L’examen approfondi des notes de frais des dirigeants de la Sacem révèle des abus non sanctionnés. Ainsi, en 2007, l’un des dirigeants (parti en 2008) avait pris ses aises avec la carte bancaire de la boîte : des repas seuls, des vacances en Guyane (entre le 27 décembre 2006 et le 6 janvier 2007), des frais de péage de week-end, 10.512 euros de « cadeaux »… La Commission souligne, avec euphémisme, que certaines de ces dépenses n’étaient sans doute pas effectuées dans l’intérêt de la société et n’ont pourtant fait l’objet d’aucun contrôle. « Elles n’ont pas été non plus de ce fait remboursées par l’intéressé », note, non sans ironie, le rapport.
Les dirigeants de la Sacem en prennent pour leur grade à propos des frais d’hôtel et de restaurant payés, pour l’essentiel, par carte bancaire. Les dirigeants « ne respectent guère la note interne relative » aux frais qui est pourtant assez généreuse : les cadres dirigeants doivent s’en tenir à des hôtels 3 étoiles, les repas à l’étranger ne doivent pas excéder 40 euros et pas plus de 70 euros par personne lorsqu’ils invitent. La Commission permanente n’a pas pu pousser plus loin ses investigations, car la Sacem ne dispose pas d’un suivi analytique des dépenses payées par carte. L’opacité « étonne » les rapporteurs…
Une rente assise sur un quasi-monopole
La situation est d’autant plus choquante que les artistes n’ont guère le choix. La loi les oblige à verser. Si bien que les sociétés de perception vivent sur une rente, « un quasi-monopole de fait sur le territoire national », note le rapport. Avec l’onctuosité qui sied au langage de la haute fonction publique, le rapport relève que « les rémunérations semblent, au moins pour quelques cas individuels, s’écarter notablement des normes de rémunération en vigueur dans les entreprises de taille comparable alors même que celles-ci sont, elles, pleinement exposées à la concurrence ».
Le rapport observe également de grandes disparités entre les salaires des dirigeants et les salariés de ces sociétés. Par exemple, à la Sacem, les six salariés les mieux payés ont vu leurs revenus croître de 10 % entre 2005 et 2008 quand le personnel s’est contenté de + 6,5 % en moyenne sur la période. La Sacem n’a pas justifié cette différence de traitement. Le rapport entre le salaire de Bernard Miyet et le salaire le plus bas de la Sacem est de « 30 à 40 », note encore le rapport. Pour une société qui emploie 1.450 salariés…
Moyenne des cinq principaux salaires annuels en euros / effectif salarié / montants des sommes perçues
SACEM : 363.908 euros / 1448 / 961,3 millions d’euros
SACD : 149.775 euros / 232 / 179,6 millions d’euros
SCAM : 142.521 euros / 81 / 74,1 millions d’euros
SPP : 135.465 / 39 / 61,1 millions d’euros
CFC : 110.200 euros / 44 / 43,7 millions d’euros
ADAMI : 107.300 euros / 74 / 53 millions d’euros
SPEDIDAM : 96.020 euros / 32 / 32,9 millions d’euros
PROCIREP : 84.273 euros / 18 / 31,6 millions d’euros
La Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits est présidée par Bernard Menasseyre, président de chambre honoraire à la Cour des comptes. Elle comprend pour membres : François Lavondès, conseiller d’État honoraire ; Marie-Claude Duvernier, conseillère honoraire à la Cour de cassation ; Claude Rubinowicz, inspecteur général des finances ; Lé Nhat Binh, inspecteur général des affaires culturelles.
Source : Emmanuel Beretta/lepoint.fr