Il est de bon ton, dans les milieux intellos (ou qui se pensent tels) de dire du mal de Radio Freedom. Ah ! Mon Dieu-Seigneur, que n’entend-on pas sur ces ondes, lancées dans le paysage médiatique réunionnais par Camille Sudre — au demeurant, qu’on le veuille ou non, le seul homme qui, depuis la révolte de Saint-Leu, a été capable de faire entrer le peuple en rébellion ouverte contre les pouvoirs publics. Et l’on rit, avec commisération, de cette plèbe qui, en graine la journée et en rut le soir, passe de « radio-doléances » à « chaleurs tropicales ». Pire : l’antenne est fréquentée par Thierry Robert, auquel l’establishment, dénie tout sérieux. C’est que, comprenez-vous, il est Noir, a réussi, a réussi vite et a réussi jeune, sans hériter de rien d’autre que d’une minuscule entreprise familiale.
Voilà qui est assez dur à avaler pour une haute société fondée sur la rente, les affinités séculaires et la gérontocratie…. et met juste ce qu’il faut de café dans son lait. Je tiens pour ma part Radio Freedom en haute estime ; c’est une sorte de service public réunionnais, sans lequel la vie du plus grand nombre serait plus pénible encore. Je tiens ses journalistes pour de bons journalistes. Il est d’usage de critiquer les « dérapages à l’antenne » auxquels certaines animatrices et certains animateurs donneraient libre cours : je n’ai pour ma part jamais rien entendu de tel.
Des dérapages, il y en a, aussi, sur certaine télévision privée et ils sont, eux, parfaitement volontaires. Freedom, c’est la vox populi ; le sens commun diffusé en boucle ; c’est un pays qui se parle, s’écoute parler. Tout ce que nos mœurs ont de bon s’y exprime : la solidarité, la compassion, l’élan vers autrui. Il fallait bien qu’y ressortent aussi nos travers, et plus précisément, le pire de tous, le plus colonial : celui qui consiste à flatter les puissants coram populo pour que la flatterie leur soit rapportée — on dit en créole « faire son makro ».
Une curieuse division du travail politique s’est instaurée lors des dernières élections : Thierry Robert, qui se présentait comme le candidat du petit peuple, intervenait sur Freedom, où il était interpellé par les auditeurs. Pas question, sauf exception, pour Didier Robert, bien calé « en l’air la Pyramide », d’y intervenir lui-même. Fi donc : on ne va pas se mêler à cette plèbe de mangeurs de gratons. Et puis, pourquoi faire soi-même sa réclame quand bon nombre d’auditeurs s’en charge ? Des mois entiers, les ondes de Freedom ont résonné jusqu’à saturation des louanges adressées au Président de Région : qu’il est bon, que son bilan est bon, et nous la gingne nout POP, et nou la gingne nout continuité, etc.
Lire la suite : http://7lameslamer.net/reunionnais-encore-un-effort-pour-1720.html