Bondamanjak

« Haïr, c’est encore dépendre » (Aimé Césaire)

Par Béatrice Bellay

« Haïr, c’est encore dépendre » (Aimé Césaire)
J’ai pris connaissance du courrier de Serge LETCHIMY, Président du Conseil Exécutif (PCE) de la Collectivité Territoriale de Martinique, en date du 13 juillet dernier adressé à Olivier FAURE, 1er Secrétaire du Parti Socialiste (PS), annonçant sa « rupture définitive » avec le parti de Léon BLUM.

Est apparu, dans la foulée, un communiqué de presse, floqué du logo de la CTM, par lequel il reprend les arguments fallacieux de sa correspondance.
Ce surprenant communiqué engageait donc la CTM. Pourtant, même après recherche, je n’ai trouvé aucune délibération de l’Assemblée, pas plus que du Conseil Exécutif, actant cette décision.

Rien non plus sur l’existence d’un 49-3 martiniquais qui donnerait plein pouvoir au PCE, en cas de désaccord électoral avec un parti politique surtout lorsque, en fait, ce désaccord n’existe pas, est inventé, construit à dessein. De fait, la question se pose :
La CTM est-elle devenue une officine du PPM ?
Si certains le pensent, la réponse est NON. La CTM est une collectivité territoriale, dont les règles sont fixées par le droit auquel chacun doit se conformer. L’usage à des fins personnelles de l’organe public et de ses moyens est strictement interdit.
Mais passons. Dans son courrier, outre les nombreuses contre-vérités exposées et les insultes à peine voilées, le PCE de la CTM reproche à Olivier FAURE d’avoir investi la candidate Béatrice BELLAY face à un candidat du PPM aux élections législatives.

Est-ce sérieux ? Pensait-il, en faisant cela, faire oublier que le candidat J.HAJJAR a déjà prouvé le contraire ? M. HAJJAR s’est lui-même vanté, dans l’espace public et médiatique, à chacune de ses interventions, durant l’intégralité de cette campagne éclair, du soutien que lui apportait depuis Paris le PS national.

Il est allé jusqu’à exposer face caméra l’un des courriers de soutien signés par des responsables du PS national. Car oui, à sa demande, à celle du PCE, ce n’est pas un, mais bien deux courriers de soutien que le Parti Socialiste Français et son groupe à l’Assemblée Nationale lui ont adressés.

Alors qui a été trahi ? Qui devrait être vexé ? Le PPM ? Vraiment ? Quelle plaisanterie. Quelle supercherie. Quelle tentative de retournement de situation.
Quel mensonge éhonté. Quelle faillite intellectuelle. Quel vide.

Dans sa lettre et son communiqué, le Président de l’Exécutif insinue qu’un complot aurait été ourdi par le PS, contre son parti, le PPM. Or tout le monde sait dans quelles conditions a été dissoute l’Assemblée, et dans quel délai imposé, cette campagne puis les élections législatives ont été menées.
Serge LETCHIMY semble manifestement préférer s’inventer des histoires de Konpè
Lapen, que d’envisager que deux Martiniquaises décident librement de solliciter les suffrages des Foyalais et des Foyalaises.
C’est pourtant celle-là, la seule vérité : Nadia CHONVILLE et moi, nous avons osé, et les Foyalais-es nous ont choisies. Cela s’appelle la démocratie. Elle a parlé, clairement, sans bégayer.
Face à cette première polémique, expression d’une défaite amère, d’un sens démocratique étiolé par une probable usure du pouvoir et par le sentiment que Fort-de-France, ses électrices et électeurs, lui appartiendraient pour toujours ; face la fébrilité palpable du PCE, j’ai fait le choix du silence.

Finalement, il ne me revenait pas de m’immiscer dans une correspondance entre hommes dont aucun n’avait jamais vraiment pris la peine de me contacter ou de s’adresser à moi directement.
Je me suis dit : nos compatriotes attendent mieux et plus de nous. Ce genre de batailles de papyrus et ces cancans de mauvais perdants ne font qu’alimenter l’abstentionnisme et les rangs de l’extrême droite.
Mè dlo dépasé farin.

Car non content du premier forfait et dans un nouveau courrier daté du 26 juillet dernier, Didier LAGUERRE, le Président du PPM accuse à son tour le PS d’avoir « trahi» le parti d’Aimé Césaire en me soutenant. Il était pourtant co-destinataire du fameux courrier de la direction nationale du PS, courrier qui apportait un soutien SANS AMBIGUÏTÉ au candidat J. HAJJAR !
Le Président du PPM ment lorsqu’il accuse le PS de m’avoir soutenue, et il se campe dans des postures paternalistes d’un autre âge en reprochant au premier secrétaire du Parti socialiste de n’avoir été assez ferme à l’endroit de Béatrice BELLAY !

