dont je respecte la vie, l’action, la mémoire. Je n’ai jamais dit, ou pensé, que la France l’avait élevé, ou l’avait comblé de ses bienfaits ? Mais il reste le paradoxe de Senghor, de devenu grand homme de lettres (et enrichissant de manière notable la culture française, et le patrimoine de l?humanité) par cette rencontre avec la culture du colonisateur? Affaire encore plus ambigüe quand on sait que son parrain en France fut le député Blaise Diagne, à la fois inventeur des ?tirailleurs sénégalais, mais également premier député noir africain de la république, et venant, quel symbole, de Gorée! Cette affaire m’intrigue, me perturbe (je n’ai évidemment aucune sympathie ni indulgence pour le colonialisme, et je ne crois pas une seconde en une supériorité quelconque d ela race blanche, ceci pour être clair, et je partage évidemment l?idée que ces civilisations auraient connu un développement brillant si les puissances coloniales n’étaient pas venues les exploiter). Discutant avec M. Letchimy de cette affaire de rôle positif de la colonisation, je lui ai fait part de ma perplexité et lui ai demandé: ?Mais que fait-on de Senghor dans cette histoire? Comment l’intègre-t-on si la colonisation a été uniquement un crime contre l?humanité?? C?est alors que M. Letchnimy m?a répondu en citant Diop, dans les termes que j?ai rapportés entre guillements (le commentaire sur Ramses II ou la mélanine ne lui est pas attribué, mais constitue un rappel des thèses de Diop). Sa réponse m?a surpris, tant elle montrait que la blessure était vive chez un politique majeur, brillant, qui présidera un jour la Martinique (je le lui ai dit)… Au sens propre du terme, il n?a pas besoin d?aller chercher dans l?histoire antique ou dans les théories de Diop de quoi démontrer la valeur propre de Senghor, ou sa valeur, ou celle de son peuple. Que les anciens pharaons étaient noirs, ou que les premiers hommes étaient noirs, que les civilisations africaines aient été brillantes bien avant la colonisation, ne me dérange aucunement. Mais cela n?a aucun rapport avec la situation politique que vivent les Antilles aujourd?hui (inégalités économiques, reste du pouvoir béké, etc) ou avec les revendications historiques ou mémorielles que j?ai décrites dans mon article. L?histoire longue et récente de cette île, de l?esclavage jusqu?aux répressions brtutales des mouvements sociaux (février 74, que je cite) suffit à justifier la colère, comme la fierté, comme les soulèvements politiques. C?est ce que j?ai écrit, et décrit? A chercher dans un passé très lointain de quoi se conforter, on en néglige les questions actuelles? Le président du PPM, ce mouvement progressiste qui veut conduire la Martinique vers la maîtrise de son destin doit bien le savoir. Evidemment, le passage par Diop montre que la question ethnique le perturbe; évidemment, qu?il use de cet argument montre, au minimum, qu?il estimait ma question empreinte de racisme -et devait donc rappeler l?antériorité de l?homme noir ou de la civilisation noire pour me répondre? Evidemment, il avait tort. Mais en ayant tort, il révèle une autre part de la blessure contemporaine. Merci de m?avoir lu. Claude ASKOLOVITCH NB : Imprécision dans mon post précédent: ?ces civilisations?, se réfère évidemment aux civilisations africaines, qui auraient connu un développement notable si les puissances coloniales n?étaient pas venues les exploiter? Edit Comment