«La femme noire fut une pièce d'exploitation complète», ce que l'on peut retenir de la lecture de l'intéressante étude de l'historienne afro-dominicaine Celsa Albert Batista «Mujer y Esclavitud en Santo Domingo », approche qui vient d'être rééditée dans la capitale de la partie orientale de l'ancienne Hispaniola, par l'Institut des Etudes Africaines Sebastian Lemba et le Centre des Sciences de l'Education. Synthèse contenue dans une brochure de 134 pages, ce travail présente diverses analyses de caractère historique, anthropologique et sociologique qui met en lumière la condition de la femme d'origine africaine dans cette île durant la période esclavagiste et post-esclavagiste ainsi que leur rôle dans l'ardent et pluridirectionnel métissage enregistré dans la région, après la disparition, au XVIème siècle, des populations autochtones Indiens Arawak, conséquence de la première et rude colonisation espagnole. L'auteur, qui est Directrice des Affaires Culturelles de son pays, examine, ensuite, la place de la femme de descendance africaine, totale ou partielle, dans le processus de la formation de l'identité de la République Dominicaine, a la lumière de cette pesante histoire. Ouvertement féministe, la solide Celsa s'est attachée a démontrer avec une insistance toute didactique, sortie de sa formation de pédagogue, dans la partie historique de son étude, que cette femme venue de la côte Atlantique a été, dans la grande île, durant la période de sueur et de sang, à la fois une marchandise bien négociable, une force de travail corvéable et taillable à merci et une formidable machine de reproduction d'esclaves. Elle prendra, à plusieurs reprises, comme preuves, les textes réglementaires d'époque et quelques statistiques, parmi les plus éloquentes. Pour l'historienne caribéenne, qui est aussi Professeur à l'Université Catholique de Saint-Domingue, l'installation d' esclaves- femmes, qui était normale, devint avec l'expansion de la production sucrière, et son subséquent résultat, l'accroissement de la main d'oeuvre mâle, vitale. En effet, le pire des cauchemars pour les maîtres esclavagistes, c'était, durant la première moitié du XVI ème siècle, les noirs célibataires, plus enclins à se rebeller et à fuir les insalubres «barracones ». VARIANTES BIOLOGIQUES La proportion des femmes jeunes, et même très jeunes, dans les cargaisons d'ébène sera donc vivement encouragée. Le chercheur originaire de la Romana, ville adossée au littoral de la Mer des Antilles, rappellera que les premières africaines introduites « La Espafiola» provenaient du Portugal et de Séville, pays où elles subissaient un lavage culturel. C'étaient les Nègres Ladinas. Mais, très vite donc, l'on fit venir directement des côtes de l'Afrique occidentale, les Noires bozales ( indigènes) .Et, l'on souhaita, selon certaines clauses des licences accordées qu'un tiers ou la moitié des livraisons soient constituées de femmes. Ces Africaines installées dans la colonie seront réparties dans trois secteurs de la vie économique et sociale: les esclaves de 'tala (de labeur), affectées dans les plantations de canne à sucre ou dans les fermes; les jornaleros, vendeuses dans les places publiques et le personnel domestique. L'exécution de l'ensemble de ces tâches, dans des conditions de contraintes excessives, ne se faisait sans résistance passive ou, parfois même active. Et, les mauvais traitements infligés aux femmes, a la limite de la cruauté, provoquèrent divers actes de vengeance et même des insurrections. L'on notera que l'un des principaux objectifs des rebelles cimarrones retranchés, était d' exfiltrer les femmes du carcan esclavagiste. Ce fût, notamment, le cas dans le célèbre territoire montagneux de Nigua, en 1522. Selon certaines estimations reprises par Celsa, entre 20 a 25% de familles d'esclaves s'y réfugièrent. Reproductrice d'esclaves, la femme d'origine africaine a été aussi génitrice d'êtres croisés, qui présenteront, prés d'une vingtaine de variantes biologiques. Ce fait humain irréversible compliquera la gestion raciale de la colonie et sonnera, définitivement, en 1844, le glas dans l'île, de cette forme d'exploitation primitive d'êtres humains. Parmi les figures féminines afro-dominicaines ayant contribué a cette abolition, l'auteur cite Maria TrinidadSanchez, Concepcion Bona et Dona Conchita. http://fr.allafrica.com/stories/200605100647.html