Eté 2016. Des milliers d’Amérindiens des Grandes plaines s’unissent pour défendre leur terre sacrée. Encore.
Oui encore, car la scène peut nous être familière. Déjà pendant les Guerres Indiennes de 1876, une coalition de Sioux, Cheyenne et Arapaho avait livré bataille au même endroit contre le Général Custer. Les Amérindiens appellent cette bataille « Greasy grass » ou « Jour de la Victoire », mais l’histoire officielle des USA a préféré s’en souvenir comme « Little Big Horn », le dernier combat de Custer.
Cette fois-ci toutefois, les Amérindiens ne combattent pas une occupation militaire. Ils se battent contre un pipeline pétrolier, pour protéger leur eau.
Le Dakota Access Pipeline est un projet de 3.7 Milliards de $, qui s’étend sur plus de 1500 kms, du Dakota du Nord jusqu’à l’Illinois. S’il est terminé il sera le plus gros pipeline de la région, avec une capacité de transport de plus de 500.000 barils par… jour !
Le pipeline devait au départ passer à travers la Missouri River. Mais les habitants se sont inquiétés pour leur ressource en eau. Alors le tracé fut modifié, le pipeline dérouté.
Avec ce nouveau tracé, le pipeline traverserait la rivière à 1 kilomètre en amont de la Réserve de Standing Rock au lieu-dit « Cannon ball ».
Passons sur le fait que les USA aient abusé et poussé les Amérindiens dans des réserves qui représentent à peine une fraction de leur terre ancestrale. Près de la moitié des 9000 habitants vivent dans une totale pauvreté. Ils comptent sur la rivière pour leur nourriture, leur survie, sans parler de son importance religieuse. Une construction de pipeline détruirait des terres sacrées et des cimetières dans cette région.
« Le peu qui nous reste est attaqué. » dit le chef de la réserve de Standing Rock, Dave Archambault II. « Empoisonner l’eau, c’est empoisonner la vie. Tout ce qui vit a besoin d’eau. »
« La construction de ce pipeline a été entreprise sans le consentement libre et éclairée de la tribu » note le conseil tribal dans une note adressée aux Nations Unies.
Les Sioux de Standing Rock ont d’abord essayé de porter plainte contre le corps des ingénieurs de l’US Army. Ils ont aussi collecté 200.000 signatures dans une pétition demandant la fin du chantier.
Voyant que la pétition n’a pas eu d’impact, les Amérindiens de Standing Rock se sont tournés vers les Nations Unies, invoquant une violation des droits humains contraire à la déclaration des Droits des peuples autochtones.
Le processus légal prenant du temps, les tribus s’aperçurent que leur audience était fixée au 24 aout, soit deux semaines après le début de la construction du chantier.
En dépit de leurs efforts, les travaux du pipeline ont débuté le 10 Août.
Mais il n’ira pas tellement plus loin.
Les Sioux ont alors décidé de manifester. Tout a commencé avec un camp de prière de 50 personnes, dont quelques une étaient là depuis le mois d’avril.
Dans la semaine qui suivi le début des travaux, le camp de Cannon Ball comptait déjà 1000 personnes, dont des membres de 80 tribus indiennes de tous les USA, et des militants non-Amérindiens. Au moment du jugement le campement abritait plus de 4000 personnes.
La compagnie qui finance ce pipeline, elle, était furieuse. Au départ, elle a souhaité déployer des mandats d’arrêt pour effrayer la manifestation, mais finalement elle a accepté d’attendre la décision de la cour.
Bien que ce mouvement spontané pour défendre la planète soit inspirant, la réaction de l’Etat à l’arrêt des travaux a été tout sauf enthousiaste.
L’événement le plus proche d’un conflit a été atteint quand plusieurs traditionnelles fausses charges à dos de cheval ont été simulées pour maintenir la ligne de policiers. Mais tout cela sans la moindre violence.
Malheureusement, la police et les autorités prirent ces charges simulées pour réelles. Selon les manifestants, les policiers ont confondu leurs traditionnelles pipes de cérémonie avec des cocktails molotov. Plus tard les autorités prétendront qu’un des manifestant a pointé un laser vers un avion de surveillance qui survolait le camp, entre autres accusations.
Il y eut plus de 20 arrestations. Les autorités de l’Etat du Dakota du Nord utilisèrent des fonds de secours pour faire enlever les réserves d’eau potable et de nourriture du campement.
Le 24 aout, date du jugement, un autre mouvement de protestation s’est formé, à Washington DC cette fois ci.
La Cour a finalement décidé.
De ne pas décider. Et a reporté le jugement au mois de Septembre.
Entre temps Amnesty International a décidé d’envoyer des observateurs à Sacred Stone pour valider qu’il n’y ait pas de violences policières et que le droit à l’eau, et le droit de se rassembler soit respecté.
Le mouvement reçoit depuis un soutien mondial, il devient soudain « mainstream ».
La préservation de l’environnement n’est pas juste un problème d’Amérindien. Et ce n’est pas juste le pétrole et l’eau.
L’avenir de cette planète concerne chacun de nous. C’est pourquoi ce mouvement de protestation est si important. 2016 sera une année encore plus chaude que 2015. La température ne fait qu’augmenter.
Comme le dit Dave Archambaut : « Ce n’est pas juste un problème d’indien Lakota, on se doit de parler pour tous ceux qui ne sont pas là : nos ancètres, nos enfants à naître. Nos ancêtres nous ont légué les terres sacrées. Les enfants de demain ne survivront pas sans eau. On m’a appris à laisser les choses encore mieux que quand je les ai reçues. Nous devons réagir maintenant, sinon nous laisserons un désastre derrière nous pour les générations futures. »
Mise à jour :
Le 16 Septembre un cour locale autorise la reprise des travaux. Les Amérindiens décident de casser cette décision en appel.
Les Amérindiens obtiennent toutefois une décision pour que les travaux sur les terres sacrées et le long de la Missouri River soient interdits jusqu’à la décision de la cour, le 5 octobre.
Les soutiens
Le sénateur Bernie Sanders (ancien candidat à l’investiture du Parti Démocrate US)
Bien entendu, les censeurs de Facebook ont interrompu la diffusion en direct d’une charge de la police sur des manifestants.
Le chanteur folk Neil Young vient de publier une vidéo. « Il y a une bataille sur la Terre Sacrée. J’espère que quelqu’un partagera la nouvelle. »
A suivre…
Sources.
Une partie du texte provient de l’article de Thom Dunn que vous pouvez lire ici (anglais)