Par Arlette PACQUIT.
En 1998 paraissait la troisième édition d’un livre réquisitoire sur les békés de Guy Cabort-Masson intitulé « Les puissances d’argent en Martinique » sous titré « Le nouveau leadership béké 1981-19913 »
En février 2009 retentit le slogan « an bann bétché volè, nou key fouté yo dewo » repris par 30 000 personnes battant le pavé des rues de Fort-de-France, pour dénoncer la PWOFITATION.
« Le nouveau leadership béké », serait-il un ouvrage prémonitoire ?
Nullement. Puisqu’il s’agirait de détecter des signes avant-coureurs d’un phénomène, là où, pour Guy Cabort-Masson, ces signes sont structurellement présents.
Dans l’œuvre de Guy Cabort-Masson et plus particulièrement dans cet essai, l’auteur n’a de cesse de démonter les mécanismes des rapports économiques, des mécanismes qui trouvent leur fondement dans la société d’habitation :
« La Plantation n’est pas une écharde dans un corps martiniquais préexistant… La #Martinique est le produit, la fille de la Plantation…La Plantation est le développement ».
La Plantation, un marqueur qualifié de « Matrice Economique ».
A l’origine des colons, grands propriétaires appelés Békés, qui ont reçu du pouvoir la commande d’asseoir une production exclusivement tournée vers la Métropole :
Hier le tabac, le café, le cacao, le sucre. Aujourd’hui le rhum et la banane.
Pour ce qui est de l’alimentation, confinée à des terres exigües prêtées aux esclaves, elle s’appuie sur une agriculture de survie.
D’un côté la grande économie, reconnue, officielle, qui n’a pas vocation à nourrir la population.
De l’autre, une économie clandestine, accessoire, même si vitale. L’esclave ne peut cultiver ces terres que sur son temps libre, « une forme de servage au sein de l’esclavage ».
« C’est la première forme d’approche du Martiniquais à la terre sous une forme individualisée. ATTENTION. Non pas privée mais individuelle… »
« Il n’y a ni possession de la terre, ni complicité avec la terre, ni espoir de la terre. Il y a chez les Martiniquais le sentiment obscur d’être littéralement de passage sur la terre »
écrivait Edouard GLISSANT dans le « Le Discours Antillais »
Le travail de la terre pour une production endogène est donc considéré comme une activité d’appoint.
Quelle est la conséquence de cette « matrice économique » marquée du sceau de l’esclavage et de la colonie ?
Guy Cabort-Masson se livre à une véritable autopsie des traces de l’économie de Plantation.
Ce rapport à la terre aurait accouché d’une paysannerie mort-née, puisqu’elle n’est pas issue d’une lutte :
« La mentalité paysanne est une mentalité de lutte, lutte pour améliorer la terre, lutte pour conserver la terre et l’agrandir… N’est ce pas la paysannerie qui a fourni l’essentiel de la piétaille militaire…puisqu’elle sait pourquoi elle se bat : la terre, racine de toute richesse..Rien de toute cette vocation chez le petit ou moyen propriétaire de terre en Martinique »
Un point de vue nuancé plus avant dans l’ouvrage précité.
L’auteur mettra beaucoup d’espoir dans l’occupation des terres menée par de jeunes agriculteurs en 1982. Mais cette réalité n’invalide pas son analyse globale.
Si les anciens esclaves sont devenus au fur et à mesure propriétaires de leurs parcelles, et même pour certains, d’espaces plus étendues, le système est resté le même :
« Il leur a imposé une limite : ne pas produire en priorité pour le marché local à conquérir mais exactement dans le sillage et sous la coupe de la caste béké. Autrement dit les moyens cultivateurs martiniquais sont dans les cultures d’exportation et au service du marché étranger…Et c’est le consommateur qui va au marché qui en fait les frais… »
L’auteur interroge aussi l’application de la diversification agricole en Martinique.
Il y a, selon lui, un consensus historique et tacite entre les békés, certains moyens propriétaires et les autres travailleurs de la terre.
Aux uns, l’agriculture moderne et exportatrice, une agriculture qui draine la quasi totalité des subventions françaises ou européennes. Aux autres, le marché intérieur, l’économie domestique « une agriculture grevée par les conditions de crédit et de commercialisation… »
Pour augmenter le volume de la production de bouche et aider aux transferts de technologie suffit-il que les collectivités locales fassent l’acquisition de terres ?
