Le retard économique de la Martinique et ses deux corollaires, le chômage et l'économie informelle ont plusieurs causes :
– des transferts sociaux privilégiant une société de consommation et par conséquent une économie de comptoir au profit des grands groupes d'importation et de distribution,
– une monoculture de la banane, fortement aidée mais aux mains de ces mêmes possesseurs de grands groupes,
– une absence de culture de l'entreprise dans la population, faute de formation et de pouvoir d’expression dans l'espace occupé avec, en contrepoint, l'idée que travailler sans perspectives pour ces groupes avec un salaire minimum serait pécher (trahison idéologique), d'où le travail clandestin institutionnel (Job).
Cette situation est particulière à la Martinique, car si la Guadeloupe a quelques unes de ces caractéristiques, chômage et job, son économie est tirée par les PME diversifiées alors qu'en Martinique le bâtiment est le moteur exclusif de la croissance interne.
La ZFG est l'opportunité pour la Martinique de créer des entreprises et des emplois formels, pourvu qu'elle soit ciblée sur des activités concrètes, répondant à des besoins par l'existence d'un marché, s'appuyant déjà sur des potentialités professionnelles, qu'elle soit accompagnée par des structures de formation ou d'apprentissage et des partenariats, et un accès au crédit facilité, et où toutes les composantes de la société seraient représentées.
1 – Les activités dans la ZFG.
La Zone Franche Globale ne saurait concerner qu'un seul secteur, surtout s'il est déjà ou subventionné ou accaparé par des oligopoles ; elle doit irriguer toutes les activités à fort potentiel de valeur ajoutée.
Elle doit s'accompagner également d'une réflexion sur un rééquilibrage spatial des activités en favorisant l'émergence d'entreprises hors de la conurbation de Fort de France – Lamentin – Schoelcher.
- – Les activités exclues par principe
Toute activité à numérus clausus ou à fonction régalienne (notaires – pharmaciens – administrateurs judiciaires).
Les professions libérales de santé, sauf s'il s'agit d'un transfert d'activité vers les zones de développement prioritaire, ou de création dans ces mêmes zones (Nord Atlantique. Nord Caraïbe).
Toute activité de revente en l'état de produits importés, quelle que soit la taille de l'entreprise, même si le produit a été conditionné localement. Cependant il ne faut pas les exclure si elles se créent dans les zones prioritaires.
Toute activité déjà aidée et cultures de rente.
- – Activités et zones prioritaires.
- – Les zones prioritaires.
Les déplacements vers la conurbation du centre occasionnent des pollutions, des temps de transferts anormaux et par conséquent une perte de pouvoir d'achat (essence – entretien) et un stress évident. Les transports en commun en pâtissent également.
Dès lors le développement des activités doit se faire de manière harmonieuse sur l'ensemble de l'île. Le sud étant déjà privilégié par les activités touristiques, tout ce qui contribuera au développement du Nord caraïbe et du Nord atlantique sera particulièrement soutenu.
- – Les activités prioritaires.
Terre francophone, la Martinique doit inscrire son développement en rayonnant dans son espace caribéen mais aussi en facilitant ses échanges avec les continents (Amérique, Europe).
1.2.2.1 Secteur primaire – Agriculture – pêche – énergies.
Agriculture.
La reconversion des ouvriers agricoles doit être une priorité tout en maintenant leur emploi sur site. Or les terres sont possédées par une minorité qui ne doit pas trouver là l'occasion de profit supplémentaire. Il faut donc rechercher les solutions de rachat collectif ou individuel ou de bail emphytéotique par des candidats à la reconversion, pourvu qu'ils s'inscrivent dans la durée.
Ainsi pourront être encouragées les créations d'entreprise agricoles de maraîchage et d'élevage : aviculture, cuniculiculture en privilégiant les cultures biologiques et hors sol (des potentialités existent. Ex : culture de la pleurote) et la qualité pour l'exportation..
Ce secteur pourrait s'appuyer sur les unités de recherches agronomiques (INRA – Faculté de Montpellier) spécialisées dans les cultures tropicales, avec possibilité forte d'exporter son savoir faire dans son environnement.
Encourager la culture des plantes tropicales à vertu pharmaceutique ou pharmacologique.
Pêche.
La tradition de pêcherie est réelle mais reste encore artisanale.
Il faut donc encourager l'émergence d'une véritable filière jusqu'à la transformation des produits, par des bancs de concentration et de culture en bassin ainsi que par la pêche au loin (miquelon).
Il faut y ajouter la culture de ressources complémentaires ayant vocation à un usage médical, (algues spirulines – huîtres : nacre pour l’industrie dentaire …).
Energie
La Martinique est très en retard dans le secteur des énergies renouvelables alors que ses potentialités sont élevées.
