Présente au colloque de l’UNOM qui a eu lieu le 28 juin 2017 à La Défense à Paris, l’historienne Chantal #Clem s’est penchée en toute indépendance sur le sens du mot AUTONOMIE…
Par Chantal Clem.
Tout d’abord, permettez-moi de remercier et de manifester ma reconnaissance à Monsieur le président de l’UNOM et à toute son équipe pour avoir mis en œuvre un tel colloque, avec pour thématique très pertinente et très actuelle en phase les questionnements fondamentaux de nos territoires, la question de l’autonomie financière des Ultramarins.
Avant d’aborder la question de l’autonomie financière, autorisez-moi brièvement à m’arrêter sur le mot autonomie. Ce mot est extrêmement important dans la mesure où il est d’abord cri étouffé, écho, puis aspiration profonde et aujourd’hui nécessite vitale. Sur des territoires créés, forgés et issus de la violence, la parole de l’ultramarin est dès l’origine condamnée et emmurée dans le silence. Cette parole subit une sentence dès l’origine : elle est condamnée à se taire et par conséquent, ne sortant pas de terre, étouffée dans la matrice esclavagiste puis coloniale, elle n’existe point.
Dès les tous premiers commencements sur nos territoires, le noir ou plutôt le nègre est celui qu’on définit, qu’on nomme, qu’on catégorise, qu’on chosifie et dont on peut, une fois cela codifié, marchander, disposer et abuser. C’est ici, dans ce socle matriciel de son histoire que cette personne réduite à être la chose de quelqu’autre1 – au nom du droit divin et d’une quelconque et supposée supériorité de race à la quelle est enjointe le devoir de civiliser- que trouve l’origine de son retard. A peine né, le noir est marqué dans sa chair du sceau de l’aliénation et de son corollaire à savoir les facteurs discriminants. Dès lors, on comprend bien que l’autonomie dont il est ici question ne peut pas seulement s’acquérir mais se doit encore d’être conquise.
Cela part d’un écho, d’une résonance lointaine, sorte de bruit sourd qui se fait entendre non sans un certain attrait. Peu à peu, se façonne dans les cœurs, bon gré, mal gré, en dépit de peurs solidement installées, d’oppressions et brimades de toutes sortes et, du fruit qui en en résulte c’est-à-dire le brisement, duquel naîtra l’arme parfaite de la colonisation à savoir l’aliénation, se fera entendre comme le bruit du tambour descendant des mornes, l’aspiration à l’autonomie.
L’autonomie est ici entendue au sens de la liberté. Seul Celui qui est libre peut entreprendre de garantir les conditions d’une réelle autonomie. Aujourd’hui cette autonomie devient une nécessité vitale pour nos poumons ultramarins. Si on peut parler d’une liberté, la question est de se demander si elle est réelle dans la mesure où nous sommes encore dans une économie assujettie à un cadre défini et construit depuis le système esclavagiste puis organisé depuis la colonisation. Je ne m’étendrai pas ici sur cette question qu’il conviendrait en tout utile et nécessaire d’approfondir. Cette déambulation oratoire nous permet de comprendre les enjeux de conditions réelles économiques qui auront pour visée de garantir les conditions elles-mêmes qui doivent être réelles de l’autonomie seule apte à garantir une vraie liberté.
Aussi trouvons-nous dans ce présupposé les raisons retard réel et non pas supposé dans le domaine de l’entrepreneuriat par exemple. Cette donnée a été intégrée par les autorités et institutions puisqu’elle a fait l’objet d’une loi dite égalité réelle. Cependant là –encore cette loi n’énonce que de grands principes décrivant une fois de plus le vœu pieu vidant l’impulsion de sa source en lui ôtant toute action concrète laquelle aurait pu être évaluée. De nouveau et encore, il faudrait repartir du socle matriciel dans lequel a été construit les territoires ultramarins qui sont toujours enchâssés dans le système du principe dit de l’exclusif lequel je rappelle a été mis en place en au XVIIème siècle pour assoir l’absolutisme économique de la France.
Les indicateurs économiques nous placent toujours en queue de peloton et ce, malgré des réussites indéniables lesquelles restent encore trop parsemées. Tant que nous ne sortirons pas de ce cadre, comme le souligne Edouard Glissant, crée par l’argent public de l’assistanat tandis que l’argent privé enrichit si l’on peut dire la métropole, nous serons toujours à la traîne car incapable d’être acteur pour impulser et mettre en œuvre. Et caser, contourner et s’exclure de ce principe peut permettre une ouverture vers d’autres horizons en repensant les rapports initiaux à la Outre-mer- métropole ou l’hexagone et vice versa.
Les français d’outre-mer pâtissent d’effets dont le passé continue encore et encore à interférer rendant leur parcours plus sinueux car le principe d’inégalité est fondé et ancré dès l’origine dans le rapport entre les deux parties.