D’où la fameuse phrase qu’aurait prononé Laurent Blanc : « Les Espagnols, ils disent : Nous, on n’a pas de problème. Des Blacks, on n’en a pas ».
L’Italie, aussi médiocre sur le terrain que les Bleus, n’avait-elle pas donné l’exemple en refusant d’intégrer Mario Balotelli, malgré ses bonnes prestations en club ?
Ce dernier aurait cependant pu jouer avec le Ghana s’il avait opté pour son pays d’origine, mais il a préféré décliner l’offre car il souhaite, malgré tout, endosser le maillot de la Squadra Azura.
Faut-il le redire ? Si l’équipe de France, avec ces grands « Blacks », avait brillé en Afrique du Sud, la question des quotas n’aurait jamais été évoquée. Comme si les sportifs noirs étaient condamnés à gagner pour justifier leur appartenance à ce pays. C’est bien connu, quand Noah l’emportait, il était français, quand il perdait, il redevenait camerounais.
Yannick Noah, parlons-en. Un vrai binational celui-là. A-t-il opté pour le Cameroun lorsqu’il avait à choisir ? Non. Son fils Joachim, né d’une mère suédoise, a également opté pour l’équipe de France de basket, alors qu’il porte les couleurs des Chicago Bulls. De ce côté-ci de l’Atlantique, on n’a pas trouvé à redire.
Comme les Noah, les footballeurs binationaux, formés ici, ont souvent fait le choix du cœur, celui de l’équipe de France. Les meilleurs choisissent toujours en effet d’évoluer en bleu, à l’image de Zidane, Benzema, Nasri, M’Vila, ou Diarra.
Détail paradoxal, ce que la France du football reproche aux autres nations, elle n’hésite pas à le pratiquer avec les joueurs venus d’ailleurs.
Tout récemment, les dirigeants français se sont livrés à un bras de fer avec la fédération argentine pour enrôler Gonzalo Higuain, sous le prétexte que ce jeune et talentueux footballeur était né en France, même s’il en est parti très tôt.
Autre joueur de la filière argentine, David Trézéguet a fait les beaux jours des Bleus, malgré son doux accent argentin. Enzo Zidane, fils de Zinedine, est lui aussi convoité par les dirigeants français qui ne se soucient pas qu’il ait été formé au Real Madrid.
Toute cette affaire révèle en réalité un travers de la société française. Il est symptomatique en effet de voir qu’on est systématiquement accusé de porter atteinte à la République dès qu’on évoque des quotas pour favoriser la diversité dans certains métiers, alors qu’on franchit allègrement le pas dans un milieu où on estime que les minorités sont surreprésentées.
On ose même des statistiques puisque les dirigeants du football français ne se privent pas d’évoquer un chiffre de 30% de joueurs binationaux dans les pôles de formation.
Que dire enfin des propos sur les joueurs noirs, tenus par les cadres du football français, qui ne voient en eux que des « grands, costauds, puissants », juste bons pour leur physique, mais incapables in fine d’organiser le jeu comme leurs coéquipiers blancs.
Cela ramène à une anecdote qui remonte à la Coupe du monde de 1950. Le Brésil avait perdu la finale à domicile à cause de son gardien noir, Moacir Barbosa, qui, gêné par le soleil, avait encaissé un but fatal à la Seleção.
À cause de cette erreur, comme il s’en produit des dizaines sur tous les stades de la planète, on avait considéré, à tort, jusqu’à la sélection de Dida, dans les années 90, qu’un Noir n’avait pas le sang-froid nécessaire pour garder les buts brésiliens.
La France était, à l’inverse, aux avant-postes, puisque dès 1931, Raoul Diagne, Sénégalais de naissance, défendait les buts tricolores. C’était le début de l’aventure Blacks, Blancs, Beurs, qui devait déboucher, soixante-sept ans plus tard, sur la victoire de 1998.
Une victoire, symbole d’une fraternité sans cesse à construire dans ce pays, cette fraternité qu’il importe aujourd’hui de sauver dans le football français.
Mathieu Méranville/Serge Bilé
Journalistes et écrivains