Un an après la révolution sucrée, mine de rien, le projet minier la Montagne d’or a pris le relais colonial en #Guyane. On entend plus les Nou gon ké sa. « La colonie doit enrichir la MÉTROPOLE et non la concurrencer ». L’or guyanais tombe à point nommé dans la logique du Colbertisme. Et cet or ne profitera pas aux guyanais. Le pays c’est la France, le pays des droits de l’homme où #Colbert le père du #CodeNoir a une statue devant l’assemblée nationale.
Aussi, l’enjeu est de taille. L’or rend l’homme fou surtout quand ON se fout de l’homme. Le 5 avril dernier, lors d’un débat sur l’or on a pu alors voir les limites du dialogue en présence du métal précieux.
On a voulu en savoir plus sur cette nouvelle errance qui risque de mettre le feu aux poudres en Inini. Nous avons donc interrogé un fou furieux, peut-être pas si fou que ça…qui vit dans sur cette terre d’asile à ciel ouvert.
Entretien…
Bondamanjak (BMJ) : Lors de la réunion dans le cadre du éébat public sur le projet Montagne d’Or à Cayenne le 5 avril dernier, vous vous êtes emporté face au conseiller territorial Gauthier Horth. Que s’est-il passé ?
Harry HODEBOURG (HH) : Oui c’est vrai, il y a eu une altercation et je le regrette.
BMJ : Vous vous êtes excusé auprès de M. Horth ?
HH : Absolument pas. Il n’y avait pas de raison de le faire. Je regrette cependant que la réunion ait été interrompue à l’heure exacte (21h) prévue de sa fin.
Si elle s’était prolongée, d’autres personnes auraient pu s’exprimer notamment des personnes âgées qui auraient pu exprimer des paroles de sagesses et ça aurait été une bonne chose. Ça aurait pu se terminer à 2h du matin.
BMJ : Nous voulons vraiment comprendre pourquoi vous vous êtes énervé ?
HH : Merci de me permettre cette explication. Beaucoup de personnes font des commentaires à partir d’une vidéo de 17 secondes qui a fait le buzz mais il est important de voir la vidéo de 3’36 avec la totalité des événements.
M. Horth, qui n’était pas présent depuis le début du débat (pour cause de séminaire à la Collectivité Territoriale de Guyane), est arrivé très en retard et s’est emparé du micro alors qu’une cinquantaine de personnes levaient le doigt depuis plus de 2 heures pour avoir la parole. De même, alors que tout le monde s’exprime depuis sa place, il s’avance sur le devant la scène (inégalité par rapport aux autres interventions) pour parler. Oui, il a bien pris la parole et a commencé à s’exprimer alors que la règle du débat était de solliciter la parole du président de séance ! On ne l’a pas empêché de s’exprimer comme j’ai pu l’entendre.
Le problème c’est qu’au lieu de s’exprimer sur le sujet du jour, la Montagne d’Or, il utilise la tribune pour régler ses comptes personnels avec l’administration française alors que ce n’est pas le sujet du jour !
Apparemment, il n’a pas digéré sa garde à vue de 48 heures en 2015 et sa mise en examen pour orpaillage illégal, travail dissimulé, etc. A l’époque, il justifiait le fait de payer des ouvriers en or par « la tradition ». Tradition, certes, mais à quel moment on verse des cotisations sociales pour les travailleurs dans ce système-là ?
Puis, il nous expose sa vision complètement hallucinante (« S’il y a débat, il n’est pas environnemental ») alors que toutes les parties prenantes, citoyens pour ou contre, Commission Nationale du Débat Public et même la Compagnie Montagne d’Or (CMO) admettent que la question environnementale est au cœur de ce projet mortifère !
Enfin, sur un ton particulièrement agressif, il accuse les écologistes d’être « complices du pillage des ressources de la Guyane », ce qui est inacceptable. Il reprend ainsi à son compte l’un des procédés manipulatoires des partisans de la CMO qui consiste à vouloir faire croire d’une part, que laisser la CMO exploiter l’or guyanais contribuerait à faire diminuer l’orpaillage illégal, et d’autre part que les écologistes seraient responsables de l’augmentation de cet orpaillage illégal. Monsieur Paulin Bruné a d’ailleurs à l’issue du débat tenu des propos particulièrement insultants à leur égard. Mais faut-il rappeler à ces deux personnes que la lutte contre l’orpaillage illégal est de la compétence régalienne de l’Etat et qu’à ce titre c’est à celui-ci qu’il incombe de déployer les moyens pour l’éradiquer.
Donc, le Président de séance et modérateur n’ayant pas interrompu M. Horth pour lui signifier qu’il était hors sujet (puisque le sujet était le projet Montagne d’Or) et que ce n’était pas un espace pour régler ses comptes, j’ai eu l’audace de le faire et l’assume totalement. Comme le disait Gandhi « il vaut mieux un « non » prononcé par conviction sincère qu’un « oui » dû au simple désir de plaire ou pire, d’éviter des ennuis ». Je profite d’ailleurs de l’occasion pour dire toute mon admiration pour tous ceux qui osent ouvertement dire NON à la CMO.
