Le Québec a entrepris cet automne une vaste consultation populaire sur l'intégration de ses immigrants, un exercice inusité qui met à mal le mythe de la "tolérance québécoise" et révèle le malaise identitaire de la majorité francophone.
Des concessions réelles ou supposées à des groupes religieux alimentent depuis plus d'un an un vif débat dans la province francophone sur les "accommodements", parfois jugés excessifs, envers les minorités. Ils vont du port du kirpan (petit poignard porté par des sikhs) aux vitres obscurcies du centre sportif d'une école à la demande de Juifs orthodoxes pour dissimuler des femmes en tenues ajustées.
Au début de l'année, le village de Hérouxville a cristallisé ces sentiments en édictant un "code de conduite" interdisant la "lapidation en public", l'excision ou le port de la burqa.
Cette initiative caricaturale a valu des critiques mais aussi des marques de sympathie à la petite localité et forcé le Premier ministre de la province, Jean Charest, à intervenir. Ce dernier a alors nommé une commission, chargeant deux intellectuels, l'historien Gérard Bouchard et le philosophe de renommée mondiale CharlesTaylor, d'étudier les "pratiques d'accommodements liées aux différences culturelles". Cet exercice s'est muté cet automne en forum ambulant se déplaçant dans toute la province. Et les deux commissaires ont élargi leurs réflexions à l'intégration des quelque 45.000 immigrants qui viennent chaque année gonfler les rangs de la province de 7,6 millions d'habitants. Les audiences publiques se déroulent dans des salles combles et sont suivies en direct à la télévision par des centaines de milliers de téléspectateurs, témoins privilégiés d'interventions dérapant parfois vers des propos racistes ou des perles d'ignorance et de rhétorique. "L'islam est issu des talibans, si on accommode l'islam ici et qu'on combat les talibans en Afghanistan, il me semble qu'il y a une contradiction", lance sans ambages un homme lors d'une audience à Joliette, ville francophone de 20.000 habitants, située à 60 km à l'est de Montréal. Charles Taylor rétablit les faits. Son collègue Gérard Bouchard conclut la séance par ces mots: "Il ne faut pas attribuer à l'Islam tout ce que l'on juge