Pratiques de « winback » : Utilisant les fichiers qu’elle détient en tant que gestionnaire de la quasi-totalité des boucles locales, France Télécom a concentré ses actions commerciales sur les abonnés qui avaient migré vers un opérateur concurrent afin de les faire revenir vers ses propres offres. Les éléments au dossier montrent que France Télécom leur a proposé une offre commerciale spécifique – les incitant à remplir des formulaires de résiliation de leur présélection – et n’a pas hésité à dénigrer ses concurrents.
Pratique de ciseau tarifaire sur les offres internet haut débit à la Réunion : En pratiquant des tarifs de détail qui n’étaient en aucune manière réplicables par un opérateur alternatif – puisqu’inférieurs aux prix des seules offres de réseaux nécessaires à l’élaboration de telles offres – France Télécom a empêché les opérateurs alternatifs, et particulièrement la société Mobius, de proposer des offres compétitives aux entreprises et collectivités.
Maintien de services de restriction d’appel (2) incompatibles avec la présélection d’un opérateur alternatif : parmi les autres pratiques relevées, l’Autorité a constaté que France Télécom avait tardé à mettre en place un service de restriction d’appel qui soit compatible avec la présélection d’un opérateur alternatif. Les dysfonctionnements majeurs (lignes bloquées) qui en ont résulté sont apparus aux yeux des consommateurs comme étant le résultat de leur choix du passage à la concurrence alors même que ces problèmes n’étaient nullement liés à l’opérateur alternatif mais au non respect par l’opérateur historique de prescriptions réglementaires. L’effet négatif sur les opérateurs alternatifs a été d’autant plus fort que ces pratiques, affectant des territoires de taille réduite, ont rapidement contribué à forger une mauvaise image de marque des nouveaux entrants sur le marché.
Une sanction qui tient compte de la gravité des comportements mais également de la réitération de France Télécom
Les comportements de France Télécom sont particulièrement graves car, en tant qu’opérateur historique, il lui incombe de ne pas brider une concurrence naissante en abusant de la puissance qu’il tire de son ancien monopole.
La période d’ouverture à la concurrence d’un ancien monopole est particulièrement sensible dans la mesure où les nouveaux concurrents ont généralement des ressources limitées, doivent se constituer une base de clientèle suffisante dans un secteur exigeant des coûts fixes élevés et font face à des coûts d’apprentissage importants. Par ailleurs, les consommateurs sont généralement plus méfiants concernant la qualité de services de petits opérateurs, qui ne peuvent s’appuyer sur une longue expérience ni sur une véritable notoriété.
Le dommage causé à l’économie par les pratiques de France Télécom est d’autant plus lourd que celles-ci ont affecté des territoires dans lesquels les consommateurs disposent de revenus relativement faibles et pour lesquels les services de communications électroniques revêtent une importance particulière compte tenu de l’enclavement insulaire qui peut constituer un handicap sensible au développement de l’économie locale.
L’Autorité de la concurrence a augmenté la sanction encourue de 50% car elle avait dans le passé constaté des infractions similaires de la part de France Télécom (réitération : voir notamment les décisions 01-D-46 et 05-D-59). Elle a en revanche diminué de 20% le montant de l’amende afin de tenir compte de ce que France Télécom n’a pas contesté les faits qui lui étaient reprochés et s’est engagé à modifier ses comportements afin de prévenir et d’éviter dans le futur des pratiques commerciales de la même nature que celles sanctionnées aujourd’hui (non contestation des griefs).
(1) Les deux sociétés ont retiré leur plainte en 2009, mais la procédure a suivi son cours.
(2) Les services de restriction d’appel font partie des prestations du service téléphonique universel et sont à ce titre assurés par France Télécom. Ils sont très utilisés dans les DOM, notamment en raison du coût élevé des appels entre les DOM et la métropole. »