C’est un fait tellement rare en Martinique qu’il est important de le signifier. Un homme de média, un journaliste, sort de sa zone de confort pour interpeler un homme politique. Le texte est long et nécessite une lecture attentive et non diagonale.
Par Jean-Marc Kromwel
Gérant chez ProXicom
J’ai reçu des « conseils » après mon post précédent. En évoquant la CTM, je prendrais des risques. Pour moi et pour d’autres.
Dans l’intérêt de la Martinique, avec votre soutien, je continue à alerter pour le progrès social et le bien-être commun. En rappelant que mes propos n’engagent que moi.
Parlons de Serge Letchimy. Je fais d’abord le fayot même si c’est sincère. J’aime bien l’homme. Vous l’avez remarqué dans l’émission ci-dessous.
J’aime moins le président du conseil exécutif qu’il est. Pour le moment.
Ses deux premières années à la tête de la CTM ont été marquées par la crise sanitaire et une cyberattaque. Ça n’explique pas tout.
M. le président, on se connaît un peu. De juillet 2002 à juin 2003, grâce à Franck Sainte-Rose-Rosemond, j’ai été le directeur de la communication de l’agglo centre (CACEM) que vous présidiez. Je ne suis pas resté. Je ne me sentais pas à ma place. Je suis revenu au journalisme pour manager la rédaction d’ATV. Vous n’avez pas aimé.
Depuis 1992, vous avez occupé tous les mandats. Sauf celui de sénateur (c’est encore possible). Vous avez été conseiller général (12 ans), maire de Fort-de-France (9 ans), pdt de la CACEM (6 ans), député (14 ans). Vous présidez le conseil exécutif jusqu’en 2027. Il se dit même que vous auriez refusé d’être ministre.
Ce parcours brillant a-t-il fait de vous un président hors-sol ?
Êtes-vous encore à l’écoute de vos colistiers, votre directeur général des services, vos cadres, vos agents ?
De la population ?
Parlons de vos choix et du timing. Notre jeunesse se perd, nos diplômés sont sous-employés ou chômeurs. La pauvreté progresse. Vous lancez en premier le choix d’un drapeau et d’un hymne.
C’était un processus démocratique. Mais à peine 3% des Martiniquais y ont participé. C’est le drapeau rouge vert noir (RVN) des historiques de l’AGEM (Association générale des étudiants martiniquais – 1968), Guy Cabort-Masson et Alex Ferdinand, qui a été adopté. Tout ça pour ça !
Je préférais quand, à l’Assemblée nationale, vous faisiez voter une loi contre l’indivision. Du concret !
Vous avez lancé le débat sur le créole, notre langue naturelle, facteur identitaire puissant. Nous le parlons tous les jours. Spontanément. Le proclamer langue officielle apporterait quoi ? Nous sentirons-nous plus concernés par les efforts de développement ? Par l’intérêt collectif ? Par le partage du travail, des richesses ? La CTM paiera t-elle plus vite ses factures ?
Quelles sont vos priorités ? Des décisions structurantes ? Des arbitrages identitaires ?
Allons à l’essentiel. Le progrès social, l’emploi des jeunes, la lutte contre la pauvreté, la prise en charge des seniors, le soutien aux entreprises, en réduisant les délais de paiement, en simplifiant l’accès aux fonds européens.
En 2012, Hollande raillait la finance. Mais la première loi qu’il présente c’est le mariage pour tous. Il n’a pas été un bon président.
Ce serait dommage qu’on dise la même chose de vous dans 4 ans.
Bien à vous M. le président…