Par Franck Vasko
Pourquoi des hommes et des femmes de ma génération, censés désirer mordre la vie comme dans un sandwich gros pain, ressentent une terrible envie de quitter cette foutue île de la #Martinique ? Pourquoi, élevés au fruit à pain et à l’eau de mer, kalans dans le confort de la famille locale, souhaitent-ils partir vers un ailleurs fantasmé ? Telles sont les questions parmi les 145267 que je me pose.
À la rue piétonne de Fòdfwans, je flâne et regarde autour de moi, mais bon, une idée me traverse l’esprit : me barrer. Facile à dire mais plus difficile à réaliser pour le jeune quadra que je suis, papa de trois choupettes. Madanm mwen, leur belle-mère, m’a récemment dit « Franki, t’es un gars sensé, bien qu’un peu sékélé, mais pourquoi tu veux tourner le dos à la Martinique ? ». Ma réponse a été brève : paske man bon. J’éprouve en ce moment un sentiment bizarre avec la vakabonaji ambiante lakay-nou.
C’est comme si je sentais un sac en plastique descendre sur moi, m’emprisonner peu à peu… Enfin, c’est une image, uniquement une image, vous me suivez ? C’est à cause de ce foutu sac. Peut-être que certains se disent « qu’est-ce qu’il a à se plaindre avec son histoire de sac-poubelle à la con ? » et me diront d’aller me faire voir ailleurs. Ce à quoi je répondrai par une formule moins hardcore que « allez vous faire foutre, bande de tèbè ! ».
Bon, je ferais plus concret. Genre, est-ce qu’un jeune gars ambitieux manque de perspectives en Martinique ? Est-ce que les entreprises, les collectivités, font tout ce qu’elles devraient faire pour les jeunes ? Cette société serait-elle abimée de la calebasse pour ne pas donner leur chance à des jeunes qui veulent faire montre de créativité ? Je ne peux m’empêcher de dire que la Martinique fout les boules aux jeunes. Les Boules avec un grand B. Sé sa menm. La Martinique fout les boules aux jeunes. Pa blag.
Le Sac, les Boules… Putain ! Il faut que je vous explique que c’est ce sac qui fout les boules. Il y a quelque chose qui pue dans ce sac. Et je n’ai pas envie de me retrouver dedans. Je veux res-pi-rer. Ma motivation essentielle c’est d’avoir du fric dans mon porte-feuille, du tinin lanmori dans les assiettes de mes filles et du bon temps devant moi. Ce ne sont ni des foutaises, ni des salades que je vous raconte. Du moins pas dans cet article. Bref. Pas le temps pour des jérémiades à la noix. Et puis merde ! Les mecs de mon âge ne sont pas des branleurs qui s’excitent comme des crétins sur Angry Birds. Euh.. pas tous.
Les femmes, pas de grosses feignasses qui passent leur temps à envoyer des SMS avec leur Samsung Galaxy mini. Mmm… y’en a quand même. Alors pourquoi ont-ils envie de foutre le camp de ce pays non dépourvu d’atouts ? C’est la crise me dit-on. FUCK ! Ouais. Le majeur tendu en direction des VRP de la pwofitasyon en exercice isidan qui racontent des baboul dans les médias bôkaÿ aux ordres de leurs annonceurs.
Qu’est-ce que ces doublè attendent ? Que le premier cinglé venu leur torde rageusement le cou en direct ? Qu’il les terrorise, les yeux exorbités, menaçant de leur balancer une armoire de grand-mère en mahogany massif portée à bout de bras ? Des accros au rhum Leader Price qui sèment la merde ? Non. Juste des gens diplômés, opé, qui veulent faire prospérer la Martinique, une terre confisquée, salopée par des mothafucka.
Toutes les destinations sont possibles. Sao Paulo, Saint Martin, New York, Barcelone, London, Pariston. Ou n’importe quel bled où l’on peut se faire du blé pour payer les études de nos gamins et s’acheter cette télé 127 cm Sony et les enceintes Bang & Olufsen dont le système audio, tellement sensible, nous fait entendre le moindre pet des présentateurs de JT. Ça te XPTDR, toi qui me lis en ce moment même ? Au fait, il faut que je réfléchisse à la proposition de mon poto qui vit à Miami de venir gagner ma vie dans cette ville ensoleillée, un brin frimeuse. Il parait que c’est cool là-bas, qu’il y a du taf pour les graphistes freelance et que la mer est à plus de 25°. Ça tombe bien, j’ai mon short de bain aux motifs ananas.