Il n’est pas content. Dans un courrier (voir photos) au chef de la diplomatie américaine il détaille les motifs de cette décision radicale.
Il ne peut pas accepter que des réfugiés et des migrants soient traités de la manière que le monde entier sait à la frontière du Texas et soient renvoyés à Haïti quand dans le même temps, les responsables américains sont confinés dans des bunkers ultra sécurisés pour se protéger des gangs qui font la loi dans la vie à Haïti. Il n’admet pas non plus le soutien du gouvernement américain au premier ministre de facto Ariel Henry. La lettre est cinglante. Le ton est inhabituel mais à la hauteur de la fumisterie qu’est l’aide américaine et mondiale à Haïti depuis au moins le tremblement de terre de 2010.
Voilà l’article publié par le Nouvelliste d’Haïti à ce sujet.
En désaccord avec la politique de Washington envers Haïti, l’envoyé spécial Daniel Foote démissionne
L’envoyé spécial pour Haïti, l’ambassadeur américain Daniel Foote, sur fond de désaccord avec Washington, a présenté sa lettre de démission, avec effet immédiat, au secrétaire d’État Anthony Blinken le 22 septembre 2021. Cette démission surprise de l’ambassadeur Foote, haut cadre du service diplomatique américain, intervient deux mois exactement après sa nomination à ce poste avec pour principale mission de collaborer avec les partenaires haïtiens et internationaux en vue de faciliter la paix et la stabilité à long terme et d’appuyer les efforts visant à organiser des élections présidentielle et législatives libres et régulières.
« Avec une profonde déception et des excuses à ceux qui recherchent des changements cruciaux, je démissionne de mon poste d’envoyé spécial pour Haïti, avec effet immédiat. Je ne serai pas associé à la décision inhumaine et contre-productive des États-Unis d’expulser des milliers de réfugiés haïtiens et d’immigrants illégaux vers Haïti, un pays où les responsables américains sont confinés dans des complexes sécurisés en raison du danger que représentent les gangs armés contrôlant la vie quotidienne », a écrit mercredi Daniel Foote au chef de la diplomatie américaine fustigeant l’approche politique américaine envers Haïti qu’il juge « profondément imparfaite ».
« Mes recommandations ont été ignorées et rejetées, lorsqu’elles n’ont pas été modifiées pour projeter un récit différent du mien », a dénoncé l’ambassadeur Foote. Notons que la prise de position des principales ambassades à Port-au-Prince, y compris celle des États-Unis, en faveur du Premier ministre Ariel Henry est restée en travers de la gorge de l’envoyé spécial de Washington.
« La semaine dernière, les ambassades des États-Unis et d’autres pays ont publié une autre déclaration publique de soutien au Premier ministre de facto non élu, le Dr Ariel Henry, en tant que chef par intérim d’Haïti, et ont continué à vanter son « accord politique » au détriment d’un autre accord plus large et antérieur dirigé par la société civile. L’orgueil qui nous fait croire que nous devrions – encore une fois – choisir le gagnant est impressionnant. Ce cycle d’interventions politiques internationales en Haïti aura des conséquences désastreuses non seulement en Haïti, mais aux États-Unis et chez nos voisins de l’hémisphère », a mis en garde l’ambassadeur Foote avant de prendre parti pour le peuple haïtien qui, selon lui, est en train de vivre une « tragédie humaine supplémentaire évitable ».
« Le peuple haïtien, embourbé dans la pauvreté, otage de la terreur, des enlèvements, des vols et des massacres de gangs armés et souffrant sous un gouvernement corrompu avec des alliances de gangs, ne peut tout simplement pas supporter l’injection forcée de milliers de migrants de retour sans nourriture, sans abri et sans argent. L’État effondré est incapable d’assurer la sécurité ou les services de base, et davantage de réfugiés alimenteront le désespoir et la criminalité. L’afflux migratoire vers nos frontières ne fera qu’augmenter à mesure que nous ajouterons à la misère inacceptable d’Haïti », a précisé Daniel Foote.
Selon l’ex-envoyé spécial Foote, « les Haïtiens ont besoin d’une aide immédiate pour rétablir la capacité du gouvernement à neutraliser les gangs et rétablir l’ordre par le biais de la police nationale. Ils ont besoin d’un véritable accord entre la société et les acteurs politiques, avec un soutien international, pour tracer une voie opportune vers la sélection démocratique de leurs prochains président et Parlement. Ils ont besoin d’aide humanitaire, d’argent pour livrer les vaccins Covid et bien d’autres choses ».
« Mais, par-dessus tout, ce que nos amis haïtiens veulent vraiment, et ce dont ils ont besoin, c’est l’opportunité de tracer leur propre voie, sans marionnettes internationales et sans candidats privilégiés mais avec un véritable soutien pour cette voie. Je ne crois pas qu’Haïti puisse jouir de la stabilité tant que ses citoyens n’auront pas la dignité de vraiment choisir leurs propres dirigeants de manière juste et acceptable ».
Nommé envoyé spécial pour Haïti par l’administration Biden, le jeudi 22 juillet 2021, l’ambassadeur Daniel Foote devait travailler notamment avec des partenaires pour coordonner les efforts d’assistance dans plusieurs domaines, notamment l’aide humanitaire, la sécurité et l’enquête sur l’assassinat du président Jovenel Moïse, mobiliser les parties prenantes de la société civile et du secteur privé dans la recherche de solutions dirigées par les Haïtiens aux nombreux défis urgents auxquels Haïti est confrontée.
Le Nouvelliste