Au travers d’une compilation érudite, Emile Omar signe un hommage à la musique à danser venue de Martinique, Guadeloupe, Haïti et Dominique.
« Palé Créole, palé français » : Rodrigue Milien & Blagueur, représentant d’une tradition musicale haïtienne et plus ancienne même, le troubadour ou twoubadou dans un de ses textes fleuve (la chanson dure près d’un quart d’heure) : vous l’aurez compris même si vous ne parlez pas créole, Rodrigue Milien joue de l’ironie et de l’usage du français comme marqueur social dans un pays comme Haïti (c’est aussi vrai ailleurs). Il parle même de « l’accent circonflexe jusqu’aux moustaches », tout indiqué après les remous de réforme de l’orthographe. Ce titre c’est l’une des pépites proposées par cette compilation « Antilles Chéries » : Martinique, Guadeloupe, Haïti, Dominique, ‘Compa Cadence ou les racines de la musique à danser des Caraïbes’.
Aux commandes de cette sélection Emile Omar, programmateur à Radio Nova et organisateur depuis bientôt 6 ans des soirées Tropical Discoteq. Commencer par la danse pour ensuite faire passer quelques idées dans le corps, pas étonnant quand on a choisi de donner à son label le nom de Fanon Records (en référence à Frantz Fanon, l’auteur de « Peau Noire, Masques Blancs » en 1952). Et le livret de raconter toute une histoire de la vie culturelle, de ce qui s’est partagé au travers des musiques à danser, expliquant aussi les jeux de mots insaisissables comme ici avec « Kokoyé » de Combo Créole.
Emile Omar décrypte ce qui se laisse deviner sans trop d’effort à l’écoute : l’homonymie entre la noix de coco (kokoye) et le sexe féminin (koko). Le chanteur Dodof explique que son cocotier est une propriété privée, qu’il aime par-dessus-tout la saveur de sa noix de coco et de filer la métaphore agraire avec un champ d’igname qu’il prépare pour sa femme…
Vous trouverez au-delà d’un morceau grivois différentes invitations à la danse ici, Toto Nécessité évoque par exemple les célébrations nécessaires aux divinités vaudou, et puis vous apprendrez surtout le parcours de ceux qui ont fait ces musiques de cadence et compas (kadans et konpa en créole), qui inventeront le zouk, nourris de biguine et de cuivres latins, comment en Martinique le cyclone David qui passe en août 1979 ravage toutes les structures légères, les paillotes où jouaient les musiciens de l’époque. Privés de salle beaucoup d’orchestres de bal vont disparaître au profit des discothèques et du play-back. C’est la fin d’une époque « Si bon di di bon ».
Extraits diffusés :
Rodrigue Milien & Blagueur « Palé Créole »
Combo Créole « Kokoyé »
Simon Jurad « Si Bon Di Bon »
« Antilles Chéries » sortie le 27 mai 2016 (label Fanon Records)