Du temps où les choses fonctionnaient un tant soit peu dans le pays, l?autorité devant le constat du rétrécissement permanent de la plage du fait de l?assaut des vagues lors des mauvais temps, avait décidé de planter une double rangée de cocotiers tout le long de la plage de la Dizac. Et pendant des années, au moins jusqu?à la fin du XXème siècle, chaque fois que c?était nécessaire, une nouvelle rangée de cocotiers était plantée. Dans cette magnifique et combien charmante petite commune du sud de la Martinique, la plage historique et sa forêt littorale (patat-lanmè, raisiniers bord-de-mer, cocotiers, amandiers-pays, poiriers, palétuviers, sangdragon, catalpa, ?) longue, belle, appréciée des marcheurs, des baigneurs et des coulisseurs, était ainsi protégée des assaut toujours plus fougueux de Yemanja. Car à cet endroit, bien avant l?arrivée de Christophus Colombus, des missionnaires, de la Compagnie des Indes Occidentales, des engagés volontaires, des esclaves, des bossales, des congos, des negdjinen, des indiens, des chinois, des syriens, des européens, il y avait un habitat amérindien multi-séculaire. On se souvient que dans les années 60 et 70, des sauvages voleurs de trésor avaient "gruyérisés" la plage à la recherche de poteries et autres vestiges pré-colombiens. M. Mattéi, qui tentait de créer un Musée d?Art Précolombien à la Martinique, s?était battu avec d?autres, ceux qu'on n'appelait pas encore "les écolos", pour que le Préfet se préoccupe du saccage et que les forces de l?ordre fassent enfin cesser ce pillage éhonté des éléments précieux de la culture Arawak sur ce site archéologique. Un peu tard hélas, puisqu?en quelques années l?essentiel des pièces, celles de valeur (poteries, céramiques, ?.) avait été pillé pour être exposé chez quelques « gwotjap » locaux et surtout exporté par de nombreux fonctionnaires hexagonaux. Il se disait à l'époque que ces fouilles sauvages, d?abord de jour puis en pleine nuit, avaient pu durer aussi longtemps impunément parce que beaucoup y trouvaient leur content. D?ailleurs, à proximité des « chantiers» un immense espace était réservé à un « centre de vacances » de l?armée. En 1995, Iris avait rogné la première rangée de cocotiers. L'an dernier, Ivan a avalé la seconde qui avait tenue presque 10 ans. La plage de la Dizac est nue aujourd?hui, à la merci du moindre coup de mer, du moindre mauvais temps. Les cocotiers de secours, si utiles jusqu?à maintenant, n?ont pas été replantés depuis Iris. Il ne reste plus qu?un petit bout de sable avec quelques arbres entre la départementale et la mer, dans la plus grande indifférence, celle des autorités comme celle des écologistes si prompts à faire grand battage d?habitude. Mais peut-être est-ce parce qu?il n?y a plus de mangrove dans le coin. De toute façon, à ce rythme, dans 10 ans il n?y aura plus rien par là. P. 38