Ce n’est pas le carnaval qui pourtant a été annulé pour la première fois en Martinique en 107 ans, ce sont bien des Martiniquais qui marchent sans arrêt dans les rues de la capitale en criant leur colère à la face aux dominants. Alors qu’on pensait que le grand « déboulé » (vidé) des jours gras et du mercredi des cendres lancé depuis le 6 février, servirait comme d’habitude d’exutoire au peuple martiniquais et que chacun s’essoufflerait au chronomètre « des patrons et des entrepreneurs » lancés dans un historique couché au poignet avec le Collectif du 5 février 2009, l’intersyndicale martiniquaise a méthodiquement démontré « la profitation des possédants », elle maintient courageusement ses deux grands points de revendications : baisse de 20% (au départ 30%) sur les prix de 100 familles de produits définis de première nécessité et augmentation significative des petits salaires .
Une simple analyse comparative a en effet éclairé le différentiel qui existe entre les prix affichés par la grande distribution dans l’hexagone français et en Martinique. Elle a également démontré l’insupportable différence entre les salaires servis (aux faibles revenus) à ceux qui sont maintenus dans la pauvreté avec à peine 1000 euros net mensuels. La Martinique atteste donc d’une inflation de plus de 30% à l’achat des produits de consommation courante et accuse une réduction de 30% sur les salaires exclus des 40% de vie chère des fonctionnaires et des assimilés.
Résultat : le pays des riches qui se disent pauvres et des pauvres qui sont réellement pauvres, sans catégorie intermédiaire, est au rouge. Rouge pour les signaux de détresse lancés par plus de 60000 martiniquais qui vivent au dessous du seuil de pauvreté établi à 660€, rouge également pour les milliers de Smicards qui se déprécient, rouge enfin, tant pour les 52000 chômeurs que pour tous les bénéficiaires de contrats aidés ou autres dispositifs d’insertion .
Tous, qu’il soient smicards, chômeurs ou encore bénéficiaires des minima sociaux éprouvent les pires difficultés à s’estimer eux mèmes citoyens de cette société injuste. Ils ont de plus en plus de mal à faire face à leur quotidien et, pire encore, commencent à perdre espoir, ayant du mal à voir le bout du tunnel. Résultat : plus de 30% des Martiniquais tournent en rond dans une cocotte minute dont la seule soupape, le nuage de promesses de l’Etat dissipé, sont les collectivités territoriales, notamment le Conseil général qui s’applique, par le biais de son agence d’insertion (ADI) à trouver des solutions d’insertion pour les quelques 32 000 allocataires du RMI.
Le Collectif du 5 février 2009 le dit bien, « il faut que cela change (fok sa changé)» parce qu’il y a objectivement « profitation », parce qu’il y a manifestement abus d’exploitation et manipulations éhontées des plus vulnérables en Martinique, et très certainement aux Antilles françaises.
Parce qu’il y a inégalité flagrante de traitement dans la considération apportée aux forces du travail en France hexagonale et en Martinique française, parce qu’il y a injustice sociale avérée et incapacité pour plus de 160 000 Martiniquais à vivre décemment dans leur pays de naissance, les soupapes départementale et régionale sont entrain de se gripper à trop supporter la charge du débiteur. Combien de temps encore pourront elles tenir ? Pourquoi les rend-t-on responsable de la dépression sociale ?
Dans un tel contexte, « je suis l’avenir » de la Martinique, pourra-t-il l’être et pour combien de temps encore ? Pauvreté et richesse ne s’acceptent que dans les mélodrames pour que les sentiments humanisent l’histoire. Par ailleurs, ils s’affrontent jusqu’à la mort.
José ALPHA
Acteur social