par Jean Bernabé
Ce matin, mardi 25 février 2013, j’ai eu l’occasion tour à tour d’écouter sur Martinique 1ère une interview de Maurice Laouchez et de lire sur le site Politiques publiques une tribune de Garcin Malsa. Ces deux personnalités, qui se sont exprimées en tant que représentants de partis politiques, respectivement l’UDI et le MODEMAS, sont adeptes du mouvement KTKZ, sans pour autant en réclamer explicitement et publiquement la caution pour leur propos. Leur attitude se trouve, en l’occurrence, tout à fait conforme à la charte dudit mouvement, récemment établie à l’unanimité de ses initiateurs.
L’un et l’autre intervenants, tout en appelant de leurs vœux un rassemblement propre à sortir la Martinique de l’ornière où elle se trouve plongée, accorde manifestement, contre les camps d’en face (identifiés de manière, selon moi, plus ou moins juste), la priorité absolue au rassemblement de leur propre camp politique, à savoir d’une part l’ « extrême centre » intégrationniste et, d’autre part, l’extrême gauche indépendantiste. Autrement dit, à travers leur discours, ils ne font selon toute apparence qu’accroître le clivage au lieu de le résoudre. Il n’y a pourtant pas lieu de les fustiger ou de leur en tenir rigueur au nom de la sacro-sainte cohérence. Nous ne sommes en effet qu’au début d’un processus et ils sont précisément, à leur insu, des éclaireurs, des sentinelles avancées sur la longue et cahoteuse route vers le rassemblement solidaire, lequel n’est pas un simple tiré chez bò tab, mais une aventure munie d’un cap (le mieux-être des Martiniquais) et, dans le même temps, dépourvue d’une trajectoire programmée. Il n’est pas question de leur enlever le bénéfice de la sincérité, même si leurs démarches apparaissent comme fort différentes, voire contraires.
En découvrant le contenu de ces deux interventions, j’ai eu l’impression qu’elles nous situaient fort utilement à un moment crucial de la mise en oeuvre du concept KTKZ, censé opérer de façon transversale, sans confusion avec les partis politiques et au bénéfice d’une véritable avancée du peuple martiniquais. Personne n’a jamais douté que la voie empruntée dût être très étroite, parsemée d’embûches et dont la réalité découle de la nature complexe et paradoxale du projet lui-même. Comment parvenir en effet à rassembler pour une vision novatrice, délestée du maximum de dogmatisme, des forces antagonistes en perpétuelle compétition sur le terrain de la lutte politique, notamment dans sa dimension électoraliste, et aux trajectoires par nature et par vocation exclusives les unes des autres ? Comment parvenir à ce que chacun des éventuels partenaires dans le dialogue escompté ne travaille pas à un rassemblement réalisé à son seul profit, c’est-à-dire au bénéfice d’un pouvoir accru pour sa mouvance ? Importantes questions, me semble-t-il, qu’un mouvement tel que KTKZ ne saurait fuir !
Quoique pas dénuées d’a priori, ces deux interventions, parfaitement légitimes d’un point de vue démocratique et d’autant plus intéressantes qu’elles émanent précisément d’adeptes de KTKZ, sont pédagogiquement très intéressantes : elles situent les enjeux à un moment décisif dont nous devons mesurer les réalités, les risques et les issues. Réalités, parce que tout rassemblement est par nature et par définition celui d’éléments dispersés. Risques, parce que le contexte égocentrique et forcément hyper-paranoïaque hors duquel a comme miraculeusement émergé le concept inédit et fécond de KTKZ constitue l’un des plus grands ennemis de ce mouvement, dont la démarche est de nature à déplaire à plus d’un, enfermés dans leur chapelle, ce qui peut parfaitement se comprendre. Issues, parce que la contradiction constituant le ressort même de toute entreprise politique, seule la maîtrise de ses rouages peut déboucher sur un progrès réel. Toute la question demeure alors de savoir comment assumer des réalités ingrates et rétives, conjurer et déjouer des risques mortifères, trouver des issues appropriées.
Puisse cette réflexion matinale, animée d’un certain réalisme méthodologique, ouvrir une voie, fût-elle encore filiforme, non pas à la désespérance, mais à un optimisme raisonné, instrument d’une émancipation effective, je veux dire : collective ! Ne désespérons pas de nos potentialités. Elles sont immenses, à condition d’en prendre conscience, ce à quoi me semble conduire l’esprit KTKZ, chaque pour plus mûri et plus aguerri à l’écoute du réel et à l’épreuve de notre devenir historique !