondiale ? 

Nicolas Sarkozy et son gouvernement vont-ils réussir à enfermer les événements des 

Antilles dans une question créole à régler à l’échelle créole ? Et dès lors verra t-on 

naître un mariage entre les nationalismes antillais prêts à tout pour l’idéologie et 

l’ultralibéralisme de Sarkozy qui n’entendant rien à l’idée de République continue à 

diviser la France ? 

 

Mais le gouvernement  devrait savoir qu’ « Un lieu, si modeste soit il, peut être un 

oracle8 ; un lieu peut être sacré car porteur de sens. A l’heure des grandes pénuries, 

il y a des lieux fertiles, pleins de ressources subtiles ; telle Athènes, « ce point 

 

lumineux de l’histoire »9. Ce qui fait la grandeur de ces lieux c’est bien sûr ce qui s’y 

vit, mais c’est surtout ce qui s’y crée. Mais le premier regard sur ces lieux-oracles ne 

révèle pas nécessairement leur nature, car ils sont toujours des lieux de grande 

contradiction. Les rapports n’y sont pas pacifiés et simplifiés ; non, ce sont les lieux 

des prémisses. On y trouve donc les forces « traditionalistes » résistant aux premiers 

élans annonciateurs. C’est bien Athènes  qui mit à mort  Socrate. Ce sont donc des 

lieux de conflits et de promesses … Les foyers créoles, ces lieux-creusets sont, comme 

oracles,  le cœur même de la France…       

Ainsi oracles de l’âge moderne, les foyers-créoles augurent le monde culturel avenir 

et un nouveau genre d‘Homme, l’Homme trans. Leur destin est, comme le laissent 

entrevoir les conditions de leur naissance, celui de toute l’humanité. Mais il faut 

maintenant un destin politique à la hauteur de ce destin culturel singulier. 

Comprendre ce qu’exigent politiquement ces lieux-creusets, c’est en finir avec la 

surdité des nationalismes, et rendre possible l’humanité. »10 

 

 

1 

  Propos d’Yves JEGO le 12/02/09 sur Europe 1 expliquant la difficulté de sa tâche de médiateur entre 

les Antilles et l‘Etat : « on a deux chocs culturels, on a le cartésianisme métropolitain et puis on a la 

culture ici créole qui est tout à fait particulière. » 

Cartésianisme : pensée et attitude claires, précises, logiques, rigoureuses, méthodiques…  

Les mouvements de masse créoles seraient donc obscurs et désordonnés , contrairement  aux grèves à 

Paris, à Marseille, en Corse, en Bretagne… 

 

 

2 

  Propos d’Yves JEGO le 12/02/09 sur Europe 1. 

3 

  Propos d’Yves JEGO le 12/02/09 sur Europe 1. 

4 

  Oligarchie : régime politique dans lequel la souveraineté appartient à un petit groupe de personne, à 

une classe restreinte et privilégiée.  

5 

  Marlène PARIZE, La part de l’autre – De la maïeutique créole , Editions l’Harmattan, 2008, p.23.  

6 

  Marlène PARIZE, La part de l’autre – De la maïeutique créole , Editions l’Harmattan, 2008, p.70.  

 

 

7 

  Marlène PARIZE, La part de l’autre – De la maïeutique créole , Editions l’Harmattan, 2008, p.13.  

 

8 

  Divination, prophétie.  

 

 

 

  Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire, traduit par J. Gibelin, Vrin, Paris, 1945, p. 135. 

 

10 

  Marlène PARIZE, La part de l’autre – De la maïeutique créole , Editions l’Harmattan, 2008, p.70. 

P.76.  

 

 

Elodie QUIDAL née en Guadeloupe, Professeur de Philosophie au Lycée Frantz 

Fanon en Martinique diplômée à l’Université Paris IV.  

Marlène PARIZE née en Guadeloupe, Professeur de Philosophie au Lycée Joseph 

Zobel en Martinique diplômée à l’Université Grenoble II, Auteur de La part de 

l’autre- De la maïeutique créole chez L’Harmattan.