La géothermie, l'énergie solaire, la biomasse, l'énergie hydraulique, sont des secteurs en friche qui, s'appuyant sur des partenariats, peuvent être développés, et générer de très nombreux emplois et servir à l'export.
Naturellement seront exclues les entreprises de raffinage et d'importation ou de centrales à mazout.
- Secteur secondaire.
Les industries de transformation de produits importés existent.
Elles sont majoritairement détenues par de grands groupes locaux. Celles qui existent doivent être écartées sauf s'il y a transfert d'activité vers les zones prioritaires.
Des nouvelles unités ne doivent pas être écartées si elles se portent vers les secteurs non exploités.
1.2.2.3 Le bâtiment et les travaux publics.
Le bâtiment est le lieu privilégié (avec la restauration), de l'économie informelle alors qu'il bénéficie déjà à plein des mesures de défiscalisation.
Il doit par conséquent être exclu du dispositif, surtout si les mesures actuelles sont pérennisées.
Les travaux publics. Ils sont gérés par des sociétés multinationales et par conséquent exclus du dispositif.
1.2.2.4 Le Tourisme.
Ce secteur est à différencier entre l'hôtellerie de masse qui souffre d'un mauvais rapport qualité prix comparé aux destinations concurrentes d'une part et l'hébergement chez l'habitant qui est fortement apprécié et par conséquent se retrouvera en ZFG d'autre part.
L'hôtellerie, dans le giron des grands groupes, doit être soutenue, à condition de revoir le professionnalisme des personnels et par conséquent leur rémunération.
Par conséquent il faut considérer l'ensemble des prestations offertes aux touristes aujourd'hui ghettoïsés, en créant des métiers périphériques au profit d'entreprises martiniquaises :
– Activités de plage (en périphérie ou non des grands hôtels).
– Plagistes – monitorat – etc…si possible en demandant aux hôtels de sous-traiter ces activités – qui pourraient s'accompagner d'un cahier des charges d'entretien des plages.
– Activités d'excursion – terre – mer- air.
– Activités de soirée.
La Martinique n'offre aucune prestation nocturne alors que la musique y est culturelle et les musiciens de qualités nombreux.
Les lieux de danse pourraient être inclus dans la ZFG avec un cahier des charges rigoureux (emploi de musiciens – environnement – contrôles).
– Activités liée au golf.
Un seul golf ne peut faire de la Martinique une destination prisée des golfeurs. Les conditions de création existent, ce secteur fort pourvoyeur d'emplois ne doit pas être écarté.
1.2.2.5 La santé.
La population est vieillissante et la tradition d'hébergement des aînés aux domiciles de leurs enfants se perd.
L'hébergement des séniors.
Pour faciliter la transition avec les usages, comme les finances communales ne permettent pas de financer des unités d'hébergement, les particuliers pourraient, après conventionnement, créer des petites structures d'hébergement non médicalisées.
Il ne faut pas exclure des établissements plus lourds en investissement pourvu qu'ils soient crées en zones prioritaires ; les communes ou la sphère EPS pourraient bénéficier des avantages de la ZFG.
Il y a aussi tout ce qui peut être tiré de la recherche et du développement sur les plantes tropicales.
1.2.2.6 Les métiers du sport.
Le paradoxe de la Martinique est d'avoir le meilleur taux de résultats chez les jeunes et de laisser la place à la Guadeloupe dans le sport professionnel. Il y a certes des raisons de formation mais la France perd ainsi un vrai vivier dans tous les sports.
Il faut donc faciliter l'émergence des sports de haut niveau en favorisant les entreprises de remise en forme, structurées, avec obligation de s'installer hors conurbation et de favoriser le secteur associatif dans ses tarifs.
1.2.2.7 La Formation.
Les instituts de formation sont nombreux, pour la plupart installés sur la conurbation du centre. Leur délocalisation doit être encouragée ainsi que leur émergence dans tous les secteurs suscités par la ZFG.
L'informatique sera prioritaire.
2. Les conditions de la réussite de la ZFG.
La volonté politique Nationale de créer une ZFG en Martinique doit être relayée localement par l’ensemble des acteurs
- politiques : région – département – communes – Université – EPS
- privés : grands groupes qui doivent s’ouvrir à une autre approche en rupture avec l’histoire.
Il faut vigoureusement encourager des partenariats avec les universités, le monde francophone et la caraïbe.
– 2.1.Les coûts et avantages de la ZFG.
Les exonérations de charges sociales liées à la ZFG peuvent ne pas être aussi coûteuses qu’imaginés. D’abord parce qu’il faut en attendre une formalisation de l’économie informelle, ensuite parce que le taux structurel des impayés URSSAF en atténue la portée (même si cet argument est spécieux, il a une réalité tangible).
Elles ne doivent cependant pas être attribuées sans contrepartie et il faut que les entreprises qui les sollicitent s’engagent sur des objectifs de résultats et de moyens.
