Après son discours, le président de Région Alfred Marie-Jeanne a passé la parole à Claude Lise le président du Conseil Général de la Martinique…
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Membres du Congrès, Cher(e)s Collègues,
Il y a plus de 7 ans, il m’est revenu le grand honneur de procéder à l’ouverture, à l’Hôtel du département, du 1er congrès des élus départementaux et régionaux de la Martinique. Et vous siégiez avec moi à la tribune, Monsieur le Président.
Aujourd’hui, c’est à l’Hôtel de Région que nous nous retrouvons pour l’ouverture de ce congrès auquel vous nous avez conviés, et que vous présidez.
Je veux donc vous remercier de votre accueil.
Mais aussi souhaiter que, tous ici, nous ayons à cœur, comme lors des réunions de 2001, de 2002 et 2003, d’utiliser l’espace démocratique offert par le Congrès pour confronter nos points de vue dans des conditions qui puissent contribuer à éclairer nos concitoyens sur les enjeux d’une évolution institutionnelle.
Car ces enjeux ne sont pas l’affaire des seuls élus, ne sont pas l’affaire des seuls partis et organisations politiques, mais bien l’affaire du peuple martiniquais.
Chaque Martiniquaise et chaque Martiniquais doit se sentir profondément concerné par nos débats. Chaque Martiniquaise et chaque Martiniquais doit comprendre qu’à travers la question institutionnelle, il s’agit, avant tout, de rechercher les conditions de mise en œuvre de politiques permettant de régler plus efficacement nombre de problèmes auxquels ils sont quotidiennement confrontés et, d’une façon générale, de leur donner davantage de prise sur la gestion des affaires de la Martinique.
Je crois d’ailleurs que les débats qui ont marqué les précédentes réunions du congrès, et que nos compatriotes ont régulièrement suivis grâce au concours des medias, leur ont précisément permis de mieux prendre la mesure de tels enjeux.
Ils se sont également rendu compte que les affrontements partisans, auxquels ces débats ont parfois donné lieu, ont finalement pu être dépassés pour aboutir à la formulation de propositions qui entendaient servir l’intérêt général martiniquais. Et il y a des images de ces réunions, des images des élus martiniquais engagés dans une dynamique positive, qui ont marqué favorablement les esprits et qui ont certainement laissé des traces dans les mémoires.
La consultation de décembre 2003 n’a, cela dit, pas permis de donner suite à la réforme proposée, alors même que celle-ci avait été élaborée sur la base de la recherche du plus large consensus sur une base minimale.
Et c’est bien parce qu’on avait privilégié la recherche du plus large consensus sur une base minimale que l’on avait écarté d’emblée le choix de l’article 74. D’autant d’ailleurs, il faut bien le dire, qu’un certain nombre d’élus surestimaient manifestement les possibilités offertes par l’article 73 rénové dans le cadre de la révision constitutionnelle de mars 2003.
En ce qui me concerne, je veux rappeler que, si je me suis rallié à l’idée de faire un premier pas, fût-il modeste, je ne me suis jamais fait d’illusions sur les possibilités réelles offertes par cet article.
Intervenant, au Sénat, dans la discussion générale sur le projet de loi constitutionnelle, je soulignais que le nouvel article 73, je cite, « donne aux élus la possibilité de disposer d’un pouvoir d’adaptation réglementaire dans les domaines où ils exercent des compétences. Il leur offre aussi la possibilité de disposer d’un pouvoir réglementaire y compris dans certaines matières relevant du domaine de la loi. Il s’agit là, à première vue, d’avancées substantielles en matière de responsabilité locale, mais il s’agit d’avancées dont il faut vite tempérer la portée.
Le système est, en effet, triplement verrouillé : le champ de délégation de pouvoirs d’adaptation et de pouvoirs réglementaires est étroitement limité, il faut une habilitation du Parlement, le champ du possible doit être préalablement fixé par une loi organique ».
Cette loi organique a été, comme vous le savez, votée l’année dernière et, comme il fallait s’y attendre, elle n’a fait qu’ajouter des contraintes supplémentaires à la procédure.
En fait, la seule avancée réelle qu’il nous était possible d’effectuer dans le cadre de cet article, c’était la mise en place d’une collectivité unique gérée par une assemblée unique. Mais ce qui aurait pu être un premier pas, porteur déjà d’un peu plus d’efficacité des politiques publiques, a été manqué de justesse, en grande partie, en réalité, on le sait, à cause de la confusion dans laquelle s’est déroulée la campagne électorale précédant la consultation du 7 décembre 2003. Confusion résultant, pour l’essentiel, des stratégies convergentes mises en œuvre : les unes, par des responsables politiques opposés idéologiquement à tout changement institutionnel non calqués sur un modèle hexagonal ; les autres, par certains hommes politiques qui ont préféré cassé une dynamique parce qu’ils ne pouvaient, à coup sûr, l’orienter dans le sens de leurs seuls intérêts politiciens.
