En France, en Europe et dans le monde, l’explosion de janvier 2009, en Guadeloupe et en Martinique, avait ébranlé les plus grandes certitudes. Un peuple s’était dressé contre la vie chère, pour des infrastructures publiques, pour la santé et l’instruction, pour le respect des droits syndicaux et de la culture créole. L’Etat français avait fini par signer un accord limitant les prix, que les grandes sociétés de distribution avaient dû contresigner elles aussi. Parallèlement, la répression, selon les modalités qui prévalurent en 1954 et en 1967, s’abattait sur les syndicalistes de l’UGTG (Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe), force motrice du LKP. Les accords de 2009 ne sont pas respectés et la vie est toujours plus chère, tandis que les procès s’abattent sur les militants, parfois assimilés à des terroristes. En France, nul ne connaît le sort de ces syndicalistes.
Michel Sidoroff a souhaité rencontrer les acteurs de ce mouvement: 70 d’entre eux sont actuellement en procès. La rencontre avec ces militants, hommes et femmes d’une grande humanité et poésie, lui permit de tisser le « lyannaj » avec l’âme profonde de la Guadeloupe. Lyannaj, le lien, le tissage, l’alliance, ce mot créole fut à l’origine du LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon), qui rassembla les forces vives de la nation guadeloupéenne.
Venu avec d’autres écrivains sur un cargo de la ligne France-Antilles, Michel Sidoroff a vu s’ouvrir les containers sous l’œil « avide » des grands békés, tandis qu’on envoyait dans les boutiques de l’île tous les rebuts de l’Europe, ces produits à bas prix qu’ici l’on vendrait le double ou le triple, pour le bonheur de la pwofitasyon. « Ce bateau, que je quittais pour ces rivages et ces montagnes de rêve, je savais qu’il repartirait rempli de bananes calibrées tout exprès pour un marché dont les Guadeloupéens, non seulement ne tireraient aucun bénéfice, mais qui provoquerait jour après jour l’appauvrissement de leur terre et de ses enfants, selon un mécanisme instauré depuis l’esclavage, adapté au salariat sans droits de la période coloniale, mais contesté depuis des décennies par des ouvriers et des employés de plus en plus organisés. » MS
La nature de Guadeloupe est souvent un décor pour touristes, alors qu’elle pourrait fournir à ses enfants les plus beaux fruits de la terre. Mais dans ce décor même, un volcan à peine sommeillant gronde jour et nuit, métaphore d’un peuple indocile, insoumis : surveiller un volcan n’a jamais empêché qu’il explose.
Production et réalisation : Michel Sidoroff
Prise de son : Fabien Capel
(Source France Culture)