Elles peuvent subsister concomitamment avec les avantages de la défiscalisation actuelle qui ont montré leur intérêt mais aussi leurs limites.
– 2.2. L’apprentissage et la formation.
a) Des salariés.
Dans tous les secteurs la formation interne est vécue par l’employeur comme une cause de renchérissement du coût du travail et par le salarié comme un élément non nécessaire à son épanouissement.
Or si des filières sont créées elles doivent s’accompagner de structures de formations ad hoc, en relation avec l’enseignement technique, la formation continue et des établissements privés.
De même, et notamment dans le tourisme il est nécessaire de créer de véritables pôles d’excellence en favorisant l’apprentissage hors île et en exigeant une véritable promotion sociale avec amélioration du pouvoir d’achat.
b) Des entrepreneurs.
La culture d’entreprise est à développer et les créateurs doivent être accompagnés pendant les deux premières années. La CCI peut servir de moteur mais les pouvoirs publics pourraient participer à la rémunération des cabinets d’accompagnements, eux mêmes défiscalisés
c) Les structures de formation.
La Martinique souffre de la pauvreté de ses structures de formation puisqu’il n’y a pas de demande il n’y a pas d’offre.
Il faut donc réfléchir à instaurer un système performant public ou privé en symbiose avec les filières ; il pourrait aussi accueillir des stagiaires de la caraïbe à des prix de coopérations internationale.
En attendant, les acteurs se déplaceront vers la métropole, avec des prises en charge maximum par les autorités locales – (d’où un partenariat nécessairement fort et contraignant Etat – Région – Transports).
L’université a une place à prendre dans ce dispositif en instaurant des préparations adaptées, en créant des structures de recherche sur les technologies développées dans les ZFG.
2.3. Les Partenariats
L’impulsion engendrée par la ZFG ne pourra produire ses effets, à condition que les outils manquants trouvent leur substitut en France métropolitaine, que si l’ensemble des acteurs publics et privés locaux se mobilisent.
La formation des agriculteurs sur des domaines aussi spécifiques sera assurée dans des institutions métropolitaines, avec des stages organisés dans les régions ou elle existe : Montpellier par exemple, l’INRA, le Languedoc-Roussillon pour la culture hors sol. L’opérateur relais pourrait être les Chambres d’Agriculture sous l’égide de son ministère de tutelle.
S’agissant des énergies renouvelables, à défaut d’implication de l’université, elles seront appréhendées dans les régions où un pôle de compétence est également développé (Languedoc – Roussillon). Les entreprises nationales –EDF – ARERA, etc…) pourront sponsoriser la formation des cadres et des artisans.
La formation aux métiers du tourisme suivra un cycle universitaire, et un cursus pour les salariés avec formation aux langues (laboratoire de langue) pour tous les salariés et stage de perfectionnement ou en Martinique dans les hôtels reconnus (Ex : Cap’Est) à l’étranger, ou en France métropolitaine.
L’antagonisme actuel entre les acteurs locaux devra se réduire dans un partenariat privé/privé où chacun pourra trouver sa place.
Sur les métiers du sport, la Guadeloupe a développé ses structures. La Martinique doit disposer des mêmes atouts (STAPS – CREPS) et favoriser la préparation physique à tous niveaux.
On le voit bien, l’Etat sur ces sujets, et les Ministères de l’E.N., de l’Université et de la recherche doivent s’impliquer, à coût nul si possible.
Les collectivités doivent se préparer à ce " grand bond en avant ", chacun pour ce qui les concerne : EPS, infrastructures, Région pour la formation et l’aide aux installations. Tout étant scellé dans un document de programmation Etat-Région. Les transports aériens et maritimes doivent aussi faciliter l’ensemble des échanges.
2.4 L’accès au crédit.
Les grands groupes ont bénéficié du Crédit Martiniquais. Aujourd'hui des structures adaptées doivent bénéficier aux créateurs d'entreprises sous forme de capital-risque ou de crédit bonifié. On peut aussi privilégier l'émergence du micro crédit alimenté en défiscalisation par les grands groupes.
La Martinique est un marché de faible dimension, mais elle se trouve au cœur d’un ensemble de plusieurs millions d’habitants, avec des infrastructures et une administration et un niveau de vie parmi les plus élevés. Elle doit s’appuyer sur ce grand marché en privilégiant les productions sur les technologies à forte valeur ajoutée, car les pays voisins ont des classes sociales à bon revenu, et ils aspirent eux-aussi aux progrès.
Ainsi la ZFG, tout en redonnant aux Martiniquais la possibilité d’être les acteurs de leur développement, sera pour la France une plate-forme de rayonnement géostratégique dans un environnement fortement dominé par la présence américaine.
Dossier réalisé par Chantal Maignan