Les deux ouvrages récemment publiés par Marie Line Mouriesse-Boulogne, professeur d’histoire-géographie, ont de quoi étonner. A travers deux tomes très documentés, les contacts de civilisation entre Amérindiens et Européens dans la Caraïbe sont analysés avec minutie, et sur trois siècles : epuis les premiers contacts dans les Grandes Antilles (XVème siècle) jusqu’ à la déportation des Garifunas sur l’île de Roatan au large du Bélize. (XVIIIème siècle)
L’approche est thématique et non chronologique, il s’agit d’explorer les contacts violents : guerres, guérilla, massacres, tortures, mauvais traitements, épidémies dans le premier tome, puis dans le second les contatcs a-priori moins violents : échanges, alliances, unions, mariages, empreinte toponymique de l’héritage amérindien dans la caraïbe. L’importante question de l’altérité dans le contexte de la rencontre de peuples de cultures différentes est également abordée.
L’auteur a pris soin de proposer 246 documents (tomes 1 et 2) destinés à faire découvrir les sources. De nombreuses cartes anciennes sont présentées dans le tome 2. Des données brutes sont organisées dans de nombreux tableaux. L’ensemble a été conçu pour faciliter d’autres études postérieures et dans le but d’aider les chercheurs à poursuivre pour contribuer à la réalisation d’une une histoire amérindienne de la Caraïbe.
Mais il ne s’agit pas d’une approche classique, bien au contraire, Il s’agit d’une histoire déconstructrice qui a pour but de pulvériser beaucoup de mythes : le mythe de l’extinction amérindienne dans la Caraïbe, celui de la colonisation des Petites Antilles sans coup férir, trop souvent présentée comme une simple installation qui minimise la guérilla amérindienne, mais aussi d’autres mythes en lien avec le projet colonisateur comme celui des Amérindiens présentés comme des sous-hommes, incapables de se « diriger » ou comme de « bons sauvages » qu’il convient de protéger et d’infantiliser et ainsi de justifier leur mise sous tutelle.
Ces ouvrages révèlent l’organisation politique des Amérindiens, leur finesse politique, leur aptitude à contracter des alliances et les montrent astucieux et soucieux de protéger leurs intérêts. Il permet de mettre en lumière leurs stratégies militaires. La lecture aide à donner corps à ceux qui jusqu’ici n’étaient trop souvent appréhendés qu’à travers l’unique angle archéologique.
L’ouvrage a pour ambition selon l’auteur de mettre en lumière toute la complexité de l’histoire, les expressions englobantes d’Amérindiens et d’Européens pourraient être trompeuses, elles sont en effet utilisées pour des raisons pratiques, mais toute la complexité des groupes en présence est mise en valeur, autant côté Européen, que du côté Européen.
La richesse de cet ouvrage provient certainement également de la formation pluridisciplinaire de l’auteur : philosophie, sociologie, anthropologie, histoire et géographie, psychologie sont entremélés et contribuent à l’originalité et à la richesse de cette histoire.