Par Francis Carole.
Une fois de plus la chambre régionale des comptes de la #Martinique, en sa séance du 19 décembre 2018, a mis l’accent sur l’absence de sincérité du budget de la ville de Fort-de-France.
Bien entendu, nous ne nous réjouissons pas de cette situation. Mais comment ne pas mettre en relation les graves errements de gestion des fonds publics de la «Ville-capitale » avec les leçons de bonnes pratiques budgétaires que les élus du PPM – les mêmes que ceux de Foyal- dispensent à longueur de plénières à la CTM ? Comment ne pas s’interroger sur tant de toupet ?
Le rapport de la Chambre Régionale des comptes met en évidence des faits qui révèlent un véritable plan de falsification des comptes. D’ailleurs, dans sa conférence de presse de ce samedi 12 janvier, le maire a eu toutes les difficultés du monde à défendre la transparence de son budget.
On peut comprendre son embarras lorsqu’on analyse les dérives dénoncées par la chambre régionale des comptes :
🔸 au budget annexe SERMAC, « les résultats de clôture du budget annexe ne sont pas exactement repris du compte de gestion de 2017 ; que ceux-ci sont en réalité de -309 688,66 € en fonctionnement et de 97 897,79 € en investissement »;
🔸sur l’amortissement d’études à la section de fonctionnement du budget principal, « la commune a inscrit à son actif 5,14 M€ de frais d’études ; que la plupart des études concernées ne sont pas récentes et n’ont pas été suivies de réalisation ; qu’il convient dès lors de les amortir à hauteur, au minimum, d’un cinquième par année, soit environ 1 M€ ; que la ville n’a inscrit que 133 199 € au titre de ces amortissements ; qu’une dotation de 867 000 € doit être prévue pour l’amortissement de ces biens immatériels » ;
🔸sur les immobilisations relatives aux réseaux d’eau et d’assainissement « la commune détient dans son actif (compte 2153) des réseaux d’eau pour une valeur historique de 17,89 M€, et d’assainissement pour une valeur de 34,6 M€ ; que ces biens, utilisés par la régie des eaux ODYSSI, sont des biens productifs de revenu affectés à un SPIC ; qu’ils doivent donc être amortis en application de l’article R. 2321-1 du CGCT, au moins pour la partie des biens acquis après le 1er janvier 1996 et tant qu’ils ne sont pas affectés à l’entité bénéficiaire, y compris en rattrapant les retards d’amortissement; qu’il convient donc d’inscrire 20,28M€ en restes à réaliser au 31 décembre 2017, correspondant à l’amortissement des biens destinés à la gestion de l’eau potable sur 35 ans et des biens destinés au service d’assainissement sur 55 ans » ;
🔸sur les provisions, « la commune n’a inscrit aucune provision pour litige (chapitre 68) alors que des contentieux sont en cours ; que l’enjeu total de ces litiges s’élèvent à 980 000 € et qu’il convient d’inscrire cette somme en provision pour risques »;
🔸sur les créances irrécouvrables, « le montant des restes à recouvrer détenus par la ville de Fort-de- France s’élevaient à 30,67 M€ au 14 décembre 2018 ; qu’il incombe à la collectivité de faire apparaître dans les comptes les risques afférents à ces créances et à mettre en place les provisions nécessaires »;
« la ville n’inscrit presqu’aucun crédit pour couvrir les pertes sur créances irrécouvrables en dépit des relances du comptable ; que, depuis 2012, elle n’a inscrit que 54 261 €, en 2014 ; que les créances irrécouvrables sont celles dont l’action en recouvrement est prescrite ; qu’elles comprennent des créances parfois anciennes de près de 30 ans ou des créances qui ont fait l’objet d’une opposition à tiers détenteur (OTD) parfois ancienne de plus de quatre ans, émise alors que l’action en recouvrement était déjà prescrite ; que ces créances ont fait l’objet de titres émis en 2010 ou antérieurement ; que le montant de ces créances prescrites peut être évalué à 9,54 M€, ainsi que détaillé dans le tableau suivant » ;
🔸sur les dettes sociales « jusqu’au 1er janvier 2017, il appartenait à la commune de Fort-de-France comme aux autres collectivités territoriales d’outre-mer, de verser directement des prestations familiales légales à leurs agents de droit public en activité ; que, chaque année, une régularisation était opérée entre les montants versés par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) sur la base du taux et de l’assiette des cotisations indiqués par la CNAF et le montant des prestations familiales versées directement par ces collectivités à leurs agents ; que cette régularisation se faisait sous la forme d’une facture de la CNAF à la collectivité ; qu’à partir du 1er janvier 2017, les cotisations à la CNAF sont mandatées avec les salaires et les prestations adressées directement par la CAF »;
