Après son dernier recueil de poésie «Jouanacaëra-50 pas», le poète Jean-Marc Terrine s’enfonce fond dans le mitan des fins fonds de la Martinique. Dans « Conte et paroles bèlè « il nous emmène dans l’arrière-pays, Bezaudin, pour ramener cette géo-poésie qui capte dans le fouillis des clameurs des mornes la beauté du langage : la parole poétique cachée et ses passages.
Avec sa plume, il nous immerge dans le conte, cette parole de veillée, parole de la nuit en Martinique. Et il nous replonge, après vingt ans « La ronde des derniers maîtres du bèlè « son premier livre, dans le monde bèlè de Bezaudin. Mais l’auteur aborde cette expression, le bèlè, avec un regard nouveau et singulier. Il a pris le temps de l’écoute et de la parole pour comprendre ce qui se cache derrière ce mot bèlè qui voudrait plutôt dire bèl lè ou bons-lieux. Il a toujours entendu et aimé cette définition épurée des Maîtres du bèlè qui la définissent ainsi : « Une manière de vivre ». Alin Légares, Maître conteur dirait de cette explication : « une définition qui ne gaspille pas la parole ». Jean-Marc Terrine ka flandjé mo-a : bèlè. Il le sépare. Une césure avec son jambette symbolique qu’il accroche à sa gaulette-bambou pour cueillir les bèl lè là-haut.
Ce recueil de poèmes nous immerge dans cet univers du conte et des paroles bèlè. Une écriture polyphonique qui bouge chante et danse les rencontres et odeurs de la vie dans les mornes. Le lecteur sera amené à voyager dans ces paysages de l’oralité et des bons-lieux : une littoralité. D’où un long poème du livre qui enjambe les genres – la poésie et l’essai -, métamorphoses pour nous parler autrement du bèlè qui n’est pas juste une soirée, un wemilere autour de la musique, de la danse et du chant. Cette expression symbolise davantage un environnement voire une ontologie.
Jean-Marc Terrine, nous emmène avec la poésie dans ses bagages pour un voyage fait de cercles concentriques, de mouvements de rondes qui bougent, tournent, se déplacent pour échapper : ginga-kalenda. Espaces, bons-lieux qui parlent le langage créole, chantent, dansent, fouillent la terre et donnent le tournis aux petits et aux grands : musique et manège chouval bwa/chevaux de bois. Un rythme et un souffle du poète dans le langage : une littoralité qui trace. Une ballade hors des cadres, des limites et des frontières pour rencontrer l’univers des bèl lè.
Bèl-lè, gestes et bons-lieux qui célèbrent la vie et la mort dans les rondes en Martinique toute la vie.