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire ANTILLA, voici l’analyse de cette plume rebelle : « Très bien. Si ces terres sont remises à titre privé à des Martiniquais, en deux générations, ces terres auront disparu sous le béton familial. Si ces terres sont livrées à des paresseux-planteurs de banane, alors ces terres seront pour l’étranger et pas pour la consommation nationale »
Guy Cabort-Masson anticipant :
La pression des agriculteurs sur les maires pour faire déclasser leurs terres ?
La pression de grands groupes pour l’implantation de fermes photovoltaïques ?
Les conclusions de la cour des comptes en 2011?
La grogne récurrente des moyens planteurs dénonçant « les gros mordants » ?
Celle de l’OPAM, Organisation Patriotique des Agriculteurs Martiniquais dénonçant en février 2011 la discrimination entre « les indigènes et les autres ? »
Guy Cabort-Masson, théoricien de la crise de février 2009 dénonçant la vie chère, à titre posthume ?
Le recours à l’Etat situé à 8000km serait une sorte de marronage avec comme objectif de trouver une alternative au pouvoir économique béké. Une demande d’arbitrage de l’Etat et un rappel de son rôle de garant de l’équité…
Un double langage à l’œuvre « langage léniniste pour s’opposer au béké… Langage servile vis -à -vis de l’Etat Français républicain et généreux…Un piège puisque les békés sont par ailleurs les garants ultimes du maintien » de cette structure dénoncée.
La Plantation serait aussi la matrice politique.
Même si Guy Cabort-Masson ne l’exprime pas comme telle, avec une division artificielle entre une gauche et une droite. Ce clivage politique se mesurant à l’aune du plus ou moins desserrement avec la France. Et s’il est arrivé que cette force économique s’oppose à l’Etat, c’est pour défendre ses positions.
Guy Cabort-Masson note qu’il n’y a pas de grande visibilité politique des békés, même si logiquement, ils seraient de droite. Mais la question essentielle n’est pas là. Les békés sont plutôt sommés de prouver qu’ils ne sont pas racistes, qu’ils sont de vrais Martiniquais, qu’ils partagent une identité commune et qu’ils ne sont plus « en transit historique »
Mais Guy Cabort-Masson ne serait pas un rebelle si sa plume acerbe ne s’arrêtait qu’à la relation coloniale encore à l’œuvre dans l’économie agricole devenue économie de consommation.
A l’égard des maires de la Martinique, ses propos sont sans appel.
La caste des maires a remplacé la caste des békés.
La Martinique moderne serait devenue une habitation administrative dont les maires sont les géreurs, les agents de consommation et les chefs de clans. 34 petits rois. 34 petits commissaires aux âmes…
L’habitation a seulement changé de visage, le système tourne en rond.
Dans son essai « Etudes nationalistes no 4- Les Martiniquais entre l’angoisse et l’espoir » Guy Cabort-Masson argumente ;
« Avant, les békés fournissaient aux masses le minimum monétaire pour consommer.
Au fil des ans, avec l’assassinat progressif de la production locale…le MAIRE… est devenu le pourvoyeur d’une population assistée… Telle est une des racines du mal. Ce pays a une élite ayant déclaré forfait pour tout ce qui touche à la création ou à la rentabilité économique »
Et la gestion de la ville de Fort de France par Aimé Césaire n’est pas épargnée.
Aimé Césaire serait l’exemple parfait des maires-géreurs. Celui qui a cependant une avance sur les autres. Il aurait développé une dépendance calculée, une ruse au sein du système : objectif, moderniser la ville de Fort de France. Une ruse dont la Martinique serait la victime.
Mais c’est dans son opuscule « Lettre à Aimé Césaire» qu’il sonnera la charge bien avant « La traversée paradoxale du siècle » de Raphaël CONFIANT.
Une lettre de 16 pages à l’entête sans équivoque :
Guy Cabort-Masson
Indépendantiste
A Aimé Césaire
Député-Maire Français
Président du PPM
Un « J’accuse » de complicité pour non-assistance de patrie en danger, non assistance à l’indépendance. A l’auteur du Discours sur le colonialisme, Guy Cabort-Masson écrit « Vous êtes rebelle…à cette loi de la décolonisation »
Il lui clame sa blessure à lui d’une destinée rendue impossible, d’un rendez-vous raté avec la grande Histoire, celui de la non participation au concert de la décolonisation des pays comme le Viet-Nam ou l’Algérie.