« depuis de nombreuses années, la ville de Fort-de-France n’a ni mandaté ni payé les factures dues à la CNAF ; que, malgré les propositions de plan d’apurement sur trois ans proposées par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), gestionnaire de ces fonds, aucun accord n’a pu être trouvé ; qu’au 31 décembre 2014, la dette était de 13 106 717 € ; que le solde dû au titre des années 2015 et 2016 s’élève, respectivement, à 1 815 815 € et à 1 795 324 € ; que la dette actualisée s’élevait au 31 décembre 2016 à 16 717 846 € ; que la ville a mandaté en 2018 les sommes de 919355,59€ (mandat 5658), correspondant à la dette de l’année 2005, et de 1 002 125,62 € correspondant à la dette de l’année 2006 ; qu’il appartient à la ville de Fort-de-France d’inscrire en restes à réaliser la différence entre la dette et les sommes mandatées, soit 14 796 366 €, c’est-à-dire la totalité de la dette exigible, un protocole de paiement – qui relève de l’autorité du comptable – ne pouvant porter, le cas échéant, que sur l’échéancier des versements »;
« la découverte de ces charges non comptabilisées se traduit par une augmentation des dépenses restant à réaliser de 46 467 794,68 € »;
🔸pour la section d’investissement, les restes à réaliser en recettes d’investissement, au 31 décembre 2017, ont été arrêtés par la commune à 17 571 322,64 € ; qu’au regard de leur justification initiale, de la durée de validité des conventions de subventions qui les fondent, du caractère achevé ou non des travaux qu’ils concernent, le montant des subventions attendues est surévalué de 5,2 M€ »;
🔸en dépenses d’investissement « la ville n’a pas inscrit suffisamment de crédits pour l’augmentation du financement de sa participation aux opérations sous concession de la SEMAFF ; qu’il convient donc que la ville inscrive 3,7 M€ au titre des mesures nouvelles de 2018 sur le compte 238 » ;
🔸 « les ressources propres de la section d’investissement du budget principal, ne permettent pas de couvrir l’annuité de la dette en capital ».
👉🏿La Chambre Régionale des Comptes conclut que selon « les corrections effectuées par elle, le budget principal de 2018 est en déséquilibre de – 55 839 382,35 € dont – 48 388 175,68 € pour la section de fonctionnement et – 7 451 206,67 € pour la section d’investissement ».
Sur le budget annexe corrigé par la chambre, selon « les corrections effectuées par la chambre, le budget annexe « SERMAC » de 2018 est en suréquilibre de 8 609,96 €, constitué d’un déséquilibre de – 34 314,38 € pour la section de fonctionnement et d’un suréquilibre de 42 924,34 € pour la section d’investissement, comme le montre le tableau ci-après. »
👉🏿La Chambre indique les « mesures de redressement nécessaires en ces termes :
« CONSIDERANT, sous toute réserve tenant à la possible non-exhaustivité des insincérités relevées, qu’après correction par la chambre, le budget principal de la commune de Fort-de-France présente un déséquilibre de -55839382,35€ dont – 48 388 175,68 € en section de fonctionnement et – 7 451 206,67 € en investissement ; qu’il est trop tard, au jour du présent avis, pour mettre en œuvre des mesures de retour à équilibre d’ici à la fin de 2018, mesures qui devront, en outre, s’étaler sur plusieurs exercices au vu de l’ampleur du déséquilibre à résorber ; que la première voie de rétablissement à engager dès à présent consiste à réduire les dépenses de fonctionnement. »
CONSIDERANT qu’après correction par la chambre, le budget annexe « SERMAC » de Fort-de-France présente un déséquilibre positif de 8 609,96 € ;
CONSIDERANT que l’ensemble des corrections et des propositions contenues dans le présent avis ont fait l’objet, au cours de l’instruction, de la contradiction prévue par les normes professionnelles des juridictions financières, à l’article VI-17 ;
PAR CES MOTIFS,
1) DECLARE recevable la saisine du préfet de la Martinique ;
2) CONSTATE que le budget primitif de 2018 de la commune de Fort-de-France a été voté avec un déséquilibre, après corrections par la chambre, de – 55 839 382,35 € pour le budget principal, et un suréquilibre de 8 609,96 € pour le budget annexe « SERMAC » ;
3) DEMANDE au conseil municipal de rectifier, dpppans un délai d’un mois, son budget primitif de 2018 en adoptant les mesures préconisées par le présent avis, détaillées en annexe ;
6) DEMANDE à la commune d’adresser à la chambre régionale des comptes la nouvelle délibération dans le délai de huit jours après son adoption ;
6) RAPPELLE qu’en application de l’article L. 1612-19 du code général des collectivités territoriales, « les assemblées délibérantes sont tenues informées dès leur plus proche réunion des avis formulés par la chambre régionale des comptes et des arrêtés pris par le représentant de l’Etat » ;
7) DEMANDE en conséquence à la collectivité de faire connaître à la chambre la date de cette réunion et de l’accomplissement de cette obligation ;
8) DIT que le présent avis sera notifié au préfet de la Martinique, au maire de Fort-de-France et au directeur régional des finances publiques. »
Ce rapport confirme donc les doutes que nous n’avons jamais cessé d’exprimer sur la sincérité du budget de la ville de Fort-de-France.
Francis CAROLE
MARTINIQUE
Samedi 12 janvier 2019