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La Région Martinique a-t-elle « cassé la croissance économique » ?

La première donnée à prendre en considération est le poids de la dépense régionale dans l’économie mesurée par la part des dépenses de la Région et de l’investissement régional dans le fameux produit Intérieur Brut (PIB) qui s’élève à 7 800 millions d’euros. Ainsi, en 2008, les dépenses régionales se montaient à 300 millions d’euros. Cela ne représentait que 3,9 % du PIB martiniquais. Par contre, les dépenses de l’Etat s’élevaient à 2 800 millions d’euros et donc pesaient 37 % du PIB, soit plus de neuf fois plus. Le rôle de la Région dans la croissance comme dans la récession est donc mineur sinon marginal, quoi qu’en dise le challenger du sortant qui veut faire croire qu’ils va résoudre tous les problèmes martiniquais. La Région ne peut quecontribuer à la relance et plus globalement au développement en agissant sur les structures, c’est-à-dire sur le moyen et long terme.

Premier moteur de l’économie : la consommation des ménages

A ce propos, Letchimy n’hésite pas à rendre la Région responsable de la récession historique qui a frappé la Martinique en 2008 (- 0,3 %), la première depuis 1946. Il faut savoir que le principal moteur de la prétendue croissance de la Martinique est la consommation des ménages (4,8 milliards en 2007) et qu’elle a stagné en 2007 et reculé de 0,3 % en 2008, selon les données publiées par le CEROM (comptes rapides pour l’Outre-mer-Insee- bulletin n° 11 de septembre 2009). Elle contribue au recul du PIB de 0,2 % sur les 0,3 % de baisse de 2008. La consommation des ménages a reculé depuis 2005 parce que le pouvoir d’achat a baissé confronté qu’il a été au freinage des salaires (notamment du fait de la politique salariale du pouvoir de droite dans la fonction publique) et à la hausse des prix pétrole brut, produits alimentaires, etc). Tous facteurs qui dépendent du contexte international, de la politique du gouvernement et des décisions du patronat.

L’investissement (1,9 milliard d’euros en 2007) a aussi reculé en 2008 (- 2,5 %) et ce sont les investissements des ménages(habitat) et des entreprises qui ont ralenti en .2008.

Les dépenses de l’Etat (2,8 milliards d’euros) ont reculé de 1,5 % et ses prélèvements (impôts) dans l’économie ont augmenté de + 11 % en 2008. Effet de la politique néolibérale de Sarkozy.

Quant à la comparaison avec la Guadeloupe, le PIB des deux pays tient dans un mouchoir de poche à 200 millions d’euros près (+/- 2,5 %) : 7,6 milliards d’euros pour la Martinique contre 7,8 milliards d’euros pour la Guadeloupe. Mais surtout on s’aperçoit que ces comparaisons sont dérisoires, car le véritable moteur de la pseudo-croissance des deux économies est la dépense de l’Etat.

Même cause, même effet : en 2008, avec un décalage par rapport à la Martinique, l’économie de la Guadeloupe amorce un recul. Le Cerom (bulletin n° 12 de septembre 2009) écrit : « En 2008, le premiers signes de la crise se font sentir en cours d’année/ le Produit Intérieur brut (PIB) guadeloupéen progresse encore de 1,1 % en monnaie constante, mais c’est le plus mauvais chiffre de ces dernières années… Le repli de l’activité est principalement du à la diminution de la demande intérieure. L’investissement, principal moteur de la croissance en 2007, a fléchi, et la consommation des ménages s’est essoufflée ». La note fait aussi état pour la Guadeloupe de l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs guadeloupéens, de tensions inflationnistes, de dégradation du marché du travail qui pèse sur la consommation des ménages, de déséquilibre croissant des échanges extérieurs avec la chute des exportations, de repli de l’activité touristique (baisse du nombre de clients des hôtels de 24 % et de repli du BTP avec l’incertitude comme en Martinique sur l’évolution des dispositifs de défiscalisation.(baisse du nombre de logements autorisés à la construction de 20,5 %). La Guadeloupe entrait en 2008 en récession et cela a abouti au mouvement de janvier –février 2009. Gageons que 2009 va se traduire aussi par une récession en Guadeloupe comme en Martinique quand on disposera des données.

Martinique et Guadeloupe : une même dépendance à l’égard des transferts publics

Par conséquent, opposer une Guadeloupe vertueuse et dynamique à une Martinique frileuse et archaïque est un procédé trompeur. Les deux pays sont des néocolonies dont l’économie, dépendantes et artificielle, est basée sur la consommation et l’importation.

S’agissant de l’investissement régional, précisons qu’en 2009 il se montait à 404 euros par habitant en Martinique contre 374 euros par habitant en Guadeloupe. Et encore dans les 374 euros par habitant il y a en Guadeloupe 58 euros par habitant de remboursement d’emprunt et zéro en Martinique. L’investissement a donc été en 2008 supérieur de 28 % en Martinique.

Par contre, la pression fiscale globale régionale en Martinique est inférieure (rapport entre recettes fiscales totales et potentiel fiscal total) à celle de la Guadeloupe : soit de 0,95 alors qu’en Guadeloupe elle est de 1,09, c’est-à-dire supérieure à la moyenne française située à 1. Par exemple, le taux de la taxe professionnelle régionale est de 1,94 % en Martinique contre 2,50 % en Guadeloupe et 2,83 % en moyenne française. Même chose pour la taxe sur les carburants plus forte en Guadeloupe qu’en Martinique

Conclusion : en économie on peut faire mentir les chiffres. Le plus grave est de se mentir à soi-même. Ce qui est vrai c’est que, gérée par des élus conséquents, la Région peut constituer un espace de résistances et d’initiatives locales au service des travailleurs et de la population. pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Elle peut coordonner les actions anti-crise.

Faire porter à la Région Martinique la responsabilité de la baisse de la croissance et de la récession de 2008 est particulièrement malhonnête au plan moral et surtout erroné au plan de l’analyse économique et donc politique. C’est ignorer le rôle déterminant de l’Etat dans l’évolution de l’économie martiniquaise et donc ne pas s’adresser à la bonne porte..

Mais à l’évidence, il ne s’agit pas d’ignorance mais d’instrumentalisation de l’économie au service d’une cause politicienne pour la conquête du pouvoir local.

Aujourd’hui les marges de manœuvre dont dispose la Région en raison de sa gestion sérieuse peuvent lui permettre de contribuer à impulser une politique de relance de la commande publique.

Michel Branchi

Economiste

Membre du bureau politique du PCM