Il lui reproche d’avoir aussi raté la séance de rattrapage, avec le moratoire de 1981, une pause dans la conquête de la liberté, suite au vote massif de l’électorat martiniquais pour Valery Giscard-D’estaing :
« Ce qui caractérise le monde, c’est d’abord le prodigieux mouvement pour la dignité et la souveraineté nationale… ». Il lui confesse « Nous avons honte parce que nous vous admirons toujours par ailleurs… »
Il lui reconnaît tout de même, une part dans l’avancée de la conscience nationale, avec tout de suite un bémol « l’ensemble de la représentation politique martiniquaise est ILLUSOIRE …»
La charge du trublion serait-elle plus nuancée aujourd’hui face à ce mouvement contagieux des Pays Arabes, une volonté des peuples de mettre à bas les dictateurs, lui qui reprochait à Aimé Césaire, vacciné par le Stalinisme et le Duvaliérisme, partisan de petits pas faits avec le peuple, de ne pas être à la hauteur de « ceux que l’on taxe volontiers de réactionnaires mais qui ont porté leur contribution à la conquête de la dignité : Bourguiba, le roi Mohamed V qui ont été au bagne pour leurs actions émancipatrices… »
Sans doute que non !
Vivre libre ou mourir. Le pacte du sang. GCM proposera d’ailleurs un véritable plan militaire pour l’entraînement des Martiniquais, peuple rendu peu belliqueux par l’histoire, une thèse développée dans un essai écrit en collaboration avec l’historien et journaliste Camille CHAUVET, La face cachée de la France aux Antilles.
En rébellion absolue, la plume qui fustige aussi la pensée d’ Edouard GLISSANT :
« Edouard Glissant est un des premiers indépendantistes de ce pays. Il a fait partie du courant nationaliste. Mais il vit un drame : Césaire lui barre l’horizon. Il veut prendre un détour par le prix Nobel… M. Glissant donc peu à peu a dévié pour se transformer plus en apatride… Je dis aussi que son concept de Tout Monde est bidon parce qu’il veut masquer le processus de mondialisation.. » in Antilla 30 Octobre 1998.
La différence entre le pamphlétaire et les poètes qui anticipant le monde
Dans la revue Esprit, Glissant écrivait dans les années 60 « Carrefour de cultures, les Antilles peuvent être amenées à être un lien organique, vivant libre entre des mondes qui aujourd’hui s’ignorent. En cela réside leur destinée. Voilà pourquoi la synthèse qu’elles réalisent ne peut être une dégénérescence. Mais au contraire un privilège (une fonction à accomplir et qu’il faut accomplir dans le monde moderne). Et Glissant de mettre un préalable « A condition que le peuple se dirige lui- même. »
Glissant qui rend dans le même texte hommage à Aimé Césaire et Frantz FANON.
GCM n’est pas plus tendre avec les siens. Il se livre à une critique frontale de l’action des indépendantistes à partir des années 68.
S’il rend hommage aux pionniers des années 60, il pense qu’il faut sortir d’une posture qui se contente de dénoncer, sans proposer : « La dénonciation grandiloquente, la phrase creuse et l’insulte gratuite qui masque la pauvreté idéologique »
Que propose t-il alors ?
Construire l’unité nationale en mettant au premier plan les convergences plutôt que les divergences.
Définir un programme qui dégage le possible dans les conditions du monde actuel. Le visualiser et le rendre visible pour tous en tirant leçon des indépendances Africaines
Commencer à le mettre en pratique.
Traquer toutes les formes de dépendances
Revoir le mode de développement. Sortir des schémas occidentaux.
Mener en parallèle, plusieurs actions : créer une usine agro-alimentaire, faire fructifier les terres en friches, réduire la dépendance énergétique, former des techniciens…etc
Mais pour arriver à cela, les nationalistes doivent dépasser leur faiblesse, l’angoisse et le pessimisme et GCM de citer Frantz FANON » « quand on interroge ces partis sur le programme économique de l’Etat qu’il revendique, sur le régime qu’ils se proposent d’instaurer, ils se montrent incapables de répondre parce que précisément ils sont totalement ignorants à l’égard de l’économie de leur propre pays »
Et en premier lieu, il s’agit de combattre la croyance que la canne et la banane sont vitales pour la Martinique.
Joignant la parole à la pratique,Guy Cabort-Masson sera l’un des piliers du laboratoire de recherche de l’AMEP crée dans les années 80. Ce laboratoire s’était donné comme vocation de construire d’autres modèles de références, en matière notamment de développement
La remise en question
Dans un autre essai au titre significatif « La remise en question no2, GCM s’accommode de la société de consommation.
La question du bien-être matériel étant résolu, il pense le moment favorable pour des revendications qualitatives.
Il assigne donc les indépendantistes à freiner les ardeurs de cette société de consommation et à se battre pour la dignité.
