L’étude ethnographique que propose cet ouvrage, travaillée par de longues années de terrain, tente d’en entendre les réponses. Elle s’étaye tout à la fois sur le dépouillement de plus de 350 000 patronymes collectés dans ces départements français d’Outre-mer, des entretiens notamment avec quelques figures éminentes de l’intelligentsia créole (Césaire, Glissant, Pépin, Chamoiseau), le cumul de données historiques, culturelles, linguistiques, littéraires, ainsi que sur la mise en œuvre d’une anthropologie dite ’fictionnelle’ et pourtant contemporaine.
L’auteur, sensible au poids moral du nom, se penche d’abord sur le choc, la prégnance, la proportion, les causes et les avatars de cette problématique si délicate ; reconstitue ensuite les circonstances et conditions des processus d’attribution qui ont pu aboutir à de tels dénis ; dégage également les pratiques et parades cathartiques de résistances mentales et culturelles pour contrer l’affront du nom ; et termine en ouvrant la question de cette grave blessure également subie par les créoles de l’Ile Maurice, tout en s’interrogeant sur une possible réparation du nom.
Philippe Chanson, théologien de l’Université de Genève, est également anthropologue de l’Université catholique de Louvain et membre de son Laboratoire d’Anthropologie Prospective (LAAP). Spécialisé sur les Antilles et la Guyane françaises où il a enseigné de 1987 à 1994, il a mené d’importants séjours de recherche et de collectes dans l’entier de l’arc caraïbe. Auteur de nombreux travaux sur les croyances, la culture et la question des identités créoles, il est aussi co-auteur du Dictionnaire œcuménique de missiologie (2001) et de Identités autochtones et missions chrétiennes. Brisures et émergences (2006).
La blessure du nom. Une anthropologie d’une séquelle de l’esclavage aux Antilles-Guyane, Philippe Chanson, Academia-Bruylant, Louvain-la-Neuve, 154 p., 2008, 21,00 €.