De n’avoir pas su «l’empêcher de se présenter » ! Et ce sont les mêmes hommes politiques qui demain parleront des femmes comme de « poto mitan », de « fanm fò », de « fanm djok » mais qui, à la seule vue d’une négresse maronne, qui a pris toute sa liberté, sont effrayés et demande à « Papa La France » de la tenir sous chaîne. C’est bien qu’ils ne voient les femmes à leur place que quand elles sont attachées à un poteau au mitan de leur pouvoir, à eux !

Voici donc la violence de ceux qui se revendiquent héritiers du chantre de la négritude qui a tant dit sur l’émancipation, le droit à l’initiative, la liberté !
Et puisqu’il faut le répéter, je le redis : je n’ai bénéficié d’aucun soutien du PS national, ni officiel ni officieux. Ni stratégique et encore moins financier ! Nous avons fait campagne sur nos deniers, aidées par nos familles, nos proches, nos amis et des concitoyens démocrates.

Quant au PS national, j’ai décidé de ne pas laver mon linge sale en public. Mais en famille, dans cette famille politique qui m’a blessée, qui nous a blessé•es, nous militant-es martiniquais es. C’est ce que j’ai fait et continue à faire. Yo ka dwé nou.
En revanche, j’ai eu le soutien de la Fédération Socialiste de Martinique (FSM). Oui. Et ce, à
l’unanimité. Tout l’appui militant de ma Fédération, celle à la tête de laquelle une majorité d’hommes de progrès – mes camarades martiniquais – m’ont mise depuis 2018. Une Fédération qui a rompu l’accord politique avec EPMN, désormais Alians Matnik, depuis 2015. Il faut le rappeler puisque l’amnésie préside aux communications publiques des pontes du PPM.
Je m’interroge lorsque dans un coup de zépon assimilationniste, Didier LAGUERRE regrette que le Nouveau Front Populaire (NFP) ait laissé aux partis des Pays des Océans (dits d’Outre-mer), à nous, le droit à l’initiative politique. Rappelons-le : il n’y a pas eu en Martinique d’investiture unique NFP. Aucune. J’ai défendu le contrat de législature du NFP librement, dans une élection pour laquelle aucun accord politique préalable n’a été formulé, dans un territoire qui pouvait se permettre d’organiser une élection libre.
Réclamer que Paris me soumette, me bride, m’attache à des décisions hexagonales, c’est se montrer plus colon que le dernier des colons.
Je m’interroge aussi sur la large diffusion de ces contrevérités dans l’espace public, qui plus est, visant à discréditer l’élection de la seule femme députée des Antilles-Guyane. Se serait-on insurgé avec la même vigueur, la même constance, la même violence et autant d’inexactitudes face à une candidature masculine ? Et surtout, face à une victoire masculine ?
Les éminences du PPM ne se sont jamais répandues en indignation publique face aux candidatures concurrentes, issues de leurs propres rangs aux élections territoriales, législatives et encore récemment lors du renouvellement sénatorial de septembre dernier où au moins 3 élus masculins, issus du PPM, s’affrontaient démocratiquement. La liberté, pour les hommes, oui ! Mais faisons taire cette femme, faisons taire ces femmes!

Chacun jugera de ce qu’ils sont en train de faire de la maison qui leur a été léguée.
Moi, je ne suis héritière que d’idées, de gènes d’ancêtres résistantes et braves.
Je mène les batailles de face et assume dignement mes échecs – et j’en ai eus !
Nous n’avons pas fait de campagne contre d’autres, mais pour nos idées. Nous n’avons pas eu de victoire revancharde et humiliante, mais saine, sobre, populaire et portée par la responsabilité qui nous incombe désormais.
Je le crois, tous ces petits cancans n’intéressent nullement les Martiniquaises et les Martiniquais, qui aspirent à accéder respectablement, aux soins médicaux, à l’eau, à l’éducation, au logement, en somme, aux services publics, aux droits et au respect de leur dignité.
C’est en tout cas ce à quoi moi je m’affairerai. Je ne dépenserai pas une goutte d’énergie supplémentaire en cancans imaginaires. J’ai besoin de toutes mes forces pour de bien légitimes batailles.
Je suis entièrement déterminée et concentrée sur la belle mission qui m’a été confiée par les 10 243 Foyalaises et Foyalais qui ont fait le choix du renouvellement du personnel politique, des pratiques politiques et de la justice sociale.
Moi, je respecte leur vote, je respecte leurs voix : ce sont les seules qui comptent.
Béatrice BELLAY
Députée de la Martinique
1ère Secrétaire de la Fédération
Socialiste de Martinique