par Sandrine Saint-Aimé
Le Gouvernement socialiste a déposé un projet de loi de Décentralisation et de Réforme de l’Action Publique (DRAP) appelé couramment Décentralisation Acte III qui doit être présenté en Conseil des Ministres le 10 Avril 2013.
Le 2 Avril 2013, les élus du Conseil régional de Martinique devaient examiner en séance Plénière ce projet de loi qui leur était soumis pour avis, mais le Premier Ministre ayant annoncé le matin même la modification de cette grande réforme sur la décentralisation, ils n’ont pu se prononcer.
En effet, ce projet ayant été critiqué de manière quasi unanime par les élus, le Premier Ministre Jean-Marc AYRAULT a annoncé que le Gouvernement allait d’une part, modifier le projet de loi initial et présenter trois textes distincts ( » il y aura trois parties dans ce texte. La première sera consacrée aux grandes métropoles Paris, Lyon et Marseille, mais aussi les grandes métropoles de province et les grandes villes. La deuxième partie concernera les régions, et puis un troisième texte se consacrera à la solidarité territoriale, qui concerne notamment l’avenir des départements, des communes et des intercommunalités. ») et, d’autre part, reporter le calendrier d’examen de ces textes par le Parlement.
« C’est un texte d’ensemble qui sera présenté le 10 Avril au Conseil des ministres, et nous commencerons par en quelque sorte un premier étage qui est celui des grandes métropoles, un deuxième texte en octobre sur les régions, et ensuite viendra (celui sur) les solidarités territoriales », a-t-il dit.
Il est à noter que le projet initial d’Acte III de la décentralisation ne faisait pas grand cas des Outre-mer.
Nassimah DINDAR, Présidente du Conseil Général de La Réunion et Présidente de la Commission Outre-mer de l’ADF (Assemblée des Départements de France), relève dans une tribune en date du 19 Mars 2013 que les Outre-mer sont les « oubliés » du projet d’Acte III de la décentralisation et propose l’élaboration d’un « pacte de gouvernance territoriale spécifique à chaque Outre-mer ».
Louis BOUTRIN a très justement souligné lors de son intervention au nom du groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants lors de la séance plénière du Conseil régional de Martinique du 2 Avril 2013 que, sur les 204 pages que ce projet contient, il ne cite la Martinique que 3 fois (pages 69 – 100 – 106) sans qu’il ne soit fait référence à la loi N° 2011-884 du 27 Juillet 2011 relative aux Collectivités territoriales de Guyane et de Martinique qui met en œuvre l’évolution institutionnelle voulue par les électeurs martiniquais le 24 Janvier 2010.
Au nom du groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants, Louis BOUTRIN a souhaité une loi-cadre pour la Martinique tenant compte des intérêts propres de la Collectivité de Martinique.
Si les élus régionaux de Martinique n’ont pas pu donner leur avis sur le projet d’Acte III de la décentralisation qui sera retoqué par le Gouvernement, ils ont néanmoins longuement débattu sur ce projet de loi initial et ont adopté, à l’unanimité, une résolution.
Dans cette résolution, les élus régionaux prévoient que les deux collectivités (régionale et départementale) se réunissent en Congrès au cours duquel les élus régionaux et départementaux demanderont :
– une compétence nouvelle « avec la mise en place d’un cadre expérimental pour le développement durable au sein duquel les blocs de compétence idoines seraient demandés »
– et une série d’habilitations dans différents secteurs
Ils indiquent également dans cette résolution que le Congrès serait l’opportunité pour les élus de se positionner sur l’Autorité Organisatrice des Transports en Martinique.
Cette résolution montre qu’il y a une évolution du positionnement du groupe Ensemble pour une Martinique Nouvelle (EPMN) qui, finalement, se rallie à ce que les patriotes et alliés réclament depuis des années : des compétences nouvelles ainsi que la mise en place d’une autorité unique organisatrice du transport à la Martinique, avec un périmètre unique de transport.
Il convient en effet de rappeler que le groupe EPMN avait fait campagne contre le choix d’une Collectivité unique dans le cadre de l’article 74 de la Constitution, avec des compétences nouvelles.
Par ailleurs cette résolution des élus régionaux montre les limites des habilitations dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, lequel prévoit en son troisième alinéa que : » Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. « .
