Intervention à l’Assemblée Nationale française du député de Martinique Jean-Philippe Nilor à propos de la Modernisation du Droit Outre-mer.
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Chers collègues,
J’associe mes collègues Alfred MARIE-JEANNE et Bruno Nestor AZEROT à mon intervention.
Le projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer, qui nous avait été soumis, prétendait adapter la législation en vigueur afin de mieux répondre aux enjeux auxquels chaque territoire d’outre-mer est confronté.
C’est ainsi qu’en s’appuyant notamment sur les consultations règlementaires qui nous ont été détaillées dans le tableau synoptique fourni dans le dossier législatif, il prévoyait des mesures spécifiques pour certaines collectivités d’Outre-mer, en tenant compte des évolutions statutaires de celles qui relèvent des articles 73 et 74 de la Constitution.
Aujourd’hui, force est de constater que, s’agissant de la #Martinique ce texte ne tient pas toutes ses promesses, que des initiatives intempestives et infondées ont été prises sans concertation, et que loin de servir les intérêts et les spécificités de la nouvelle collectivité de Martinique, elles tiennent lieu de socle pour assoir des intérêts particuliers.
En effet, suite à l’adoption de ce texte le 16 juillet dernier à l’Assemblée nationale, nous avons été à l’instar de la Ministre des Outre-mer, alertés par la Présidente du Département de Martinique, au sujet des problématiques posées par l’amendement devenu l’article 15 decies nouveau.
Amendement déposé par le Gouvernement, initié et soutenu unilatéralement par le président de la Région Martinique, sans consultation préalable, contrairement à ce que vous prétendez, Madame la Ministre. Je cite : « Nous avons donc proposé cette solution aux présidents des deux conseils généraux ainsi qu’aux présidents des deux conseils régionaux qui l’ont acceptée. Pourquoi en aurions-nous inventé une autre ? »
Cet amendement stipule que pour assurer la transition et la continuité, au lendemain de l’élection de la Collectivité Territoriales de Martinique de décembre prochain, le DGS de la Région devient le DGS de la Collectivité Territoriale de Martinique, tandis que le DGS du Département officiera en tant qu’adjoint.
Ainsi, pour justifier ce choix, en commission vous déclarez, Madame la Ministre: «Nous avons fait ce choix, car le directeur des services de la région occupe un rang administratif supérieur à celui du directeur des services du département ; c’est une donnée administrative. »
Une hiérarchisation est donc clairement instituée entre les deux collectivités.
Rien ne justifie cette hiérarchisation d’autant que la situation de Région monodépartementale de la Martinique et de la Guyane est particulière, dans la mesure où les deux collectivités occupent un même espace géographique et qu’aucun texte législatif n’établit une hiérarchie entre les deux.
Au demeurant, lorsqu’on compare l’antériorité du Conseil Général de Martinique, le budget, l’effectif, le patrimoine, par rapport au Conseil régional, le moins qu’on puisse dire c’est que le premier n’a aucun complexe à entretenir par rapport au second.
Cet article est donc infondé, illégal, et illégitime.
Soulignons, Madame la rapporteure, que nous ne sommes pas dans le prolongement de la loi NOTRe qui prévoit les fusions des Régions de la France Hexagonale, nous sommes régis par la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique induite par la consultation populaire de janvier 2010 où les Martiniquais se sont pas prononcés pour une absorption du Conseil général par le Conseil Régional mais en faveur de la substitution des deux collectivités par une Nouvelle collectivité territoriale.
Lors de la commission des lois du 7 juillet, notre homologue de la Guyane, Chantal Berthelot, s’était déjà à juste titre étonnée de ces dispositions et interrogée quant à la pertinence de leur inscription dans la loi.
Il ne s’agit pas pour moi de m’opposer à la continuité des services, n’en déplaise à ceux qui font aujourd’hui du rétropédalage (n’est-ce pas M. ABOUBACAR ?) et qui disaient pourtant le 7 juillet en commission des lois: «La continuité du service public est en effet absolument nécessaire, cela n’explique pas pour autant que le DGS de la Région ait le pas sur le DGS du Département alors qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les deux collectivités».
Je ne polémique pas sur des questions de personnes, mais mon devoir est d’insister sur la nécessité de respecter des principes moraux et une certaine éthique qui manquent cruellement à certains.
Sans égard au mérite du parcours remarquable de l’actuelle DGS de la Région dans le privé, il est honteux qu’un député profite, avec l’appui du gouvernement, de sa position pour favoriser un agent recruté par la voie directe, au risque de compromettre la démarche de co-construction engagée de longue date par les équipes administratives et syndicales de deux collectivités déjà fragilisés par le processus de refonte.
Actuellement le malaise est bien présent au sein de l’Hôtel du Département. La grogne s’intensifie, les agents dénoncent une mise sous tutelle du Département au bénéfice de la Région et à deux mois des élections, la menace de grève s’amplifie.
Aussi, mes collègues de Martinique et moi-même, en appellent à votre raison afin que des dispositions urgentes soient prises en vue de rétablir la sérénité et de permettre à l’exécutif de la Collectivité Territoriale de Martinique de choisir parmi les directeurs généraux des services en fonctions au Département et à la Région, le Directeur Général des Services qui sera chargé de la transition.
En quoi l’exécutif qui sera désigné par le peuple Martiniquais ne serait-il pas qualifié pour choisir son DGS en toute légitimité et en toute légalité.
Il y va du respect du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Je vous remercie de votre attention.