La Cité nationale de l'Histoire de l'Immigration ouvre discrètement ses portes, mercredi, au Palais de la Porte Dorée à Paris, en pleine polémique sur le projet de loi de Brice Hortefeux sur la maîtrise de l'immigration.
L'ouverture de ce nouveau musée national, dont l'idée avait été lancée il y a une quinzaine d'années par quelques historiens avant d'être sérieusement envisagée par Lionel Jospin, alors Premier ministre puis inscrite dans le programme du candidat Chirac en 2002, se fera sans tapage: aucune inauguration officielle n'est prévue pour l'instant.
Certes, Jacques Chirac, qui avait porté le projet lorsqu'il était à l'Elysée, s'y rendra jeudi matin. Mais du côté du gouvernement, seule Christine Albanel (Culture) a promis de venir mercredi soir, à 19h00.
"On a été un peu surpris que la Cité ne suscite pas l'intérêt qu'elle mérite auprès des plus hautes autorités de l'Etat", a déclaré à l'AFP Patrick Weil, un des historiens démissionnaires des instances officielles de la Cité mais qui ont continué à travailler au projet. "C'est quand même un musée qui concerne l'histoire de 20 à 25% de la population française (…) C'est le Ellis Island français et il aurait été naturel que le président de la République l'honore de sa présence", a-t-il ajouté.
Le projet de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI), dont la présidence est assurée par Jacques Toubon et Jean-François Roverato, est de
"faire connaître et reconnaître l'apport de l'immigration en France". Le projet, qui a mis des années à voir le jour, a été concrétisé en juillet 2004 par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui avait alors annoncé sa création sur le site du Palais de la Porte Dorée, construit à l'occasion de l'exposition coloniale de 1931 et devenu, après plusieurs avatars, musée des Arts africains et océaniens. Huit universitaires avaient annoncé leur démission des instances officielles de la Cité au printemps dernier pour protester contre l'instauration d'un ministère de "l'immigration et de l'identité nationale". Ils n'en avaient pas moins continué leurs travaux sous la houlette de Jacques Toubon. Un autre de ces historiens, Gérard Noiriel, a estimé mardi que "s'il n'y a pas d'inauguration officielle, c'est parce que ça coince. Notre discours, qui est de montrer les apports de l'immigration n'est pas celui de la suspicion généralisée de l'immigrant avec l'instauration de tests ADN". Soucieuse de dédramatiser le thème de l'immigration, la Cité offre un regard sur 200 ans d'histoire. "Or, explique Jacques Toubon, cette histoire est quasiment méconnue et elle n'est pas reconnue. Faute de perspective historique,la plupart de nos concitoyens vivent l'immigration comme un phénomène récent (…) alors que toute l'histoire fait le récit d'une immigration constitutive d'une part importante de la réalité française". En l'absence d'inauguration officielle, la Ligue des Droits de l'Homme et d'autres associations ont appelé mercredi matin à une "inauguration citoyenne" de la Cité.
L'ouverture des portes au public intervient alors que le thème de l'immigration semble polarisé par le projet de Brice Hortefeux sur la maîtrise de l'immigration et particulièrement sur l'amendement instaurant des tests ADN pour les candidats au regroupement familial.
Fadela Amara, la secrétaire d'Etat à la politique de la Ville, en jugeant "dégueulasse" d'instrumentaliser ainsi l'immigration a fait rebondir un débat
qui devrait être tranché le 16 octobre par une Commission mixte paritaire.