Il les appelle aussi à participer aux élections puisque la domination française a changé de nature. Il pense que l’Europe vient perturber, fort heureusement, le tête à tête historique avec la France.
« Notre lutte pour l’indépendance est à redéfinir, de même la question des moyens et des méthodes pour y parvenir. »
Il opte aussi, principe de réalité pour un modèle économique à la fois informel individuel et familial.
Guy Cabort-Masson rue dans les brancards. C’est un éruptif qui fait feu de tout bois. Un anarchiste. Pourfendeur et ratiboiseur d’une société à laquelle il attribue une force d’attraction d’une manmandlô.
Il en connaît le pouvoir, lui qui se décrit sans fard dans une autobiographie romancée et pleine d’ironie « Pourrir ou Martyr un peu »
Lors d’une interview qu’il m’avait accordée sur les hauteurs de St Joseph, à l’une de mes questions :
« Pourquoi certains nationalistes n’épousent pas des Martiniquaises ? »
Il avait répondu en substance :
« Tu vois, on est déjà tellement aliénés, tellement fragiles. Et les martiniquaises, c’est normal, à cause de l’histoire, on besoin de sécurité. Du coup, dans ce couple là, on n’es pas sûre de résister et d’arriver jusqu’au bout de ses exigences. Tu t’imagines, j’ai acheté une machine à écrire avec mon premier salaire d’enseignant ! Il n’y a pas beaucoup de femmes pour accepter cela. Et mon épouse, Algérienne, m’a dit .
si tu te trahis, je divorce … »
Ah le regard de GCM sur les femmes! « Je pars du réel, à savoir la discrimination décisive des esclavagistes vis-à-vis de l’esclave mâle. Sans oublier évidemment que c’est la position de la femme par rapport au travail qui fixe ses champs de responsabilité, donc de liberté… » in Antilla 30/10/98
Des femmes qui, par nature freinerait l’émancipation des dominés « La plus grande lacune d’un homme est de ne pouvoir faire un enfant, c’est aussi sa force : en dernière instance, il n’a pas d’enfant à charge alors pour compenser, il enfante l‘histoire… L’humanité évolue parce que des humains -hommes et femmes- restent sourds à la question fondamentale : Que mangera mon enfant demain matin ?…
D’où la transposition peuple alimentaire, peuple féminin « La société martiniquaise n’a pas cessé d’être femelle ou féminine si l’on préfère…in « Stratégie de la femme noire esclave américaine »
Un des femmes qui trouve grâce à ses yeux , c’est Suzane CESAIRE, née ROUSSI l’épouse d’Aimé Césaire mère pourtant de 7 enfants, auteure de nombreux textes de la revue Tropiques. Il lui dédiera l’ un de ses essais , Martinique Comportements et Mentalité, « l’intellectuelle martiniquaise la plus profonde et la plus méconnue » et de rappeler « Faire sortir au plus vite l’œuvre de Madame Césaire de l’ombre est un devoir de salubrité publique »
Toute l’œuvre de Guy Cabort-Masson donne un sentiment d’enfermement.
La Martinique apparaît comme une île-prison avec quelques embellies tardives, venant des créateurs artistiques, des occupants de terres en friche et de l’entrée en scène de l’Europe dans la relation mortifère entre la France et ses ex colonies .
A 65 ans, le rebelle au sourire malicieux avec un sourire d’enfant frondeur avait toujours des idées en étendard sur des barricades invisibles. L’image de LA REVOLUTION.
« Vieillir n’est pas une question d’âge, plutôt une question de comportement vis-à-vis des institutions et des personnages qui les personnifient.. ;»
Il a fait partie des générations opposées aux borgnes de l’histoire. Parmi eux quelques accélérateurs de prise de conscience. Des figures de proue, Fanon, Césaire, Glissant ont choisi des positionnements différents, en fonction des de leur propre parcours et des contingences de leur environnement. Césaire enchouqué dans la réalité Martiniquaise avec ses grandeurs et petitesses , Fanon se greffant à la cause Algérienne manière d’ échapper à l’assignation à résidence NOIRE , Glissant s’affranchissant de la petite histoire, s’évadant de la prison relation avec la France.
Tous COMBATTANTS DE L’IMAGINAIRE .
La Martinique n’a pas été un îlot de revendications. La Guadeloupe a pris sa part.
Cabort-Masson y a eu son double en un certain sens, Sonny RUPAIRE ( 1940-1991)
Il est passé lui aussi par la case instituteur . Insoumis comme lui, il a rejoint l’Armée de Libération Algérienne. Il fera le choix de rester en Algérie après l’indépendance. Il rentre en Guadeloupe 6 ans après l‘arrivée de GCM en Martinique et il sera amnistié 10 ans après lui en 1971. Il créera aussi un mouvement et un syndicat nationalistes .