BMJ : Le débat n’aurait-il pas pu se passer dans le calme ? Après l’incident à la Mairie de Cayenne, le président de la Commission Particulière du Débat public a exprimé sa déception. Le débat va-t-il se poursuivre ? Votre comportement est-il en phase avec les valeurs de notre mère patrie, la France le pays des droits de l’homme où #Colbert le père du #codeNoir a une statue devant l’Assemblée Nationale ?
HH : Le président est dans son rôle quand il souhaite que le débat se passe dans le calme, avec courtoisie. C’est normal ! Malheureusement, je crains fort qu’il n’y ait encore des heurts. La réunion générale d’ouverture à Saint-Laurent-du-Maroni a été houleuse. Il y a eu des frictions à l’entrée.
Certaines interventions ont été très passionnées. Après deux heures de débats, 80% des participants a quitté la salle.
Il faut comprendre que face à l’injustice sociale et à la violence environnementale de ce projet, il y aura toujours un sentiment de défiance d’une partie de la population qui va l’exprimer avec plus ou moins de véhémence.
D’ailleurs, La France, pays des droits de l’homme garantit à tous ses citoyens leur liberté d’expression. Et en Guyane comme ailleurs, il faut parfois savoir élever la voix pour se faire entendre, savoir entrer en résistance contre les injustices de tous types. Les Guyanais sont je pense DETERMINES à exprimer leur rejet de ce projet de la Montagne d’Or pour le bien des générations futures.
BMJ : C’est parti pour une sacrée division entre la population guyanaise …
HH : Malheureusement les Russes et les Canadiens apportent ce projet de discorde pour la Guyane. Il y aura des opinions divergentes, c’est normal et c’est le principe du débat démocratique mais j’espère qu’on évitera une fracture trop importante. Pour revenir à l’altercation avec M. Horth, nous nous sommes parlé après l’incident et nous nous sommes serré la main. Donc tout est rentré dans l’ordre, il n’y aura pas de rancune. Je le respecte, c’est un patriote même si son soutien aux Russes et aux Canadiens est vraiment surprenant. Malheureusement il est dans la mouvance climato-négationniste.
BMJ : Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce qu’est ce projet Montagne d’Or ?
HH : C’est un projet de méga-mine industrielle d’or à ciel ouvert (la plus grande de l’histoire de France) à 120 km de Saint-Laurent-du-Maroni en pleine forêt amazonienne guyanaise. Il est porté par les multinationales russe Nordgold (55%) et canadienne Columbus Gold (45%) sous le nom de consortium Compagnie Montagne d’Or. L’objectif est d’extraire 85 tonnes d’or en 12 ans d’exploitation.
BMJ : On dit souvent que vous êtes le pape de l’écologie en Guyane et que vous êtes opposé à tout projet industriel. Qu’est-ce qui vous dérange dans ce projet ?
HH : Je ne suis pas contre tout projet industriel. Je suis pour tout projet de développement durable et solidaire. Ce n’est pas le cas avec la Montagne d’Or. Pour moi et de nombreux opposants au projet, en Guyane, une telle exploitation serait à la fois une spoliation économico-sociale en plus d’être climaticide. Les retombées pour la Guyane sont principalement 2% de taxe minière soit 700€ par kilo d’or extrait alors que celui-ci vaut en moyenne 35 000€. On nous parle aussi de 700 emplois mais rien ne garantit qu’ils seront occupés par des employés locaux.
De toute façon, ce nombre est tellement insignifiant face au potentiel de création de milliers d’emplois dans les filières d’avenir en Guyane (le tourisme, l’agriculture et l’élevage, les métiers du bois, la pêche, les biotechnologies, la transition énergétique, la construction bioclimatique, etc.) qu’ils nous rajoutent un nombre complètement farfelu, largement surévalué, d’emplois indirects, pour embellir le projet.
De plus, cette activité d’extraction telle qu’elle se présente serait largement subventionnée (environ 400 millions d’euros) alors que cet argent pourrait servir à former des personnes et créer beaucoup plus d’emplois autrement. Tout l’argent que l’Etat va dépenser pour ce projet de la Montagne d’Or ce sont autant de fonds qui ne serviront pas au développement de l’ensemble de la Guyane. Pour nous c’est tout simplement du néo-colonialisme économique.
BMJ : Et sur le plan environnemental ?
HH : C’est monstrueux ! Le projet c’est une fosse immense de 2,5 km de long x 500 m de large x 400 m de profondeur soit l’équivalent de 32 Stade de France. Le processus c’est que la roche sera fragmentée par des milliers de tonnes d’explosifs puis concassée et broyée. Puis elle sera mélangée à des dizaines de tonnes de cyanure, d’acide chlorhydrique et d’autres produits toxiques pour récupérer l’or. Quand les 85 tonnes de lingots seront parties en Russie et au Canada, des millions de tonnes de déchets acides miniers seront laissés en pleine forêt guyanaise ad vitam aeternam. On pourrait aussi ajouter la facture carbone liée aux dizaines de millions de litres de fuel brûlés par les camions qui feront des rotations 24h/24. Sans compter, le risque ultime d’une catastrophe environnementale majeure en cas de rupture de digue comme à Mariana au Brésil en 2015. Rien qu’en y pensant, je suis malade.
