Les choses sont maintenant claires. Les petites phrases assassines lancées ou distillées sous le sceau de la confidence deviennent audibles. La guerre, jusqu?alors larvée, enbafèy, est publiquement déclarée. D?abord il y a eu l?assaut de Camille Darsières dans la presse. La réponse de Claude Lise est sans ambiguïté. Ça va saigner. Les bons offices de Léon Zami, qui tente de rabibocher les uns et les autres, ne pourront rien contre la fracture, abyssale, qui existe aujourd?hui entre le courant des refondateurs Lise/Cayol et celui des orthodoxes de Darsière/Letchimy. Un peu d?histoire Les premières manifestations publiques, en tout cas la preuve affichée que Claude Lise n?est pas spécialement apprécié au sein de son parti, éclatent au grand jour en 1989, lors de l?élection du président du Conseil Général. Auparavant, il se susurrait que, transfuge du parti socialiste, il ne faisait pas partie du noyau, du premier cercle autour des pères fondateurs. Mais bon, d?autres, et des illustres comme Edouard de Lépine ou Edouard Jean-Elie, avaient bien rallié le parti qui avait le vent en poupe dans ces années là. Ce jour là, l?assemblée était partagée égalitairement entre 22 conseillers généraux de droite et 22 de gauche. Et Alfred Marie-Jeanne. En marge et isolé tout en haut de l'hémicycle à l?avenue des Caraïbes depuis plusieurs années, il votait toujours blanc à tout. La droite présenta Emile Maurice, doyen d?âge et président sortant. En face, Camille Darsière, président du groupe PPM au Conseil Général, groupe dominant, présenta George Elisabeth, conseiller général divers gauche de Rivière Salée et très vieil ennemi de Alfred Marie-Jeanne, actuel président du Conseil Régional. Après un premier tour qui donna 22 voix pour Emile Maurice, 22 voix pour George Elisabeth et 1 bulletin blanc, Alfred Marie Jeanne fit une explication de vote et indiqua qu?il était prêt à exprimer son vote si le groupe PPM présentait Claude Lise. C?est d?ailleurs ce jour là qu?il lança son fameux « blan douvan blan dèyè » en exhibant son bulletin de vote aux caméras en se dirigeant vers l?urne, alors que le scrutin était secret. Vingt quatre ans plus tard, Fred Lordinot, féroce anti-indépendantiste, comme un clin d?oeil à l?histoire, fera de même pour l?élection de Claude Lise en avril 2004. L?histoire retiendra que par trois fois Camille Darsière s?entêta à présenter George Elisabeth. Par trois fois le score fut identique. Emile Maurice fut élu, comme prévu, au bénéfice de l?âge et fit trois ans de plus à la tête du Conseil Général. Les témoins de l?époque se souviennent du stoïcisme de Claude Lise, imperturbable, sans mouvement d?humeur ou d?agacement, assis droit à sa place, s?alignant sur la discipline du parti, refusant toute déclaration après ce scrutin qui laissa beaucoup d?amertume et d?incompréhension. La pensée unique de l?époque, celle encore qui aujourd'hui interdit dans ce pays toute analyse critique sous peine de sanction visible et invisible, celle qui bâillonne l?opinion publique, fit que personne ne critiqua dans la presse ou ailleurs la stratégie fratricide de Camille Darsière. Les ferments de la discorde et de la fracture actuelle étaient semés. Prochain épisode : la bataille pour le secrétariat général du PPM. P. 38