Le texte du journaliste dramaturge Frantz Succab écrit en hommage à Sonny Rupaire en fait un frère jumeau de Guy Cabort-Masson :
« Une autre part de lui -sa part d’ombre ?- interdisait l’accès au doute, calfeutrée dans l’idntitéé obligatoire. Elle s’enlisait dans le réel, se noyait dans l’ordinaire des jours où plus rien ne se passe mais où il faut quand même refuser l’inacceptable…Nous étions une horde de princes inconsolés d’optimisme notre désespérance. Proclamer la vérité quand, au détour d’une page, notre plume inclinait à transfigurer le réel, à couvrir d’arc en ciel la grisaille des colonnes. Nous étions préposés à la menuiserie de la langue de bois quand notre désir était de subvertir les mots et de pousser la langue jusqu’aux confins de la langue… ».
Guy Cabort est né le 12 juin 1937 à St Joseph, une commune du centre de la Martinique.
Il fait ses études au Lycée Schoelcher puis à l’Ecole Normale des instituteurs. Il crée un mini séisme dans l’atmosphère naphtalinisé de l’Education Nationale en faisant ses cours en créole dans une classe peu silencieuse et en s’habillant…En jean ! Il aura à cœur de fustiger, tout au long de ses écrits,cette institution en décalage par rapport à sa culture environnante
Il démissionne. S’engage dans l’armée. Intègre l’Ecole Supéreure Miilitaire de St Cyr. Il en sort lieutenant. Affecté en Algérie durant la guerre d’indépendance, il est confronté à la torture. Il déserte et rejoint le FNL en 1961, l’année où Frantz Fanon qui avait, lui aussi épouser la cause Algérienne, décède de leucémie dans un hôpital de New York..
Guy Cabort est condamné par contumace. Il prendra le temps de passer une licence en sociologie à l’université d’Alger.
Il rentre clandestinement en France en 1967, sous le nom de Cabort-Masson, avant de rentrer en Martinique en 1969. Une transition qui lui permettre de créer avec un autre nationaliste, Alex Ferdinand le drapeau qui flotte aujourd’hui en terre Saintanaise, commune du sud de l’île, l’un des théâtres de l’insurrection de 1870.. Les insurgés portaient alors les mêmes couleurs. Noir, Vert et Rouge.
Un drapeau qui a été déployé lors des obsèques nationales d’Aimé Césaire à Fort de France. En avril 2008.
Amnistié en 1969, il rentre donc en Martinique et est recruté par Aimé Césaire.
Il crée, avec d’autres, l’A.M.E P, Association Martiniquaise d’Education Populaire, une école alternative soutenue par la municipalité de Fort de France dirigée par Aimé Césaire.
Il est à l’origine de plusieurs titres « Simao », « En Avant », »La voix du Peuple ». Il collabore avec d’autres journaux tels que Antilla ou le Naïf..
Il est fondateur du Mouvement National pour la Libération de la Martinique.
Il a été l’une des figures de la grande grève de Chalvet en 1974. Une grève des ouvriers de la banane au cours de laquelle les forces de l’ordre ont provoqué la mort de Sérier Renor Ilmany et de Georges-Placide Marie-Louise.
Il est aussi à l’origine de la Confédération Syndicale des Travailleurs Martiniquais.
Tous les nationalistes dont ceux de Combat Ouvrier n’ont pas toujours partagé ses points de vue, notamment l’idée qu’i faudrait mettre en place « des dictatures féroces et non une démocratie aux mains moites et molles.. »
Mais Guy Cabort-Masson n’était pas à une contradiction près. Il s’exprimait en fonction de sa colère du moment, même si son œuvre est traversée par des obsessions.
Le modèle démocratique à la française, pour lui réduite à la liberté de consommer et au doit d’avoir des privilèges ne lui convenait pas
C’est le même auteur qui écrivait en 1998 « qu’est ce qu’être un indépendantiste après deux siècles en Haïti, quarante ans après l’Afrique Noire, trente ans après Cuba et dans ce contexte de mondialisation » .
Il est l’auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages « poils à gratter » à relire, parmi lesquels Martinique, Comportements & Mentalité prix Frantz Fanon 1998.
Il est décédé en 2002.
Nous avons choisi de commencer notre analyse par « les Puissances d’argent en Martinique »
Arlette PACQUIT mars 2011