CAPTIFS ? Ou ESCLAVES ? Captifs, les Africains pris sur la terre d’Afrique ne se doutaient certainement pas qu’ils auraient été mis en esclavage sur des terres dont ils ignoraient bien entendu, l’existence. Quels étaient ceux qui parlaient d’esclaves ? … les Négriers ! … car EUX savaient quel sort ils réservaient aux Africains CAPTIFS ! Arrivés sur le sol d’Amérique, en terre d’esclaves, déportés et captifs, contraints et forcés, VENDUS et mis en esclavage après la traversée du « Middle passage »… L’histoire est écrite depuis des siècles par les vainqueurs et les colons, pour qui le terme de captifs a été occulté au profit de celui d’esclaves, comme si cela allait de soi ! Nous devons permettre aujourd’hui et demain, que nos descendants et tous ceux qui s’intéressent à nos racines, lisent l’histoire autrement que sous la plume du colon.
Ensuite le lieu … symbolique, comme d’ailleurs l’île de Gorée, la porte du non retour. Ici à Foyal, il fallait un lieu d’arrivée des Africains captifs. On pourrait penser comme une évidence, à la Pointe des Nègres. Pas si évident…en fait, car certains géographes et historiens ne sont pas tout à fait d’accord sur le lieu, disant que la profondeur des eaux n’était pas suffisante. Un site aussi passant, pour cette plaque commémorative a une valeur pédagogique.
La plage de « La Française » est un lieu, très passant, fréquenté par tous les âges, en toutes circonstances … et l’appellation de la plage, faisant deux époques de notre histoire se confronter pour en fait, se fondre, avec la même violence, en un ADN, support de notre identité : nous sommes à la fois descendants du Nègre et du Négrier.
Depuis l’esclave Romain parti du Prêcheur, jusqu’à l’œuvre mémorielle superbe de l’artiste Laurent Valère au Diamant, et la visite, de l’unique musée de l’esclavage « La Savane aux Esclaves » de Gilbert Larose, magnifique initiative … totalement privée, un symbole faisait défaut cependant : aucune porte d’entrée des esclaves à l’instar de celle de Gorée, tout aussi symbolique.
Aujourd’hui cette plaque commémorative est posée, au sol, nous obligeant à nous incliner, à respecter cette démarche, à regarder ce sol foulé, à lire. La lecture est volontairement et relativement longue. Elle doit amener à la réflexion, à la méditation… face à la mer à laquelle nous avons souvent tourné le dos. Même si persiste encore une sorte d’amnésie volontaire quant aux souffrances passées, un rejet même quelquefois, ce geste symbolique de vouloir marquer un lieu, une place, s’avère incontournable, un lieu d’hommage, de méditation, de réflexion, un regard tourné vers la mer… Aujourd’hui, la « Porte du non-retour », Gorée, devenue un symbole classé en 1978 par UNESCO au Patrimoine Mondial de l’humanité, même si, sur les millions d’esclaves déportés, moins de 500 par an auraient transité par elle, trouve à son opposé, cette plaque, mais posée 38 ans après ….
Fort-de-France a aussi rendu hommage à cette mémoire ravivée dès 1930, par le poète et professeur agrégé d’anglais, communiste et militant très actif précurseur de la créolité, Gilbert Gratiant, qui fixa sur le grand sablier séculaire de la Savane, une plaque avec ces mots :, et qui avait été enlevée il y a 60 ans :
« aux Esclaves Africains,
Nos ancêtres aussi
Premiers Artisans
De la prospérité de cette île »
Et le choix du sablier n’est pas anodin …chacun sait le rôle qu’avait cet arbre au tronc pourvu d’épines sur lequel on ligotait les esclaves pour les fouetter…
C’est aussi, Gilbert Gratiant, qui a la même époque demanda, sans résultat, que le Conseil Général attribue une bourse aux étudiants qui souhaiteraient entreprendre des études d’ordre culturel ou/et historique en Afrique ….
Le 22 mai 1971, Aimé Césaire inaugura la place du 22 mai avec l’œuvre de « KHOKO » René-Corail, la femme et l’enfant, négresse maronne, se révoltant l’arme à la main, tout en protégeant son enfant de l’autre …
Le chemin est long et difficile, le travail de reconstruction de nos mémoires humiliées est entamé … c’est à nous à le continuer, et à nos enfants à le transmettre.