En Martinique, sous les Gouverneurs, dans certaines circonstances, il y a d'abord des concerts de casseroles, des charivaris, des cavalcades, des bals où se retrouvent tous les colons et les planteurs de la bonne société. Ensuite, l'évolution de la société et de l’organisation esclavagiste conduit peu à peu les maîtres à autoriser, sous contrôle, un certain nombre de fêtes et de danses chez leurs esclaves en excluant la "Calenda" danse ou plutôt rituel de la révolte, interdite à ce titre dans toute la Caraïbe.
Le Carnaval évolue au fil des années suivant la situation politique locale et le statut de l'île (guerres, domination anglaise, révoltes contre les métropoles, …). Ainsi, le syncrétisme des esclaves qui intègrent peu à peu les danses des maîtres à leurs rythmes, l'apparition de nouvelles classes sociales (mulâtres, affranchis, nègres libres de savane) donnent au Carnaval un rôle social important puisque à sa façon il permet un contrôle informel dans la société esclavagiste de l'époque en organisant la mise en scène formelle et spontanée de tous les ressentiments. Il participe également à l'apparition d'un embryon de sentiment communautaire entre des classes raciales et sociales antagonistes. A Trinidad, les maîtres se déguisent en esclaves et jouent à éteindre le feu dans une plantation de canne à sucre, tandis que les esclaves costumés de crinolines et de vestes d'apparat, jouent aux maîtres, c'est le "Canboulay" (comme dans kann brilé).
Dans les possessions françaises, parallèlement et concomitamment à son développement, le Carnaval est réglementé et contrôlé par le pouvoir sous la double pression de l'Eglise et des possédants, qui craignent les débordements des hommes de couleurs et des nègres et la mise en danger des biens, des personnes et de l'ordre moral et social. Quelquefois, quand la situation est chaude socialement, racialement ou politiquement, il y a interdiction des masques et déguisements sous peine de prison et même quelquefois le Carnaval est interdit tout bonnement.
Le Carnaval, moment de transgression puissant et faciliteur de satires extrêmes, est régulièrement l'occasion de rumeurs, de on-dit, et quelquefois de brigandages et de règlements de compte sociaux, politiques ou crapuleux. Il est de ce fait l'objet de l'attention des forces de l'ordre, gardiennes du statuquo et de la morale bien pensante, et le pouvoir de l’époque maintiendra le carnaval en permanence sous contrôle et surveillance.
(extraits du « Guide du Carnavalier » de Charles-Henri Fargues aux Edition Lafontaine, 1998).