« En 1990, c’est le président tchécoslovaque, Vaclav Havel, qui adresse des excuses officielles au président allemand concernant l’expulsion des Allemands des Sudètes, continues-tu. »
Et pour cause Camille ! D’ailleurs cette décision prise de façon unilatérale fut contestée par les siens. Au lendemain de la seconde guerre mondiale à Sudète en Tchécoslovaquie on avait assisté à une véritable épuration ethnique. Trois millions de citoyens allemands avaient été expulsés vers l’Allemagne. Après la guerre, organisés en associations ces derniers avaient un poids électoral certain. Ils exigeaient, ni plus ni moins, qu’un droit au retour, une indemnisation et la restitution de leurs biens. Entre répondre aux exigences de retour des Allemands expulsés et faire des excuses, c’était plus à la portée financière de Vaclav Havel. Non ? Les autres demandeurs de pardon que tu cites de Chirac à Guy Verhofstadt en passant par Lech Walesa et autres présidents Croates, étaient tous des chefs d’Etat. Ils agissaient au nom des intérêts de leur pays. Alors, je dis et redis ce que j’ai déjà écrit des dizaines de fois : tant que nos demandes de réparation, ou de pardon, sont faites dans un département français, et c’est le choix de la majorité des Martiniquais, nous perdons du temps. Les autres avaient des moyens de pression, des alliés. Quels sont les nôtres ? Ceux qui dans les années 60 ont cru à la grande décolonisation ont oublié que nous n’étions pas des colonisés comme les autres, mais des produits nés de cette colonisation. Donc sans le support mythologique issu d’un Dieu propre à qui on offre sa vie pour défendre les terres qu’il nous a confiées. N’oublions pas que l’Europe a colonisé au nom de Dieu. Or, ces colonisateurs européens se sont révoltés contre leur métropole coloniale pour se transformer en Etasuniens, Brésiliens, Caribéens. Un chef d’orchestre, Washington, s’est révélé dans ce que l’on a appelé le nouveau monde, imposant son leadership aux Amériques et à la Caraïbe. Les métropoles coloniales, elles, se sont liées entre elles par une interpénétration des économies. Ce qui dès, après 39-40, stoppa leurs guerres tribales. Dès lors, les deux chefs d’orchestres Washington et Bruxelles ont perfectionné leur stratégie de conquête de L’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Orient. Bref, Camille rien n’a vraiment changé depuis l’appel du pape Urbain II, lors du Concile de Clermont en Auvergne, lançant les Croisades de 1095. Sauf peut- être que l’Occident est piégé par sa rapacité. Son exploitation sauvage et inhumaine des pays par lui colonisés, a poussé les autochtones à se réfugier chez lui. Ils sont parfois intégrés mais souvent ont apporté leur Dieu d’origine et vivent en communauté. Jadis celui que l’on combattait au nom de Dieu était loin et chez lui. En Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Lybie, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Ouganda, à Taïwan, en Chine etc. Aujourd’hui, il est chez le colonisateur. Quelle va être son attitude en cas de confrontation qui pour l’heure est économique. Camille, nous sommes aujourd’hui en pleine recomposition mondiale alors tu penses bien que mon souci n’est pas Roger de Jaham à qui, en aucun cas, je ne rends comptable des crimes du passé. Il n’est qu’un instrument de notre histoire, d’aujourd’hui, pas celle d’hier. Comme toi. Comme moi. Ma seule question en ce moment de recomposition de géopolitique est de savoir si cette mutation se fera avec ou sans la bombe nucléaire, mais ce débat dans lequel nous sommes lancés est la marche normale de notre évolution. Tu as choisi la méthode hard pour t’adresser à moi. Les termes que tu emploies à mon égard sont … tu les qualifieras toi-même quand la tempête sera passée. Il viendra bien ce jour. Pour le moment, je les trouve injustes, mais bon ! Nous n’aurions peut-être pas suscité un tel intérêt si tu ne les avais pas employés.
UN MOT TOUT DE MÊME QUANT AUX NEGRES DOMESTIQUES…
Nos aînés, ne s’y trompaient pas et distinguaient deux sortes de békés. Le béké-France et le béké-pays. Il en découla tout naturellement deux sortes de nègres domestiques. Je le maintiens, pas besoin de Malcom X pour les définir. Le regard interne, en toute autorité, nous les désigne. Il y a le nègre domestique de l’habitation traditionnelle du béké-pays et le nègre domestique de l’habitation du béké-France. L’habitation du béké-France n’est autre que l’administration française. Le nègre domestique de l’habitation du béké-pays est un déchiré de l’histoire, il n’a pas choisi son sort. Totalement déshumanisé par la Bible et par le fouet, il lui a fallu attendre la réappropriation de son moi pour qu’il commence à s’interroger. Le nègre domestique de l’habitation du béké- France, lui non plus n’a pas choisi. Il est obligé de passer par ce canal s’il veut exercer le métier de son choix. Par contre, et hélas, tous deux ils ont un héritage commun : le Nèg kont Nèg, ce que je tâche de combattre. Rappelons que dans un passé récent l’allié naturel du pouvoir parisien était le colon et la masse des fonctionnaires prisonnière et fière de ses avantages acquis, méfiante envers le moindre changement risquant de faire perdre leur avancée sociale. Tant que nous ne réfléchirons pas sur ces bases il y aura toujours une victime, notre pays.
MOI JE CONTINUE MA ROUTE
Avec mes convictions et ma stratégie comme, sans doute aucun, toi aussi avec tes convictions et ta stratégie. Roger de Jaham pour l’heure est le président de « Tous Créoles ». Peut-être que dès l’an prochain il ne le sera plus. Sur le plateau de KMT nous t’avons tous entendu dire que si tu détestais ce béké-là, il y en avait d’autres qui pourraient te convenir. Tu as même fait des propositions en ce sens. Par exemple que Bernard Hayot accepte, à son tour de venir planter un arbre dans un lieu symbolique.
« Je souhaite pour toi que la légende qui suit ce site ne s’abatte pas sur toi, dans les neuf lunes qui viennent. Je le souhaite. Ta famille devrait prier pour toi » écris-tu.
Heureusement que je ne suis pas superstitieux. Mais, vois-tu Camille, je fais le même vœu pour toi. Car rien ne prouve que tu sois en train de faire ce que souhaite l’âme de ces malheureux. Es-tu sûr que l’âme que nos ancêtres morts en ces lieux, car ce sont aussi les miens n’attendent pas de nous des gestes plus …nobles, plus significatifs ?
Vais-je retourner sur le plateau de KMT et souscrire à l’attente d’un combat coq ? Je n’en sais rien encore, ce n’était pas dans mes prévisions. Mon absence du journalisme aussi bien pour Antilla que pour KMT était prévue pour tout le mois de Mai. Ce que je peux te certifier, en tout cas, est que je continuerai à me battre pour que ce rêve vieux d’une vingtaine d’années déjà, d’une Martinique soudée dans une convergence d’intérêts, ayant fait le deuil de la douleur, voit le jour. C’est cette Martinique-là qui recevra le pardon attendu. Même s’il n’y a pas de chef d’Etat. Même si personne ne peut prétendre parler au nom de l’ensemble des békés. Il sera suscité par une ferveur collective de façon spontanée et symbolique car alimenté par la volonté affirmée et résolue de tordre le cou aux ombres du passé. Pour moi, c’est terminé. J’ai donné, je ne réagirai plus.
Bien à toi mon frère, et que la Martinique gagne !
Tony DELSHAM