Si le BVP constate, heureusement, qu'« aucune représentation à connotation raciste, dénigrante ou même objectivement désobligeante » n'a cours dans les publicités, les « personnages de type extra-européens » ne figureraient, en 2005, que dans 3,1 % du total de la production. Le Bureau de vérification de la publicité s'est interrogé sur la diversité ethnique et a analysé près de 100 000 publicités diffusées à la télévision, dans la presse et en affichage. Les incendies de voitures, l'automne dernier dans certaines banlieues, ont éclairé plus vivement la question de la place des « minorités visibles » dans la société. Les entreprises sont interpellées sur leurs critères d'embauche. Le décompte des couleurs atteint les médias. TF1 a fait un coup en annonçant qu'Harry Roselmack, le présentateur antillais actuellement sur Canal+, remplacera PPDA cet été. Le monde de la publicité est aussi en question : « La pub est elle raciste ? » ou, formulée de façon moins lapidaire, « la publicité fait-elle aux immigrés une place conforme à celle qu'ils occupent en France ? ». France Télévisions et le Bureau de vérification de la publicité (BVP) n'ont pas attendu ces troubles pour tenter de répondre. Une étude, portant sur près de 100 000 publicités diffusées à la télévision, dans la presse et en affichage pendant l'année 2005, a été réalisée par le BVP. Cet Observatoire de la diversité sera présenté le 8 juin, lors de la table ronde organisée, en partenariat avec Stratégies, par l'organisme de régulation et le groupe public de télévision. Ses résultats sont contrastés. Jean-Pierre Teyssier, président du BVP, note avec satisfaction que ses services n'ont constaté « aucune représentation à connotation raciste, dénigrante ou même objectivement désobligeante ». Le « Y'a bon Banania » n'a plus cours. Mais les Africains et les Asiatiques ne courent pas non plus les pubs : les « personnages de type extra-européen » ne pèsent que 3,1 % de la production de 2005. Le décompte par support laisse entrevoir une lueur d'espoir à la télévision, où 17,1 % des spots mettent en scène la diversité, contre 3 % en affichage et 0,6 % dans la presse. Mais cette approche quantitative est à moduler avec l'examen des sujets des publicités : 4 spots sur 10 sont des films musicaux. Cette association « musique-Noir » rejoint d'autres clichés récurrents pointés dans la pige du BVP : les couples « sport-Noir », « marabout -Noir», « judoka-Asiatique » ou « épicier-Arabe ». De même, le chocolat rime encore avec Black qui, lui-même, se confond avec le « sens de la musique ». Discrimination positive ? Amirouche Laïdi, président du club Averroes, collectif qui ?uvre pour la diversité dans les médias, stigmatise ces stéréotypes : « La diversité dans la publicité sera une réalité le jour où l'on verra un Noir ouvrir un frigo pour attraper un yaourt nature, blanc. Pas un yaourt au chocolat, à la vanille ou à la noix de coco. » Mohamed Dia, patron emblématique de l'entreprise de vêtements Street Wear, qu'il a créée, va dans le même sens quand il affirme : « Quand elles existent, les publicités mettant en scène des Noirs ou des Arabes jouent sur le fantasme du Black ou du Beur, plus que sur leur existence en tant que consommateurs ordinaires. » Cette banalisation des personnages « extra-européens » qu'Amirouche Laïdi ou Mohamed Dia appellent de leurs v?ux a été appréciée par l'étude du BVP. La catégorie « indifférenciation » englobe les communications dans lesquelles les personnages non européens qui apparaissent ne connotent pas les produits mis en avant. Seule une pub sur cinq, dans le corpus de 2005, relevait de cette catégorie. Cet Observatoire de la diversité est appelé à être reconduit en 2006. Un outil est ainsi constitué qui permettra de juger de l'évolution du paysage publicitaire. Saisi des résultats de cette première étude, le Conseil de l'éthique publicitaire, présidé par Dominique Wolton, a suggéré que « les annonceurs (…) s'engagent plus résolument dans la voie d'une meilleure représentation des minorités ethniques ». Quand il s'exprime en son nom, de façon moins feutrée, le spécialiste des médias estime que la France représentée par la publicité est clairement « trop blanche » et ne sait pas « valoriser ses trois atouts : la France d'outre-mer, son immigration et la francophonie. » Pas tendre avec les publicitaires auxquels il refuse l'argument d'une publicité qui ne serait qu'un « simple miroir de la société », il engage la profession à mettre son audace « ailleurs que dans le porno chic » et à « utiliser sa créativité pour subvertir les clichés » et « promouvoir le multiculturalisme ». Faut-il pour autant aller jusqu'à instaurer des quotas ? Frank Tapiro, coprésident et directeur de la création de l'agence Hemisphere droit, n'y serait pas défavorable. Mohamed Dia est pour. Dominique Wolton, lui, estime que la question doit être posée. Si l'autorégulation et la pression interne sur les professionnels ne devaient pas suffire, il serait peut-être nécessaire d'envisager une discrimination positive pour une durée limitée, avance le président du Conseil de l'éthique publicitaire. Le débat des moyens à mettre en ?uvre pour atteindre cette diversité dans la publicité, qui fait l'unanimité, est bien lancé.
Luc Vachez