Par Garcin Malsa
Tandis que les déflagrations de l’hyper-multi crise planétaire se poursuivent avec rage dans les pays occidentaux et plus spécialement européens (Grèce, Espagne, Portugal, Italie, France…), c’est avec un retard habituel que nous accueillons un tel phénomène dans notre société martiniquaise sans pour autant en chercher des solutions alternatives.
Il faut tout de même regretter que les mouvements sociaux de 2009 dirigés par le LKP et le K5F qui portaient des germes d’un changement sociétal n’aient pas pu être discutés, analysés, approfondis sérieusement par nos experts en politique, en économie ou en sociologie. Lesquels ont préféré y voir une simple revendication syndicale de cherté de la vie ; tandis que des observateurs et analystes de différents pays en faisaient une référence pour tenter de trouver des ébauches de solutions alternatives au modèle sociétal dominé par la mondialisation néo libérale.
Aujourd’hui, nous faisons manifestement les frais de cette démarche intellectuelle paresseuse qui tout en nous dispensant d’enseignement éclairé pour traiter autrement l’avenir martiniquais nous conduit à une impasse de plus. Nous demeurons hélas ! toujours prisonniers de la stratégie séculaire du colon et nous « ne cessons d’être le jouet sombre au carnaval des autres ».
Tout ce qui suit et qui traite des faits d’actualité en est une parfaite illustration.
En novembre 2012 une association « Tous créoles » présidé par le béké Roger De Jaham dont on connait la mission (pérenniser avec subtilité l’emprise de sa caste sur le peuple martiniquais) a cristallisé l’opinion publique martiniquaise, par média interposé, sur une opération baptisée « Résilience», pour réussir la démarche dont le but inavoué était de faire un black out sur le procès en appel du crédit martiniquais se déroulant au même moment.
Roger De Jaham s’appliqua à faire venir comme intervenant le pape de la résilience, le Docteur Boris CYRULNIK auquel certains intellectuels Martiniquais étaient venus apporter leur soutien. Pendant quelques jours, Roger De Jaham et ses invités de marque allèrent s’efforcer de démontrer qu’entre Résilience et « Réconciliation attendue » il n’y a qu’un pas et que « Tous créoles » comme association avait toute sa raison d’être.
De Jaham avait réussi un coup double. Le débat sur la résilience/Réconciliation avait pris et de l’autre côté le procès en appel de Charles Rimbaud l’un des plus grandes débiteurs-pilleurs de Crédit Martiniquais se faisait en catimini. Pire, Charles RIMBAUD s’était présenté, cette fois, en innocent accompagné d’un élu afro descendant comme témoin de moralité. Alors qu’il avait été condamné en première instance à 18 mois de prison ferme, l’avocat général de la cour d’Appel réclama sa relaxe.
Charles RIMBAUD, c’est celui que les békés ont décidé de mettre en première ligne dans l’affaire du Crédit Martiniquais.
Ces Békés qui étaient aux postes clés de cette banque alimentée par des apports financiers des martiniquais de tous bords, s’y sont grassement servi pendant des décennies pour accroitre leur fortune aux dépens des Martiniquais. Ils se faisaient « des découverts abyssaux, des prêts jamais remboursés, des largesses accordées aux amis et aux partenaires en affaires . Pendant des décennies le Crédit Martiniquais tenu par les puissantes familles créoles qui dominaient l’économie de l’île, a dilapidé les économies des épargnants ». Voilà ce qu’écrit la journaliste Marie-France ETCHEGON dans le Nouvel Observateur du 17 janvier 2013.
Mais il faut aller au fond de ce dossier du Crédit Martiniquais, pour comprendre pourquoi Roger de Jaham avait monté cette manoeuvre de diversion. En fait , il ne fallait pas que l’opinion publique martiniquaise soit informée qu’en plus du pillage malhonnête des dépôts des épargnants martiniquais pour développer leurs affaires, les békés ont envers l’Etat une dette dont la valeur actuelle est d’environ 583 millions (plus des 2/3 du budget du Conseil général ; il s’agit d’un fonds de garantie de dépôts que l’Etat RPR socialiste de l’époque Chirac-Jospin a inventé pour la circonstance pour permettre aux déposants et clients de récupérer leur argent. Ce qui à l’époque, a permis d’éviter une catastrophe financière et de protéger en même temps les Békés ?. Nette collusion Béké-Etat ! Par laquelle le même Etat s’est arrangé par la suite pour récupérer cette somme sur le dos des contribuables martiniquais par des moyens masqués et sans que les békés en soient lésés.
