Notre Martinique s’est alors trouvée contrainte de se regarder dans une série de miroirs qui lui ont renvoyé des d’images où il s’agissait de tout redéfinir : des priorités pratiques au quotidien, des discours idéologiques confrontés à des réalités économiques de terrain, le difficile exercice d’une démocratie à revitaliser, la gestion de pulsions, surtout mauvaises hélas, qui sont remontées de l’abîme de notre inconscient à la vitesse de notre vie moderne.
Et le Balancier a repris son mouvement mécanique que notre histoire connaît si bien puisque nos plaies ont été insuffisamment cautérisées, nos douleurs insuffisamment soulagées, la terrible ambigüité de nos phobies insuffisamment prises en compte. Où donc verrait-on une désespérance si bruyamment exposée et avec tant de résolution dans les rues pour une telle indifférence de traitement au plus haut niveau de l’état ? Que dire de cette violence que nous ne connaissons que trop bien et qui nous jette l’un contre l’autre, casseurs de nos propres quartiers, vandales de nos pauvres matérialités, assassins de nos amours dérisoires ?
Ciel gris et bas d’un futur qui ne recèle pour le moment (et je ne parle que de ma seule et petite perspective) pas beaucoup d’éléments optimistes mais auquel il conviendra de s’atteler puisque le paradis se doit d’être envisagé sur terre, à hauteur humaine, dans une meilleure répartition des richesses économiques (et pour ça, retour aux idéologies ?) et dans un repositionnement de notre fonctionnement où les progrès techniques indéniables de notre « évolution » (assistés d’une réflexion critique permanente indispensable) n’ont pour l’instant que des traductions chiffrées qui n’ aident pas à se dépêtrer du carcan de l’objet-désir, de l’attraction mortifère du produit imposé-hypnotique, de la séduction de l’argent-valeur-fondamentale de nos références.
Obligation de réfléchir donc pour tout mettre à plat. Nous devrions alors pouvoir repartir à la conquête de demain pour redécouvrir la poésie de la vie, le sel des mots et des images, la mélodie de corps allant à la rencontre les uns des autres et ainsi suivre, dans la plus fantasmagoriques des utopies mais à quoi serviraient ces dernières si elles ne tutoyaient pas le rêve, la trace du Vieux : Je ne suis pas de ceux qui croient qu’une ville ne doit pas s’élever jusqu’à la catastrophe encore un tour de rein de cou d’étage ce sera le déclic du promontoire je ne suis pas de ceux qui luttent contre la propagation du taudis encore une tache de merde ce sera le marais vrai. Vrai la puissance d’une cité n’est pas en raison inverse de la saleté de ses ménagères pour moi je sais bien le panier où ne roulera jamais plus ma tête. [la forêt vierge] A. Césaire
Marius GOTTIN