BMJ : Comment organisez-vous votre lutte ?
HH : J’ai commencé la lutte dès août 2015 quand Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Economie et de l’Industrie, est venu soutenir le projet, en Guyane. A l’époque nous n’étions que 2. En juillet 2016, nous avons créé le Collectif Or de Question, nous étions 4. Puis nos rangs se sont renforcés. Depuis mars 2018, j’ai lancé le Réseau NEMO (Non à l’Exploitation de la Montagne d’Or, Contact : nemoguyane@gmail.com). Aujourd’hui il y a plus de 30 organisations guyanaises (associations, partis politiques, syndicats, collectifs, mouvements citoyens, etc.) qui se sont officiellement déclarées opposées au projet. Et bien sûr, il y a des milliers de citoyens qui, à titre individuel, disent NON.
BMJ : Comment réagit la CMO ?
HH : La CMO fait tout pour acheter l’acceptabilité sociale de leur projet mortifère. Il y a eu tout d’abord le sponsoring d’une équipe cycliste et aujourd’hui celle de la sélection de rugby féminine. Je pense aussi à cette campagne publicitaire d’envergure sur panneaux d’affichage et dans notre quotidien local où la CMO s’autoproclamait « Entreprise guyanaise » en affichant entre autres des visages d’enfants. La société a d’ailleurs été condamnée parce que ces images ont été volées.
Dans l’ensemble les dirigeants de l’entreprise ont un bon accès aux médias pour expliquer inlassablement que ce projet « est bon pour la Guyane ». Heureusement, ils ont vraiment du mal à convaincre ! Alors ils achètent tout ce qu’ils peuvent : sponsoring d’un concert d’un chanteur du plus grand groupe antillais, de l’arrivée du Roi Vaval, d’un grand groupe de carnaval, convention avec une association soutenant l’entreprenariat féminin, etc.
Certains disent qu’ils ont désespérément besoin de cet argent pour réaliser leurs projets. D’autres répliquent que ce n’est pas une raison, qu’il y a des limites à vendre son âme. On finit par aboutir à un débat qui dévisse complétement : désormais des gens demandent à la CMO de financer des routes, des hôpitaux, etc. pour le territoire. Mais ce n’est pas leur rôle ! La Guyane n’a pas besoin de sauveurs russes et canadiens. Continuons à mettre la pression sur l’Etat français pour qu’il assume ses responsabilités. Pactiser avec des vendeurs de destruction et de mort sous prétexte que nous sommes en difficulté ne peut être une solution viable et digne.
BMJ : Comment tout cela va-t-il se terminer selon vous ?
HH : Je pense que le Débat public doit aller à son terme jusqu’au 7 juillet 2018. Beaucoup de personnes disent que c’est une mascarade mais je ne suis pas d’accord. Pour moi, ce débat est très utile et doit permettre à toute la population de s’exprimer. S’il se confirme au fil des événements que la majorité de la population est contre, l’Etat doit en tirer les conséquences. Sinon, il faut vite trancher le problème par un référendum.
Je vais vous faire une confidence. Le 4 avril, la veille du débat, c’était le cinquantième anniversaire de la mort de Martin Luther King. J’ai passé la journée à relire ses plus grands discours car je suis un disciple de la non-violence. « I have a dream » est le plus célèbre mais pour moi le texte le plus profond du grand pasteur noir américain est « La lettre de la geôle de Birmingham ». J’ai retenu cela : « Le propos de notre programme d’action directe est de créer une situation de crise si grave qu’elle débouchera inévitablement sur une négociation. […] Nous avons douloureusement appris que la liberté n’est jamais accordée de bon gré par l’oppresseur ; elle doit être exigée par l’opprimé. » J’espère vraiment que nous ne déboucherons pas sur une situation de crise donc il faut négocier au plus vite. Pas négocier plus de miettes pour la Guyane mais s’accorder sur le calendrier de départ des Russes et des Canadiens.
Sinon il y a des personnes déterminées à empêcher coûte que coûte ce projet Montagne d’Or mortifère. Lors de la réunion de Saint-Laurent-du-Maroni, une militante a annoncé être prête à aller jusqu’à la mort. Christophe Pierre, leader de la Jeunesse Autochtone de Guyane a déclaré : « Même si vous avez vos autorisations, vous trouverez des petits indiens face à vos camions, sur la route de Paul Isnard ». Le projet Montagne d’Or est porteur de graves troubles à l’ordre public pour la Guyane. Nous ne pouvons pas rester 3 ou 4 ans dans ce climat invivable alors que tôt ou tard ce projet sera recalé. Dans l’intérêt général, il doit être abandonné au plus vite.