Cet exemple cité démontre comment les békés développent leur stratégie, avec ou sans l’aide de l’Etat, pour nous détourner des vrais enjeux de notre pays tout en poursuivant leur politique de domination économique, de sujétion, et de subordination du peuple.
De même, il peut paraître bizarre et même symptomatique que des affaires politico judiciaires resurgissent à cette période de l’année 2013. Tout laisse croire que dans cette colonie dont « les derniers maître » sont les Békés rien ne peut se faire sans leur consentement et l’appui de l’Etat. Ils peuvent téléguider comme ils peuvent aussi télécharger.
Alors qu’on est en attente de la décision de la cour d’Appel le 28 février 2013 pour ce qui est du procès Rimbaud ; et qu’on observe une prise de conscience collective à propos des pollutions engendrées par le chloredécone et l’épandage aérien des pesticides, causant des drames économiques et des crimes sanitaires on est surpris de constater que resurgisse une affaire politico judicaire sur fond de coopération région Martinique Dominique. L’on va même à assimiler mise en examen et culpabilité et susciter des affrontements de partis, de clans dont les véritables bénéficiaires sont les auteurs de la « profitasyon ».
Quand je vois avec quelle fausse jouissance, certains se défoulent à la mise en examen d’un élu d’un camp et que d’autres du camp adverse, s’affairent à répondre du tac au tac, je ne peux que constater un échec politique pour le peuple et une victoire du colon.
Non pas qu’il faille éviter les débats, loin s’en faut, mais ce que je crois c’est qu’il faut mettre mal à l’aise les profiteurs en échangeant sur des perspectives de projets ayant du sens pour le peuple.
Il faut donc sortir des querelles d’articles (73-74), des querelles de date (2014-2015) ou de place (12-26) pour nous départager. Ne pas faire l’effort de sortir des clans c’est desservir la politique et mettre plus à l’aise les auteurs de la « profitasyon » qui depuis 2009 se sont davantage enrichi sur le dos du peuple et continuent de bénéficier de la clémence des juges comme le démontre la décision de la cour de cassation qui ne s’est pas gêné pour absoudre Huyghues Despointes de ses propos racistes à l’égard des Antillais et plus largement des afrodescendants.
Alors que nous nous entre-déchirons autour de la gestion de la collectivité unique dont les compétences supplémentaires n’équivaudront pas à des pouvoirs réels, les békés s’organisent de plus en plus pour renforcer leur pouvoir économique ici et ailleurs de sorte qu’ils maîtrisent davantage la finance qui s’impose aux politiques. Nous observons, désordonnés, disparaitre la SOCOPMA qui fait partie du patrimoine martiniquais.
Alors que nous cherchons à savoir quelle collectivité actuelle peut prendre la compétence de l’Agence foncière et comment faire fonctionner celle-ci, les békés récupèrent toutes les petites parcelles de terre égarées pour les rattacher aux exploitations foncières qu’ils ont acquises autrefois à la criée de la barre du tribunal depuis l’époque du Crédit Foncier Colonial et avec l’aide de l’Etat. Cette pratique se fait jour sur l’ensemble du territoire martiniquais très souvent, à l’insu des politiques. Croire qu’ils vont abandonner la terre c’est se leurrer. C’est elle qui leur a donné ce pouvoir dominateur, c’est encore sur elle qu’ils devront s’appuyer dans la crise actuelle pour tenter d’élargir leur poids financier ici et ailleurs.
Ils l’ont si bien compris qu’ils cherchent en ce moment à aller récupérer des terres en Guadeloupe d’où ils avaient été chassés depuis 1794.
Usant de ruse et de flatterie, le pouvoir colonial nous autorise à être des observateurs dans les organisations officielles (CARICOM – CELAC etc …) de la Caraïbe, tandis que les békés poursuivent sans vergogne leur implantation territoriale et financière dans cette région d’Amérique, à l’instar de ce qui se passe à Saint-Domingue ou en Haïti.
Il est temps, grand temps en cette année Aimé CESAIRE (100ème anniversaire de sa mort), de reprendre la résistance, de se montrer rebelle, réactif et inventif.
Martinique-Caraïbe
Garcin MALSA,
Président du MODEMAS-ECOLOGIE