Aujourd’hui, il n’était plus possible de maintenir le débat dans les mêmes limites.
5 années ont passé, en effet, au cours desquelles on a pu mieux mesurer les limites réelles de l’article 73. On a vu, pour ne citer qu’un exemple, la difficulté à faire prendre en compte une demande d’habilitation pour adapter la législation sur les transports interurbains.
En fait, c’est quotidiennement que, dans les domaines les plus divers (logement, transport, aménagement du territoire, urbanisme, environnement, etc.), les citoyens martiniquais réclament, pour faire face aux problèmes posés par l’application du droit commun, des aménagements, des adaptations voire des dérogations.
On ne peut donc éviter de poser le problème du choix entre les deux régimes législatifs offerts par la constitution française :
celui de l’article 73, dans lequel nous nous trouvons, il faut peut-être le rappeler, et où la règle c’est l’application du droit commun et l’adaptation l’exception,
celui de l’article 74, dans lequel est privilégié, au contraire, le droit à l’adaptation.
C’est là un choix qu’on ne peut escamoter et qu’on ne peut différer davantage.
C’est certainement le point essentiel sur lequel chacun de nous devra prendre position en conscience.
Ce qui importe, selon moi, c’est que les Martiniquais soient clairement informés de la réalité des dispositions contenues dans l’article 74. Qu’ils aient bien conscience que, dans le cadre du régime législatif régi par cet article, il est possible d’obtenir que soit privilégié le droit à adaptation dans les domaines que l’on choisit, en dehors, bien sûr, du domaine régalien de l’Etat. Ce qui signifie que, dans le cadre de cet article, il y a une diversité de possibilités, selon le dosage entre domaines où c’est le droit commun qui prime et domaines où c’est le droit à adaptation qui prime.
Il faut aussi que les Martiniquais sachent que la Constitution française actuelle n’offre aucune autre voie.
On peut toujours en imaginer une. Mais la proposer aujourd’hui, c’est, à coup sûr, renvoyer aux calendes grecques, ou à la Saint-glinglin, la mise en œuvre d’une réforme institutionnelle. Puisqu’il faudra attendre une éventuelle réforme de la constitution française.
Mais l’histoire ne nous attend pas. Un grand chantier a été lancé par le président de la République sur une réforme de l’architecture territoriale française. Allons-nous prendre le risque, en ne proposant rien pour aujourd’hui, de subir, une fois de plus, un véritable plaquage de dispositions conçues, par d’autres, pour des réalités hexagonales ? Allons-nous laisser se rééditer ce qui s’est passé lors de la grande réforme de la décentralisation de 82-83 et, plus récemment, en 2004, lors de la mise en place de l’acte II de la décentralisation ?
Je n’évoquerai pas les deux autres points de l’ordre du jour qui faisaient déjà partie de nos réflexions lors des précédents congrès et sur lesquels, là aussi, chacun devra prendre une position claire devant l’opinion.
Je n’évoquerai pas non plus la deuxième partie du congrès prévue pour le 1er trimestre 2009 et que j’aurai à convoquer et à présider ; deuxième partie où nous aurons à débattre des compétences dont nous estimerons nécessaires de réclamer le transfert. Cette deuxième partie est évidemment, pour une bonne part, conditionnée par les propositions qui seront arrêtées aujourd’hui.
Monsieur le Président, Cher(e)s Collègues,
Parmi les handicaps structurels reconnus comme freins au développement de la Martinique, il en existe un, que l’on oublie souvent dans les discours officiels, c’est le handicap institutionnel.
Il joue pourtant un rôle majeur dans le mal-développement et, par voie de conséquence, dans le mal-être qui y est associé et dont souffrent tant de nos jeunes.
Il explique largement le fait que tous les efforts accomplis par les élus martiniquais, que le réel dynamisme de nos acteurs économiques et que la succession des plans de développement mis en œuvre n’ont jamais pu répondre pleinement aux objectifs poursuivis.
Nous qui exerçons des responsabilités dans ce pays, nous le savons.
Nous devons donc le dire clairement aux Martiniquais et en tirer les conséquences tout aussi clairement. Quoi qu’il en coûte électoralement à chacun d’entre nous.
Il faut vraiment tout faire pour éviter que notre pays rate un nouveau rendez-vous avec son histoire.
Mes Cher(e)s Collègues, pour la Martinique, pour notre Martinique, reconnaissons-le, l’heure des choix clairs a sonné !
Allocution de
M. Claude LISE
Sénateur de la Martinique
Président du Conseil Général
Congrès des Elus Départementaux et Régionaux
Jeudi 18 novembre 2008
9 h 00