En effet, le Conseil régional de Martinique prévoit dans sa résolution que le Congrès demande une série d’habilitations parmi lesquelles une habilitation dans le secteur Energie.
Or, la collectivité régionale a pris le 15 Mars 2011 une délibération n° 11-287-1 portant demande d’habilitation énergie (JORF n°0097 du 24 Avril 2011 page 7343 – texte n° 38), et, suite à un amendement du député Serge LETCHIMY, l’article 18 de la loi n° 2011-884 du 27 Juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique (JORF n°0173 du 28 Juillet 2011 page 12821 – texte n° 2) a été adopté et dispose :
« Pour une durée de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le conseil régional de la Martinique est habilité, en application du troisième alinéa de l’article 73 de la Constitution et des articles LO 4435-2 à LO 4435-12 du code général des collectivités territoriales, à fixer des règles spécifiques à la Martinique en matière de maîtrise de la demande d’énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiments et de développement des énergies renouvelables, dans les limites prévues dans sa délibération n° 11-287-1 du 15 mars 2011 publiée au Journal officiel du 24 avril 2011.
En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, la puissance installée des nouvelles installations ainsi que les conditions locales de rachat font l’objet d’un avis préalable du ministre chargé de l’énergie dans un délai maximal de trois mois à compter de sa saisine par le conseil régional de Martinique. »
Jusqu’à ce jour l’habilitation énergie obtenue le 28 Juillet 2011 n’a pas eu d’effet.
C’est la raison pour laquelle Serge LETCHIMY souhaite que le Congrès des élus régionaux et départementaux demande une nouvelle habilitation dans le secteur de l’énergie.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’autorité organisatrice unique de transport, il s’agit d’une revendication ancienne des patriotes et alliés, à laquelle Serge LETCHIMY s’est opposé bloquant ainsi, pendant plusieurs années, le développement du transport à la Martinique (lire à ce sujet l’article publié sur le site La Parole au Peuple : http://www.laparoleaupeuple.org/spip.php?article208 )
Dans son intervention au nom du groupe des Patriotes Martiniquais et Sympathisants lors de la séance plénière du Conseil régional de Martinique du 2 Avril 2013, Louis BOUTRIN a renouvelé ce souhait des élus patriotes et alliés et proposé notamment que la Collectivité de Martinique soit Autorité Organisatrice de Transports :
» Les articles 5, 6, 7 et 8 viennent renforcer considérablement la compétence transport des Régions qui, en plus du Schéma Régional des Infrastructures de Transport (SRIT), auront à organiser et à coordonner les services de transport public et de mobilité offerts aux usagers, à travers notamment la création d’un schéma régional de l’intermodalité.
C’est l’occasion pour nous :
– De demander que la Collectivité de Martinique soit Autorité Organisatrice de Transports
– De réaffirmer notre volonté de définir un périmètre unique de transport sur l’ensemble de la Martinique
– D’inclure le transport maritime de passagers dans ce schéma régional de l’intermodalité (l’article 9 du projet de loi qui prévoit des adaptations pour la Corse et les Régions d’Outre-Mer va d’ailleurs dans ce sens)
– D’introduire une demande pour que la Collectivité de Martinique, nouvelle AOT, puisse instaurer le VT (versement transport) »
A lire au lien suivant : http://www.latribunedesantilles.net/index.php?option=com_content&task=view&id=3876&Itemid=1
Il faut saluer l’adoption de la résolution du Conseil régional de Martinique à l’unanimité des élus.
Enfin, les élus toutes tendances politiques confondues s’unissent pour les intérêts supérieurs de la Martinique.
On peut néanmoins regretter que la Martinique ait perdu une décennie puisqu’en 2003, les élus majoritaires de l’époque réclamaient déjà une collectivité unique avec des compétences nouvelles dont la compétence transport.
A cause des oppositions systématiques d’une certaine partie des élus, au lieu d’avoir une collectivité unique avec des compétences supplémentaires, les élus de Martinique devront, à chaque fois qu’ils voudront obtenir une compétence qu’ils ne détiennent pas, « quémander » auprès du Gouvernement des habilitations temporaires sans aucune garantie de les obtenir…