Kolo Barts l'a rappelé à la mémoire. Il y a 32 ans, deux ouvriers agricoles MM. Marie-Louise (19 ans) et Ilmany (55 ans) disparaissaient dans des conditions que l'histoire a conservées sous le nom de «Chalvet, février 74». Souvenirs. Année 1974. En France, l'ère gaulliste touche à son terme. Le Président Georges Pompidou, malade, mourrant, va brutalement laisser la place à Valéry Giscard d'Estaing. La Martinique elle, somnole sous le soleil colonial. Le clivage nanti/pauvre, citadin/rural est toujours prégnant. Les milliers de voitures, les dizaines de chaînes de télévisions, les multiples centres commerciaux, l'égoïsme, l'invasion européenne, n'ont pas encore ravagé le pays. L'Habitation agricole béké emploie encore des milliers de travailleurs. Pourtant c'est la crise, profonde, déterminante en ce que, c'est à partir de cette période, de ces évènements, que le pays va muter irrémédiablement, inexorablement et devenir ce qu'il est aujourd'hui un temple dédié à la consommation. A Basse-Pointe, sur l'Habitation Chalvet, c'est la grève. Les ouvriers agricoles réclament une augmentation de leur journée de travail à 5 francs. Là où les choses sont différentes et où l'on sort du schéma classique des grèves dans le monde agricole, c'est la présence avérée, comme l'affirmera trente ans après le curé de la paroisse, de jeunes gauchistes, révolutionnaires, étudiants ou fraîchement diplômés, venus pour la plupart de Fort-de-France. Encadrent-ils ? Manipulent-ils ou conseillent-ils les meneurs, les grévistes ? Les pouvoirs publics ont encore en mémoire le GONG'' guadeloupéen, l'OJAM martiniquaise. Il est hors de question que puisse être remis en cause l'ordre établi. Alors, le Préfet fera donner la troupe. Aujourd'hui Kolo Barts chante « Enfants, enfants écoutez ce qui s'est passé : c'était en février 1974, dans un champ d'ananas, tout près de la commune de Basse-Pointe, sur l'habitation Chalvet dont les terres appartiennent au béké ». Beaucoup des protagonistes de cette tragique affaire sont encore en vie. Il est sans doute trop tôt pour connaitre toute la vérité sur ces évènements qui appartiennent désormais à l'histoire.