Nous devons prendre des mesures urgentes pour organiser les DOM et les zones côtières en fonction de ces menaces Deux cyclones viennent de ravager le sud des Etats-Unis, la Floride un peu, la Louisiane beaucoup et le sud du Texas beaucoup aussi. Le drame est épouvantable sur le plan humain d'abord, sur le plan économique ensuite. Les images projetées sur toutes les télévisions du monde nous ont montré l'horreur des situations de détresse que ces catastrophes ont provoquées. Face à ces désastres, j'ai été choqué de constater qu'en France beaucoup de voix s'étaient emparées de l'événement pour dresser des réquisitoires contre les Etats-Unis, la situation des ghettos, le manque d'organisation des secours, etc. Dans certains de ces articles, on sentait cette sorte de ressentiment antiaméricain latent, trop répandu, qui relève de la jalousie et de la bêtise. En 1900, les cyclones tuaient aux Etats-Unis 8 000 personnes tous les dix ans. Ce nombre est tombé à quelques dizaines, malgré une augmentation de la population des zones côtières, qui a été multipliée par cent grâce à un système de prévention «classique». Hélas, il n'est plus adapté à la puissance des cyclones actuels. Les scientifiques américains l'ont dit, mais n'ont pas été entendus, en particulier du gouverneur de la Louisiane. A titre de comparaison, pour resituer les choses, rappelons, cependant, qu'en 1970 un cyclone a fait 500 000 morts au Bangladesh. En 1985, après les mesures de prévention, il y eut tout de même 10 000 morts. Le plus important, et que l'on sait, est que ces phénomènes extrêmes vont continuer, ou peut-être même s'amplifier, comme le montre une récente étude publiée par la revue Science. La zone concernée comprend le sud des Etats-Unis et l'ensemble des îles des Antilles. Nous qui sommes si prompts à dénoncer l'impréparation des autres, aurions-nous fait mieux? Voilà l'interrogation. Si demain un cyclone comparable touche Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France, combien de morts? Croit-on que ce ne seront pas les quartiers pauvres qui seront les plus touchés? La réaction de la France devrait être de déclencher immédiatement une étude de simulation pour nos Antilles avec une stratégie de prévention et d'évacuation. Nous savons aussi que les cyclones vont se développer dans l'Atlantique Nord, comme on a pu le voir en 1999. A-t-on pris des dispositions pour éviter les dégâts que nous avons alors connus? Par exemple, a-t-on entrepris un programme pour enterrer les lignes à haute tension comme on l'avait annoncé? Que les périodes de crise soient des révélateurs des dysfonctionnements et des injustices sociales d'une société, c'est certain. L'Amérique devra en tenir compte pour mieux organiser l'avenir. Mais le message s'adresse aussi à nous. Le dérèglement climatique est en marche et ses effets dépassent de beaucoup la faible augmentation des températures sur laquelle on se focalise. Nous devons prendre des mesures urgentes pour organiser nos départements d'outre-mer, à commencer par les logements des plus pauvres, et les zones côtières françaises en fonction de ces menaces. Voilà le vrai «principe de précaution». Claude Allègre [email protected]