Trois questions à Suzanne Dracius, marraine de l’événement
Suzanne Dracius, quelles sont, de nos jours, les traces de la poésie ?
Les traces de la poésie sont non seulement dans l’art, mais dans la vie : « C’est l’humain en nous que la poésie doit pouvoir sortir de sa gangue invisible pour le rendre immortel », déclarait Stéphane Hessel, disparu le 27 février. Requiescat in pace, en une éternelle paix indignée : cet oxymore s’impose, pour la poésie d’aujourd’hui. Contrairement à ce que l’on peut penser, la poésie est vivace, ses survivances sont même dans la chanson populaire, où subsistent les rimes et le rythme — termes qui, étymologiquement, proviennent du même mot grec « rythmos ». Certes, en littérature le genre a moins la cote, cependant j’ai entendu des lecteurs amateurs de mes romans avouer qu’ils ne lisaient pas de poésie d’ordinaire, mais avaient été séduits par mon recueil Exquise déréliction métisse. À l’instar de M. Jourdain faisant de la prose sans le savoir, ils aimaient la poésie à leur insu…
Vous êtes une romancière, dramaturge et poète reconnue, avec vos ouvrages traduits dans plusieurs langues, quel était le regard de Césaire sur vos écrits et quel est le vôtre sur le sien ?
Nous sommes tous deux volcaniquement martiniquais, professeurs de latin et grec, et, dans nos écritures respectives, il y en a des traces prégnantes… La poésie césairienne et la Négritude sont pour moi fondatrices ; même si nos combats sont différents, nos plumes sont rebelles, tentant d’œuvrer pour un véritable humanisme : « Marronner, il faut marronner », dixit le « Nègre fondamental » gréco-latin, qui lisait avec bienveillance mon écriture de « calazaza » gréco-latine, ainsi qu’en atteste cette dédicace que Césaire écrivit à ma mère : « À Elmire Dracius, que la Martinique remercie entre autres choses d’avoir mis au jour la poésie, la vraie : Suzanne ! Merci ! » Le grand homme tint à ce que cet éloge figure dans notre entretien publié dans Prosopopées urbaines. Scripta manent…
Mettre en exergue la poésie de Césaire dans l’événement du samedi 9 mars par des lectures publiques, à quoi ça sert ?
À apporter à tous, de façon surprenante, la poésie dans l’espace public. C’est un peu la volonté du Printemps des Poètes — initié il y a quelques années par le ministre de la Culture de l’époque, Jack Lang, à l’image d’un autre événement, très populaire, lui, la Fête de la Musique —, faire descendre la poésie dans des lieux où on ne l’attend sans doute pas. Tout événement insolite suscite la curiosité, surtout lorsqu’il est ludique, donc les gens deviennent réceptifs.
Rendez-vous samedi 9 mars 2013 sur l’esplanade devant la bibliothèque Schœlcher à Fort-de-France.