par Emmanuel Thélusma, Le Nouvelliste.
Dans une ambiance de folie et de dévotion, des curieux et des adeptes du vodou se sont donné rendez-vous au cimetière de Port¬au¬Prince pour célébrer la fête des morts. Le spectacle était composé de différents rituels du vodou, particulièrement ceux pratiqués par des femmes en transe qui ont fait de leur sexe une œuvre à contempler et à photographier.
« Le gede part en guerre contre l’hypocrisie. Le sexe n’est pas une mauvaise chose », a martelé le directeur du cimetière de Port¬au¬Prince, Laguerre Mareige, avant de faire comprendre que les gede, depuis toujours, sont en rébellion à tout ce qui est tabou et surtout les pratiques occidentales.
Enthousiasmé par la visite du maire principal de Port¬au¬Prince, le premier novembre, dans le but de déposer deux gerbes de fleur au pied de Grann Brigit et Bawon Lakwa, Laguerre Mareige a laissé parler son cœur : « Le gede est le symbole de vérité. Avec lui rien n’est secret, rien n’est tabou ». Selon le directeur du cimetière, les « gede » représentent les esprits de la mort dans le vodou. C’est l’esprit d’une personne ayant traversé l’au¬delà. « Même si elle n’est plus du monde physique, cet esprit a pour mission de veiller sur ses proches encore ici¬bas », croient des vodouisants. Laguerre Mareige, prêtre du vodou, a expliqué plus loin que cette tradition est africaine et particulièrement du royaume du Dahomey.
Avec la traite des esclaves, elle est arrivée en Haïti, a¬t¬il précisé. Ayant déjà vécu, les «gede» ne craignent rien, ont laissé comprendre certains participants. « Lorsqu’ils surgissent, ces esprits mangent du verre, des piments crus, et inondent leur sexe de piment et de rhum», a déclaré un curieux. Puis, il ajoute que les gede sont intrépides devant le feu et ils font peur.
Leurs couleurs traditionnelles sont le noir et le violet. Pour le directeur des cultes à la mairie de Port¬au¬Prince, Joseph Jean¬Richard Tiake, ce symbolisme vaut la peine. « La couleur noire représente Bawon Samdi et le violet est une couleur qui attire beaucoup d’énergie », a¬t¬il fait savoir. Il ajoute ensuite que les «gede» sont traditionnellement menés par trois esprits. Bawon Simityè, Bawon Lakwa et Bawon Samdi.
Par ailleurs, dans une interview accordée la semaine dernière au journal Le Nouvelliste, la mambo Rachel Beauvoir-Dominique a fait savoir que Bawon Samdi, qui est associé dans le syncrétisme catholico-vodou à Saint¬Elias, est l’entité par excellence qu’on interpelle pour la vengeance, est le dieu protecteur des sociétés secrètes qui ont pour mission de rendre justice. Tandis que Grann Brijit ou Manman Brijit est l’épouse, la contrepartie féminine des « bawon ». Elle est symbolisée par le cercueil « madoulè ». Elle est par essence une justicière de série « A ». Autrement dit, les gede, qu’ils soient « Zarenyen », « Brav », « Mazaka »,ect., constituent la progéniture innombrable du couple Bawon/GrannBrijit…
Ils se manifestent comme étant des gens inaptes à la bienséance. Leurs gouyad, leurs propos orduriers, leur affection pour l’alcool, le piment, selon l’auteure de « Savalouwe » symbolisent la victoire de la vie sur la mort, une étape par laquelle tout être vivant doit passer.
Emmanuel Thélusma, Le Nouvelliste