Tout d’abord, j’ai découvert que les juristes étaient victimes d’un langage qu’ils avaient créé eux-mêmes pour communiquer entre eux. Cela arrive souvent, que dans tel ou tel domaine de la recherche, les spécialistes s’inventent un langage codé pour faciliter leurs échanges. Et souvent, ils considèrent comme admis par tous le sens d’un concept. Et tout le monde utilise ce concept comme on utilise de façon banale son couteau et sa fourchette pour déjeuner.
Prenons les expressions « identité législative » et « spécialité législative ». Ces expressions qui ne sont écrites nulle part dans la constitution, sont ces « mots fabriqués ». Ils disent : le 73 c’est l’article de « l’identité législative » tandis que le 74 serait celui de la « spécialité législative » .Et une fois qu’on a dit cela, et surtout qu’on l’a répété souvent-souvent et qu’on l’a re-répété, on finit par prendre cela pour une vérité révélée, un postulat, un axiome dirait un matheux. Et c’est à partir de là que les spécialistes se mettent à raisonner.
Mais quand j’ai commencé à demander où c’était écrit, personne n’a su me donner une réponse satisfaisante. A part de me dire que c’était évident, je n’avais pas d’autre réponse. Alors le mathématicien têtu que je suis a insisté : d’où sortez-vous que l’article 73 est l’article de « l’identité législative », je vous entends tout le temps dire ça, c’est la base de votre raisonnement, et personne n’arrive à me donner une réponse satisfaisante !!
Comme je n’avais pas de réponse satisfaisante, j’ai commencé à me répandre sur les télévisions et les radios, à proclamer que l’article 73 n’était pas l’article de « l’identité législative ».Et là je me suis trouvé face à des spécialistes silencieux devant mon raisonnement :
En effet l’Article 73 comporte 7 alinéas. Chacun de ces alinéas peut être considéré comme un sous-ensemble de l’ensemble « Article 73 ».
Le premier alinéa est ainsi libellé : « Dans les Départements et les Régions d’outremer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités »
Notez le point qui se trouve après le mot « droit » car il a son importance. Si maintenant vous lisez la première phrase, vous comprenez que la zone où s’exerce le « plein droit » c’est : les Départements et les Régions ; voilà clairement défini le domaine de l’ « identité législative ». Ainsi vous ne pouvez pas dire : l’article 73 est l’article de l’identité législative, mais vous pouvez dire que l’alinéa premier de l’article 73 définit la zone où les lois et règlements s’appliquent de plein droit. Ainsi dit vous ne mettez aucun brouillard linguistique jargonnant sur ce qui est défini. Ces précisions sémantiques sont de quelque importance, vous le vérifierez ci-dessous.
Venons-en maintenant au sous-ensemble 7 de l’ensemble « Article 73 » : Il est lui-même partitionné en deux sous –ensembles A et B qui s’excluent mutuellement, car ils sont séparés par un mot d’une importance capitale, et que l’on rencontre souvent en logique mathématique, le mot « OU». Nous disons que ce « ou » est un « ou exclusif »
Les deux sous-ensembles A et B sont ainsi reliés par le « OU exclusif» : « La création par la loi d’une collectivité se substituant à un Département et à une Région d’outremer « OU » l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités… »
A= création par la loi d’une collectivité se substituant à un Département et à une Région d’outremer
B= l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités
Ou bien on est dans A ou bien on est dans B. Et si l’on est dans A on ne peut pas être dans B.
Or c’est être dans A que le gouvernement nous propose d’aller. Cela signifie que si nous choisissons A, nous ne pouvons être dans B
Répondre OUI le 24 pourrait donc nous amener à sortir de B. Or B, c’est exactement le domaine où s’exerce le plein droit vu au premier sous ensemble-alinéa 1.
Nous sortirions, à coup sûr, en cas de OUI le 24, du domaine du « plein droit ». Le sous –ensemble A ne fait pas partie de l’identité législative !!
L’Article 73 n’est pas l’Article de l’ « identité législative » comme l’affirment les spécialistes !!, victimes d’une habitude langagière ? Peut-être, mais cela pourrait être extrêmement grave pour la Martinique, ne plus être dans le droit commun comme on dit de façon populaire.
Si l’on se réfère à l’article 72-3 de la constitution, il est dit que ;
« La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française sont régis par l’article 73 pour les départements et les régions d’outre-mer et pour les collectivités territoriales créées en application du dernier alinéa de l’article 73, et par l’article 74 pour les autres collectivités. »
Vous voyez bien qu’il est dit que A est contenu dans l’ensemble « Article 73 ». Ce qu’on savait déjà !! Cet article 72 ne dit pas que A est contenu dans le sous-ensemble 1 défini par l’alinéa 1. Cela ne pourrait se faire puisque l’article 73 exclut lui-même A de ce sous-ensemble 1.
Dire que les collectivités da type A sont régies par l’article 73, c’est confirmer que, précisément, l’alinéa 7 de cet article exclut A du sous-ensemble 1 –alinéa 1 !!!cqfd
Donc l’Article 72 n’apporte pas plus d’information sur l’article 73 que l’article 73 lui-même. Il est partiellement redondant.
Voilà la « malformation rédactionnelle » !!!
Mais alors pourquoi ne s’en est –on pas aperçu avant/ Pour deux raisons :
– Par les habitudes de langage des constitutionnalistes
– Par le fait que c’est la première fois qu’il est fait usage de l’alinéa 7
Oui mais c’est la Martinique qui pourrait en faire les frais si le OUI, par malheur, l’emportait Dimanche 24.
Joseph VIRASSAMY