Chantal Maignan, Maître de conférences /Lettres, ose se jeter à l'eau sur la question de l'université aux Antilles-Guyane. Une démarche entre le saut de l'ange et le plat douleureux pour quelqu'un en totale immersion.
Réflexion liminaire
La réforme des Universités proposée et votée par le gouvernement a eu le mérite de provoquer un sursaut salutaire aux Antilles-Guyane.
Notre université, d’un classement national peu glorieux, malgré la très ancienne et bonne réputation de certaines filières, souffre d’une organisation anachronique qui pénalise à la fois son fonctionnement administratif et pédagogique.
Désormais l’autonomie des universités impose l’intégration de chaque structure dans son contexte géographique et économique. Ainsi la relation entre le public et le privé est invitée à s’inscrire dans une dynamique positive de stimulation réciproque.
Etat des lieux
L’organisation sur trois sites de l’Université des Antilles et de la Guyane et le découpage disciplinaire arbitraire qui en a résulté datent d’une fondation historique qui n’est plus adaptée à la réalité contemporaine.
Le siège administratif situé en Guadeloupe a peu à peu spolié le principe d’équité entre ces trois départements d’outre-mer jusqu’à aboutir aujourd’hui à un fonctionnement arbitraire, voire autoritaire, qui entrave le fonctionnement des sites de la Martinique et de la Guyane.
La lourdeur des processus, relative à un conseil d’administration trop important avec une logique disciplinaire, entrave encore une gestion pragmatique, équitable et efficace de notre institution.
Tous les personnels interrogés font le constat d’un fonctionnement anarchique qui aboutit à une désorganisation des services, à une entrave à la mise en place des moyens d’une véritable Recherche et enfin à une non-utilisation du potentiel des personnels de chaque site.
La nécessité de l’évolution
La loi, tout en fixant impérativement la nouvelle mission des universités et, par conséquent, sa nouvelle organisation, permet la mise en place d’un processus simplificateur pertinent : l’autonomie des pôles rassemblés dans un principe fédérateur.
L’intégration des IUFM dans l’Université justifie déjà cette autonomie mais plus encore l’entrée du monde économique dans les choix de développement de nos filières. En effet, les investissements du privé seront soumis aux attentes du marché tout comme l’engagement des collectivités territoriales se fera en fonction d’intérêts régionaux.
J’en veux pour preuve les 2 millions d’euros octroyés par la Région Guadeloupe à condition qu’ils soient exclusivement dédiés au site guadeloupéen. Par contre, le financement régional martiniquais de certaines filières, comme la formation continue par exemple, est largement utilisé au bénéfice du site de la Guadeloupe.
L’intérêt de la loi
La loi permet donc une réorganisation de nos structures au bénéfice de chaque site désormais responsable de son développement et de sa capacité à affronter les défis de l’évolution économique à construire, au service de la préservation de l’identité et de la mission de l’Université.
Il n’y donc dans la démarche à retenir aucune raison de se soumettre à un sentimentalisme réducteur ou paralysant.
L’autonomie administrative, financière et pédagogique des sites permettra de répondre à une gestion de proximité dans la transparence et l’équité de chaque composante au bénéfice des étudiants.
Les choix et l’élaboration du projet présenté par le président seront adaptés à la réalité locale et à l’impérieuse nécessité de ne plus fabriquer des chômeurs.
La relation avec les entreprises sera cohérente et la mise en place d’une cellule d’insertion professionnelle trouvera sa légitimité et son utilité.
Il n’y a pas de raison que les pôles autonomes ne puissent fonctionner comme les grandes écoles, alliant l’excellence et le pragmatisme.
Un pôle autonome martiniquais qui s’orientera, par exemple, vers le développement de la recherche médicale tropicale, biologie environnementale caribéenne, génétique relative aux populations noires (ce qui nous permettrait d’anticiper positivement la prise en charge médicale des populations caribéennes vieillissantes, et notamment la nôtre), l’ informatique, et qui choisira résolument la transversalité disciplinaire (Lettres et droit ; Histoire et Gestion d’Etablissement, autre exemple) pour investir le monde du travail vaudra bien mieux que l’ensemble compact UAG dans son dysfonctionnement actuel et son inefficacité en terme d’insertion professionnelle.
C’est pourquoi dans cette perspective, la réforme de l’Université des Antilles – Guyane nous paraît impérative selon les processus proposés par le gouvernement.
Une condition indiscutable s’impose pour aller vers le succès :
1. L’autonomie des pôles transformés en Etablissement public d’Enseignement
Chantal MAIGNAN
Maître de conférences /Lettres