En outre, le modèle « d’intégration verticale », adopté par Lynx, permet de réduire les coûts. Les filiales du groupe étant présentes à chaque maillon du montage, de la production des panneaux à leur installation sur des toits d’habitation dans les Antilles. Revers de la médaille, tout repose sur la solidité d’un seul acteur. Même les banques, généralement parties prenantes dans le « Girardin industriel » sont exclues de cette opération, Lynx Industries préférant généralement le crédit fournisseur au crédit bancaire.
Pour autant, rien à redire sur le montage juridique et fiscal de la maison mère, Lynx Industries. Il a été validé par un avocat spécialiste en droit fiscal, Alain Scheinkmann. Et un procès-verbal de la DNEF (Direction nationale d’enquêtes fiscales), établi le 19 novembre, et dont « La Tribune » s’est procuré une copie, n’indique pas non plus d’entorses aux règles de facturation.
Ce n’est d’ailleurs pas la cohérence du dossier sur le papier que Georges Thoma, le contrôleur général économique et financier, met en cause. Il s’agit plutôt de la réalité et de la qualité du matériel photovoltaïque. « Il apparaît que les investissements à réaliser en Martinique et en Guadeloupe sont restés à l’état de projet », explique-t-il dans son courrier. « Faux, répond Jack Sword, président de Lynx Finances Group. Un représentant d’Hedios a fait deux fois le déplacement en Martinique ces dernières semaines et a pu constater la présence de matériel. » Information confirmée par Julien Vautel, président d’Hedios Patrimoine.
Autre point évoqué dans la lettre : l’absence de « mise en exploitation » des panneaux photovoltaïques. Un point fiscal divise les deux parties. Pour Georges Thoma, il y a risque de requalification dès lors que les panneaux ne sont pas raccordés à EDF.
Pour Jack Michael Sword, l’achat de matériel et sa mise en location suffisent pour obtenir l’avantage fiscal, même si le raccordement n’a lieu que six à neuf mois plus tard. Ce sera à l’administration fiscale, récemment saisie sur le sujet, de trancher…
Enfin, Georges Thoma a tiqué, comme l’avait fait un conseiller en gestion de patrimoine quelques mois auparavant, sur la structure du groupe : « La maison mère est basée dans l’Oregon, et j’ai visité leur filiale au Luxembourg : il s’agit d’un hangar transformé situé en rase campagne », détaille le haut fonctionnaire, frappé par la jeunesse de l’état-major qu’on lui a présenté.
Si Georges Thoma a effectué le déplacement, c’est qu’il avait réalisé un travail d’expertise à la demande de Lynx Finances. Ses conclusions, émises le 2 avril et le 29 octobre, avaient d’ailleurs été favorables. Pour Jack Michael Sword, la brouille serait d’origine pécuniaire : « Lundi 21, notre avocat déposera une plainte au pénal pour tentative d’extorsion de fonds auprès du tribunal de grande instance de Paris. »
Dernier élément revenant de manière récurrente dans cette affaire : le passé de Jack Michael Sword, de son vrai nom Jacques Michel Sordes, lequel figurait dans un rapport de l’Assemblée nationale du 10 juin 1999, comme « l’un des principaux propagateurs de la secte guérisseuse dénommée Vital Harmony ». « Il s’agit effectivement d’un pseudonyme inscrit sur mon passeport, répond Jack M. Sword, preuve à l’appui. Concernant ce fameux rapport, bien que mon nom ait été cité, je n’ai jamais été auditionné et encore moins inculpé. D’ailleurs mon casier judiciaire est vierge, et je ne pourrais pas être gérant si j’étais sous le coup d’une condamnation pénale. »
L’affaire n’en restera sûrement pas là. Mais elle est bien mal venue, alors que le gouvernement cherche à limiter les niches fiscales, notamment celle du Girardin qui coûte 800 millions par an pour à peine 13.370 contribuables bénéficiaires. À suivre, donc…
COMPRENDRE : Un exemple concret d’investissement en Loi Girardin
QUESTION PRATIQUE En quoi consiste la défiscalisation en Girardin industriel ?
Alexandre Phalippou
Source : latribune.fr