Bondamanjak

Je suis inquiet, simplement, mais vraiment

Je suis inquiet de la tournure que prennent les choses, tant en Guadeloupe qu’en Martinique. En Guadeloupe, l’Etat UMP, brutal et méprisant, a déjà ouvert les vannes de la répression et lâché ses fauves. En Martinique, cela ne saurait tarder, si les discussions entre Sarkozy et les élus « d’outre-mer » ne produisent pas de résultats tangibles.
Au-delà, malgré une mobilisation populaire qui me paraît toujours légitime, je m’interroge sur le réalisme des membres du collectif du 5 février. Je ne comprends pas notamment que l’on conditionne la poursuite des négociations autour des autres points au retour à la raison de la grande distribution (mais à t-elle vraiment perdu la raison ?). Pourquoi ne pas laisser ce point en attente et y revenir une fois les autres débattus ? Il n’y a peut-être pas qu’une seule méthode pour avancer sans faiblir ? Si l’on me répond que oui, je me dirai que le cliché du syndicaliste sclérosé, borné, salarié voire fonctionnarisé, n’est pas si caricatural que cela…
Et si je m’adresse aux leaders syndicaux et aux élus de gauche qui dirigent aujourd’hui nos collectivités, plus qu’à leurs interlocuteurs dans cette crise, c’est que je sais qu’ils sont supposés porter, plus que ces interlocuteurs, les idéaux de réussite des jeunes martiniquais.
Plus largement, les responsables politiques de gauche (et de droite d’ailleurs) et les leaders syndicaux affichent depuis des années leur désir que les jeunes martiniquais prennent leurs responsabilités et les rênes de leur pays. Mais il n’y a pas de pays sans entreprises. Alors peut-on à la fois prôner cette responsabilité entrepreunariale locale, et menacer par rigidité ceux qui l’animent ?
Je suis inquiet pour mon entreprise, et pour tous ceux qui en dépendent. C’est humain. Mais je peux comprendre que ma préoccupation individuelle soit bien peu de choses dans un mouvement aussi vaste. Encore que nous soyons tout de même plus de 15 000 individus qui souffiront plus que les autres des impacts de la grève, avant les salariés, avant les grands patrons qui font trainer certains points des négociations…
Mais je suis aussi inquiet pour l’avenir. Dans un pays déjà touché par l’insularité, par l’exiguité du marché, par la promiscuité des relations, par le sectarisme, par l’imprévisibilité des phénomènes naturels, il est assez difficile de faire le choix de l’entrepreneuriat. Ancien fonctionnaire territorial, j’ai fait ce choix. Sans filet depuis la fin de mes droits à disponibilité. C’est mon choix, je l’assumerai contre vents et marées.
J’ai créé une entreprise de conseil aux pouvoirs publics, dans l’espoir de voir se réduire au fur et à mesure l’appel à des cabinets extérieurs souvent peu au faite de nos problématiques et de nos approches de la vie et des relations. Et nous inventons tous les jours des outils de gestion adaptés, et j’ai fait le choix d’intéresser ceux qui travaillent à mes côtés aux résultats obtenus. Une gestion que je crois ouverte, moderne et que nous construisons ensemble. Une opportunité d’échanger entre nous, avec de plus jeunes que moi, sur les défis et les enjeux de notre entreprise et de notre société martiniquaise…une nouvelle culture d’entreprise quoi !
Mais quand les uns et les autres font preuve de rigidité ou de tactique, c’est non seulement des entreprises comme la mienne qui sont vouées à disparaître, mais c’est aussi et surtout cette nouvelle culture d’entreprise martiniquaise, déjà soumise à tant de contraintes.
Franck SAINTE-ROSE-ROSEMOND

Equilibres SARL
La place du citoyen dans le développement local